Faire la promotion d'une Twingo au Japon ou d'un parfum au milieu d'un désert d'Amérique du Sud ? Pendant longtemps, les productions de spots de publicité ne se sont pas vraiment préoccupées de l'impact de leurs tournages sur l'environnement. Alors que cette thématique est de plus en plus présente dans la sphère politico-médiatique et dans les têtes des consommateurs, les acteurs du marché de la pub commencent progressivement à revoir leurs pratiques.
"Toute la filière participe au débat sur l'impact de la pub afin de faire émerger les meilleures solutions pour encourager la transition écologique", témoigne ainsi Laurent Broca, Directeur général du pôle media d'Havas. Producteur via ses agences vedettes comme BETC de réclames pour les plus grandes marques françaises, le géant français de la pub a lancé en 2018 Solidarité Climat, un dispositif de mesure des externalités environnementales négatives de toutes ses productions, qu'elles soient audiovisuelles, radio, imprimées, digitales ou événementielles.
Désormais, les agences d'Havas intègrent ainsi dans leur devis global de production une contribution financière de 0,2% visant à assurer une compensation carbone des tournages. Les sommes récoltés financent ensuite des projets climat solidaires pilotés par Pure Projet, partenaire d'Havas. Plus largement, l'Union des entreprises de conseil et d'achat media (UDECAM) mène actuellement des discussions avec les représentants des différentes agences de création pour rendre plus éco-responsables les productions de spots de publicité.
A France Télévisions, diffuseur mais aussi producteur de contenus publicitaires, l'impact environnemental des tournages est désormais une source de préoccupation. "France Télévisions est membre fondateur du collectif Ecoprod, qui propose une charte de tournage plus vertueuse d'un point de vue environnemental", indique Virginie Sappey, directrice Marketing et Etudes à FranceTV Publicité. "Cela va de la gestion des déchets à l'optimisation de la consommation d'énergie sur les lieux de production. Delphine Ernotte (la présidente de France Télévisions, ndlr) s'est engagée à avoir en 2022 50% des fictions du groupe éco-produites. C'est déjà le cas pour nos deux feuilletons : 'Un si grand soleil' et 'Plus belle la vie'. Nous accompagnons ce mouvement côté régie puisque nous proposons pour ces deux fictions éco-produites des spots de parrainages eux-aussi éco-produits", révèle la cadre de France Télé Publicité.
Référence du secteur, Ecoprod est aussi devenu le partenaire de Canal+, dont les fictions "Baron noir" avec Kad Merad, OVNI(s), ou encore "L'effondrement" bénéficient toutes du label d'éco-production. "Nous sommes actuellement en train de former la Canal Brand Factory, notre entité de production de spots à destination des marques, à ces bonnes pratiques", annonce Fabrice Mollier, le patron de la régie de Canal+.
Chez TF1, on planche actuellement sur une manière de faire de l'éco-production un critère de valorisation de certaines campagnes publicitaires. "Si un spot a été éco-produit par une agence, on pourrait imaginer d'y apporter une forme de bonification sur nos médias", explique ainsi Sébastien Granet, responsable de l'innovation chez TF1 Pub. La réflexion est en cours au sein du groupe et devrait aboutir d'ici la fin de l'année. "L'idée n'est pas d'aller dans une course aux conditions commerciales, à la remise pure. Nous ne voulons pas créer une concurrence de prix entre les annonceurs", tempère-t-il, évoquant aussi la difficulté actuelle de "tracer" une éco-production qui relève davantage de la sphère d'influence des agences et de leurs clients.
A la TF1 Factory, entité du groupe produisant les communications de certaines marques, les démarches sont en revanche plus avancées. "La TF1 Factory a déjà intégré ces critères d'éco-production dans ses manières de travailler, qu'il s'agisse des matériaux utilisés, du choix des lieux de tournage, de la gestion des déplacements des collaborateurs. Nous sommes déjà en capacité d'éco-produire des contenus de marque comme les programmes courts par exemple", décrit le cadre de la filiale du groupe Bouygues. Et ce dernier de se montrer optimiste pour l'avenir : "Le mouvement est en marche. Il y a de plus en plus d'annonceurs qui demandent à avoir plusieurs devis, l'un classique, et l'autre éco-produit. Demain, cela deviendra la norme".