Vincent Bolloré au coeur de son livre. Dans son ouvrage, paru en librairie début novembre, "Chagrin d'humour", aux éditions Harper Collins, Sébastien Thoen retrace son parcours au sein de Canal+, de ses débuts au sein de la chaîne cryptée avec Julien Cazarre à son éviction après un sketch qui a été mal perçu par la direction. A l'occasion de la publication de cette autobiographie, le comique a accepté de revenir auprès de puremedias.com sur cette parodie de Pascal Praud, réalisée pour Winamax, qui a coûté la place du trublion dans le groupe privé. Et comme pour la première interview, attention au second degré présent dans l'entretien.
Pour rappel, fin 2020, après la mise en ligne de ce sketch sur les réseaux sociaux - et dont puremedias.com aurait, selon son livre, joué un rôle dans le relais médiatique de la parodie -, Sébastien Thoen a été viré du groupe Canal+. Par la suite, Stéphane Guy, commentateur sportif, a soutenu d'une phrase l'humoriste et s'est fait évincer à son tour. Des journalistes du service des sports ont dénoncé la situation dans une pétition. Et à leur tour, ils ont été écartés du groupe. Dans "Chagrin d'humour", Sébastien Thoen a fait de Vincent Bolloré, l'actionnaire de Canal+, un personnage central de cette affaire.
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Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Dans votre ouvrage, vous dites que vous aviez apprécié, à l'époque, l'arrivée de Vincent Bolloré à la tête de Canal+. Est-ce vrai ou de l'humour ?
Oui, c'est vrai ! Je l'ai vu arriver. Je me suis dit : "Enfin un mec comme nous, quoi !". Il est comme nous, il n'en a rien à foutre. Il est capable de tout. Il doit être super bon en caméra cachée. Surtout sa présentation à l'Olympia, c'était quelque chose. C'est un décideur. Il envoie la patate. Ce n'est pas une fiotte des médias. Nous, "Action discrète", on était la sixième roue du carrosse sur la grille. On s'est dit que le nouveau patron ne peut pas moins nous aimer que le précédent, qui n'avait rien contre nous mais qui ne nous portait pas dans son coeur plus que ça. On a dit : "Youpi !". Et à l'Olympia, quand Vincent Bolloré s'est présenté aux salariés de Canal+, c'était une caméra cachée. Il a parlé de son oncle en 1944 pour défendre la liberté d'expression alors qu'il a depuis viré la majorité des gens. (rires)
Vous n'aviez pas d'inquiétudes ?
Nous, on est des gosses. Avec lui, on avait des chances qu'il nous aime bien. D'ailleurs, la preuve, depuis qu'il est là, on a vu les plus belles caméras cachées de l'histoire de la télévision. La dernière... Dans "TPMP"... Avec le député de la France insoumise... Trois jours après, quand ils sont autour de Baba et qu'ils disent : "On a vu une bête blessée. Vous n'êtes pas un méchant animateur qui parle mal à un gentil député". Mec ! Il n'y a que des caméras cachées depuis cinq ans ! Moi, je veux lui dire : "Vincent ! Refonde 'Action discrète' ! On te donne les clefs, c'est toi le boss ! Tu prends qui tu veux dans le groupe et c'est reparti !". C'est lui "Action discrète". C'est Vincent Bolloré.
"Merci Gérald-Brice Viret pour la com !"
Puis, il y a eu le fameux sketch sur Winamax dans lequel vous parodiez "L'heure des pros" de Pascal Praud sur CNews, avec Thomas Séraphine et Julien Cazarre. Dans votre livre, vous citez à plusieurs reprises notre rédaction, Puremédias, comme le seul site qui a relayé la séquence en novembre 2020...
C'est vous qui avez foutu la merde.
Sans notre reprise, pensez-vous que l'histoire aurait été différente ?
Je me pose la question. Toi et tes amis, vous êtes responsables de 30 licenciements. Bravo ! (rires) Je ne sais pas. Moi, j'ai eu des nouvelles de Canal+ avant que votre article sur le sketch ne sorte. Ce qui est fou, c'est que le sketch semble vraiment poser problème, alors que finalement il n'a été repris que par vous... Et les 150.000 "win-amis" de Winamax. Donc, c'est un public très particulier. C'est bien 150.000 vues, on est ravi. Mais ce n'est pas une vidéo de Mister V. Ca n'a pas fait 3 millions et ce n'est pas repris partout. Toute l'histoire est alors pathétique. Le sketch ne fonctionne pas particulièrement. Tout le monde s'en fout. Et le fait qu'on me dise que ça ne va pas du tout et que ça parte en vrille, là, le sketch fait 1 million de vues ! Tout le monde a vu ce sketch. C'est le sketch d'"Action discrète" que tout le monde a vu. Il y a des gens qui ne savaient même pas qui j'étais, me parlent du sketch. Merci Gérald-Brice Viret pour la com ! Merci Frank Cadoret ! Merci l'équipe de Canal ! Grâce à vous, le sketch cartonne !
Puis, le sketch était drôle...
Oui ! Mais un mec comme Pascal Praud nous fait autant marrer que Yann Barthès. On aurait pu se marrer des deux. On n'est pas du tout militant. C'est plus un hommage. Ca ne valait pas tout ça. Mais comme ça ne valait pas tout ça, peut-être que ça cache autre chose cette histoire. Heureusement qu'il y a le livre pour en parler.
"Il y a quand même eu un plan social à cause de moi"
Comment avez-vous vécu votre éviction après le sketch ?
Je ne faisais pas le malin à l'époque. Canal, c'est ma maison, c'est ma famille. Sans Canal, je ne serai pas là. Mais je me dis : "Elle est devenue quoi cette chaîne ? C'est une blague ?". Puis surtout, ça me fait chier pour eux. Déjà, de ce que ça dit pour la chaîne. Pour les jeunes qui arrivent. Cette chaîne était un incubateur de jeunes improbables qui avaient un talent plus ou moins fort, mais original. Depuis, elle est où cette chaîne ? Elle est sur Youtube ! Faut mettre des t-shirt Lacoste et faire des blagues sur "Koh-Lanta". Ca n'a aucun intérêt. Laissons ça à McFly et Carlito qui le font très bien. Et Jonatan Cohen et compagnie... Ca m'a fait du mal pour l'image de la chaîne, mais aussi pour les gens autour de moi. Il y a quand même eu un plan social après, à cause de moi. Stéphane Guy... Comment je le prends, moi ? On vire des gens sur mon nom ! Heureusement que c'est une caméra cachée ! (rires)
Avez-vous quand même eu des remerciements de Winamax pour le buzz généré ?
J'ai eu le droit à trois jetons que je peux utiliser à Las Vegas dans une machine et à 5 "Freebets" que j'ai joués à la victoire de l'OM contre Tottenham, il y a un mois. Je me suis bien fait niquer.
"Le sketch n'a pas du tout fait marrer Pascal Praud"
Avec toutes les conséquences qu'on connaît, referiez-vous ce sketch ?
Bien sûr. J'en ai rien à foutre de Canal, de Winamax, de tout ça. L'importance, c'est mon groupe, mes amis et notre humour. Ce sketch, il fallait le faire. Puis, on voulait le faire depuis longtemps et c'est le confinement qui a joué. Tu vois, c'est la faute de Macron ! Il a raison, Bolloré. Macron, il fait chier ! (rires) C'est le second confinement qui nous pousse à faire ce sketch. On doit tourner dans des endroits un peu clos. D'habitude, on tourne dans la rue. On fait un peu les cons. Sur Winamax, on essaye un peu de faire du "Action discrète" light, mais dans l'esprit. On s'était dit que depuis le temps qu'on voulait se faire Pascal Praud, allons-y.
Pascal Praud et Jean Messiha, qui étaient les principales parodies de ce sketch, vous ont-ils appelé ?
Jean Messiha a voulu m'appeler. Je l'ai eu par contact interposé. Je lui ai dit que s'il voulait qu'on parle, on peut aller se parler chez Pascal. Apparemment, Pascal est le chantre de la liberté d'expression. J'ai dit à Messiha : "Tu t'es marré. Je viens de voir ton tweet. Merci pour ton humour, pas pour tes idées. Si tu veux qu'on en parle, tu appelles Pascal Praud et on va régler ça chez lui. Puisqu'on peut tout dire sur CNews". Serge Nedjar, le patron de CNews, grand démocrate, brillant journaliste, a lancé la liberté d'expression à tout prix sur sa chaîne, avec Pascal Praud en tête d'affiche. Jean Messiha ne m'a jamais répondu. C'est bizarre. Il n'a pas eu les couilles... Lui non plus...
Quant à Pascal Praud, il m'a appelé en faisant genre qu'il était dégoûté, mais je sais qu'il n'en a rien à foutre. Evidemment... Et il a raison. Il n'est pas obligé de se marrer. On s'est foutu de sa gueule. En revanche, je n'ai pas dit que c'est lui qui s'est plaint pour me virer. Je pense que personne n'a appelé Vincent Bolloré pour virer quelqu'un. Ou alors il faut vraiment être inconscient. Bolloré, c'est un boss. C'est "El Capo" ! Par contre, Praud, le sketch ne lui a pas du tout fait marrer.
"Quel bande de traîtres, les journalistes de CNews !"
Vous parlez beaucoup de Vincent Bolloré lors de ce feuilleton dans votre livre. Pensez-vous que votre éviction vient de lui ?
Non. Je pense que Vincent Bolloré a autre chose à foutre. Vincent Bolloré, c'est quand même l'ami de Jean-Marc Morandini, qui est l'ami des enfants. L'ami de Cyril Hanouna, qui est l'ami de la justice et du bon goût. Il a autre chose à faire que de gérer un clown et se balader sur le site de Winamax. Non, c'est Serge Nejdar, le patron de CNews. C'est ce qu'on m'a dit... C'est ce que Gérald-Brice Viret m'a dit. Il m'a raconté que Serge Nedjar avait pété un plomb parce que tout le monde à CNews regardait le sketch à ce moment-là. Tout le monde disait : "Il y a un sketch sur Pascal, il est drôle !". Tout le monde se foutait de la gueule de Pascal dans les bureaux de CNews. Quel bande de traîtres, les journalistes de CNews ! Serge Nedjar a dû parler à Pascal, entre trois conversations : "Qu'est-ce qu'on fait en Afrique ? Comment va ta femme ? Comment vont tes nièces ? Qu'est-ce qu'on fait de Thoen ?". Il lui a répondu : "Thoen, je ne connais pas. Vire-le !".
Pourtant, Gérald-Brice Viret, dans une interview à Europe 1, a assuré que vous avez été licencié, non pas à cause du sketch, mais en raison de votre proximité avec Julien Cazarre, qui aurait dénigré le service des sports de Canal+.
Très beau service communication au bout d'un mois. Encore une belle caméra cachée. La communication s'est demandée ce qu'elle pouvait dire. "Oh putain ! On l'a vu avec Julien Cazarre sur un scooter !". Dans le livre, je dis : "Mais allez plus loin, que ce soit drôle ! Dites que vous m'avez vu avec Jonathann Daval acheter un sérum pour les pieds à Sephora et vous dites que vous ne pouvez pas garder un mec comme ça, il n'est pas clean". Mais quelle caméra cachée encore une fois ! Quelle entourloupe ! Cazarre, il a fait une blague sur Canal en trois ans. C'était sur un blog de supporters des Girondins de Bordeaux. Donc, je peux le dire que ce n'était pas ça, le problème. Mais je les ai connus plus malins en communication. Ils auraient pu quand même trouver un vrai argument.
"L'audition de Vincent Bolloré au Sénat, c'était une grosse caméra cachée et David Assouline était de mèche"
Vincent Bolloré a par la suite été auditionné par le Sénat en janvier 2022 dans le cadre d'une commission d'enquête sur la concentration dans les médias. Qu'en avez-vous pensé ?
Une belle caméra cachée. Avec cette fois, un complice, David Assouline (député PS, ndlr). Je l'embrasse. Il n'est pas foutu de comprendre que Vincent Bolloré, si tu veux le piéger, tu lui poses des questions cashs et des questions fermées. En gros : "Est-ce que vous virez des clowns ?", "Est-ce que vous gardez des gens qui ne sont pas d'accord avec vous sur Canal+ ?". Tu ne fais pas des questions fleuves qui vont sur 20 lignes... Des pavés... Vincent, c'est un génie. Il prend la question qui l'arrange le plus dans ce pavé de questions et il t'endort. C'était une blague, quoi ! Putain, Assouline ! J'étais prêt encore à voter à gauche. Quand je vois ce que tu branles, ce n'est pas possible. Cette audition est dingue ! Il est débile, Assouline ! Moi, je le dis : Assouline est de mèche. Donc, c'est une énorme caméra cachée.
Si vous aviez Vincent Bolloré devant vous, qu'aimeriez-vous lui dire ?
Refais "Action discrète" ! C'est toi le patron et on sera tes assistants ! Partons en Afrique ! Papa ! Viens ! On va niquer Zelensky ! On va en Ukraine et on fait une caméra cachée de dingue ! Nous aussi, on aime Poutine. On pourrait faire des sketchs de fou. On peut niquer Netflix et Amazon, ces enculés ! Canal, ça ne va pas fort. On mutualise RTL et Canal. On fait un putain de groupe média. Allez hop ! Et on fait des programmes de dingue !
Dernière partie de l'interview à suivre demain sur puremedias.com.