LCI ou l'histoire d'une bataille permanente. Donnée pour morte il y a encore deux ans, ressuscitée ensuite par la grâce de Thierry Thuillier, la chaîne d'information du canal 26 tente aujourd'hui de faire valoir ses atouts dans un paysage concurrentiel saturé. À défaut de pouvoir concurrencer BFMTV sur le hard news - sa convention avec le CSA l'en empêche -, la petite soeur de TF1 a jeté son dévolu sur le créneau du débat d'idées et a peuplé ses rangs de quelques stars du PAF. Pour faire le point sur la situation actuelle de la chaîne, puremedias.com a passé la journée de vendredi dernier à LCI .
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Il n'est pas encore 6h du matin mais Pascale de la Tour du Pin est déjà postée sur le plateau de LCI. Un thermos à la main, la journaliste s'installe pendant qu'Adrien Borne déroule le tout premier journal de la journée. L'actualité est chargée. Deux jours plus tôt, en pleine nuit, le communiqué annonçant la mort de Johnny tombait dans toutes les rédactions de France. La journaliste de LCI, qui débarque chaque matin à 2h30 - elle ne dort que trois heures par nuit - dans les locaux de TF1, avait été la première à prendre en direct les commandes d'une édition spéciale.
Diffusée sur l'antenne de la Une, cette édition spéciale avait été près de deux fois moins suivie que celle de BFMTV. "Ce comparatif n'a pas lieu d'être, ça n'a aucun sens" balaie Pascale de la Tour du Pin qui rappelle que la case est habituellement occupée par... des programmes jeunesse. Cette nuit-là, c'est Thierry Thuillier qui a pris la décision de basculer l'antenne de TF1 sur LCI. "C'est quand même une responsabilité, d'autant qu'on a des obligations, on ne peut pas dire LCI par exemple" souffle la journaliste.
Cette interdiction de la promotion croisée entre TF1 et LCI en révolte plus d'un dans les locaux du groupe. À ce sujet, David Pujadas rappelle astucieusement qu'il "se faisait un honneur de renvoyer les téléspectateurs vers franceinfo" lorsqu'il était sur France 2. Malgré cette contrainte incompressible, Pascale de la Tour du Pin se fixe pour ambitieux objectif de "changer le réflexe du téléspectateur le matin". Alors que sa matinale ne parvient pas encore à s'imposer face à CNEWS et qu'elle est talonnée par franceinfo, la journaliste assure qu'"aucun objectif d'audience" ne lui a été imposé.
"Cette matinale est un nouveau né de trois mois, il faut lui laisser le temps de grandir" relativise la journaliste en tirant sur une cigarette. Pour perfectionner son produit, elle le remodèle en permanence et compte sur la mobilisation de ses équipes, quitte parfois à les bousculer un peu. "Ça fait partie du job. Ils savent qu'ils vont se prendre un taquet si ça ne suit pas" glisse-t-elle en expliquant que ses mots d'ordre sont "rigueur" mais aussi "bonne humeur". En plateau, l'ambiance est bonne et les sourires ne s'effacent pas quand les caméras cessent de tourner. "Je ne sais pas tricher" confie la journaliste avant de s'engouffrer dans une salle de réunion.
Elle non plus n'aime pas tricher. Quelques minutes après sa sortie d'antenne, assise au bar de l'info de TF1, Audrey Crespo-Mara, pilier de la matinale, ne cache pas son émotion lorsqu'elle évoque la disparition de Jean d'Ormesson, dont elle était proche. La mort de l'académicien, conjuguée par le plus redoutable des hasards à celle de Johnny, a complètement bouleversé l'agenda habituel de la chaîne d'information. Ce jour-là, pendant que Roselyne Bachelot et Julien Arnaud sont en édition spéciale sur la cérémonie d'hommage à Jean d'Ormesson, Bénédicte Le Chatelier prépare celle du lendemain, consacrée à Johnny.
La journaliste de 41 ans, figure historique de LCI, est rodée à l'exercice des éditions spéciales. Depuis 2005, elle a eu l'occasion d'en faire plus d'une. En ce début d'après-midi, en plein travail de préparation avec son équipe du week-end, elle tâte le terrain. "On ne sait pas encore exactement comment ça va se passer, c'est un peu sport. Là, je commence à caler les invités et je discute avec eux de ce qu'ils ont envie de raconter" commente-t-elle avec le sourire. Le lendemain, accompagnée de Julien Arnaud, "d'une banane et d'une Pom' potes", la journaliste enchaînera plus de cinq heures de direct.
De quoi être rincée, surtout quand on sait que la journaliste cumule trois émissions hebdomadaires le week-end depuis la rentrée. "Je me suis adaptée pour ma vie de famille. C'est vrai que c'est beaucoup de travail mais ça en vaut la peine. Il y a beaucoup d'envie ici. Les téléspectateurs, on ira les chercher avec les dents s'il le faut !" lance-t-elle, traduisant fièrement l'esprit de conquête qui anime les couloirs de la chaîne du canal 26. Ce surinvestissement pour porter la chaîne au plus haut touche tout le monde, jusqu'à David Pujadas, qui confie même que son quotidien à LCI est plus harassant qu'à France 2.
Mais pour avoir la gagne, il faut trimer, parfois un peu plus que les autres. Et ce n'est pas Adrien Gindre, qui cumule les casquettes d'animateur du débat d'éditorialistes quotidien de LCI et de chef du service France de la chaîne qui dira le contraire. Chaque jour, il doit enchaîner une heure de direct avec la conférence globale de rédaction de la chaîne. Mais les efforts du journaliste, ex-figure de BFMTV, semblent payer puisqu'il fait partie de ceux qui peuvent se féliciter d'audiences à la hausse depuis la rentrée. De quoi justifier le positionnement très politique de LCI imaginé par Thierry Thuillier pour pallier les contraintes de la convention de la chaîne.
À ceux qui pensent que la politique à toute heure pourrait lasser les téléspectateurs, Adrien Gindre a une réponse imparable : "La réponse est dans les audiences. Pour l'instant, ça marche". Reste à voir la viabilité très limitée. Les jours de forte actualité, la chaîne parvient toutefois à grimper de manière un peu plus significative. Ce fut le cas vendredi dernier. Boostée par l'hommage à Jean d'Ormesson, la chaîne avait atteint 0,9% de PDA. Un score légèrement plus élevé que le niveau moyen - rabaissé par rapport aux ambitions initiales de Thierry Thuillier - qu'elle vise fin 2018. Pour LCI, la bataille ne fait que (re)commencer.