La vengeance de l'Insoumis. Le 31 janvier dernier, dans une longue enquête baptisée "Affaire Macron-Benalla : les enregistrements qui changent tout", "Mediapart" avait publié plusieurs extraits sonores compromettants pour Alexandre Benalla, l'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron, mis en examen à deux reprises, pour des violences commises à l'encontre de manifestants le 1er mai à Paris, mais aussi suite à l'usage abusif de ses passeports diplomatiques.
Hier, deux magistrats, accompagnés de trois policiers, se sont rendus dans les locaux de la rédaction de "Mediapart", en vue d'une perquisition dans le cadre d'une enquête ouverte par le parquet pour atteinte à la vie privée d'Alexandre Benalla. Une perquisition à laquelle s'est opposée le pure-player, au nom de la protection des sources, et comme la loi le permet lorsqu'il s'agit d'une enquête préliminaire. "Cette enquête, qui vise les enregistrements révélés par 'Mediapart', est susceptible d'atteindre le secret des sources de notre journal. C'est pourquoi nous avons refusé cette perquisition, un acte inédit - et particulièrement grave - dans l'histoire de 'Mediapart'", a dénoncé hier le site d'information dans un tweet.
"Cette perquisition est une mise en danger majeure de nos sources. C'est une situation extravagante. Le procureur n'a pas exclu de revenir avec un mandat du juge des libertés et des détentions, qui rendrait la perquisition coercitive", a précisé hier le journaliste Fabrice Arfi, lors d'une conférence de presse organisée au siège du journal.
Cet événement a en tout cas vivement inspiré Jean-Luc Mélenchon qui s'est fendu hier soir d'un long édito sur son blog personnel. Après avoir rappelé la perquisition que son mouvement avait connu en octobre dernier, le chef de file des Insoumis s'est plaint du silence du site d'information à l'époque. "'Mediapart ne s'étonna de rien, approuva tout, se tut sur tout ce qui à l'évidence sentait à plein nez l'instrumentalisation politique de la justice et de la police. Rien sur les liens politiques entre les décideurs de l'opération, rien sur l'anomalie d'une opération construite sur deux simples dénonciations", a déploré le député. Et d'ajouter : "Au contraire, 'Mediapart' a organisé une croisade de presse contre moi le jour même pour crime de lèse-majesté médiatique. 'Mediapart' a tout justifié, tout validé."
Jean-Luc Mélenchon a poursuivi sur le même ton : "'Mediapart' a diffusé des mensonges délibérés comme celui d'après lequel nous aurions été prévenus de longue date de ces perquisitions. 'Mediapart' a fait tout ce qui lui était possible pour salir nos personnes, notre honneur, nos vies personnelles. 'Mediapart' a été dans cette circonstance le chien de garde zélé des basses besognes de la Macronie."
"Mais voilà que l'arroseur est arrosé. 'Mediapart' est pris à son tour dans les manipulations de coups tordus entre divers étages de la police et de la justice", s'est moqué Jean-Luc Melenchon, écrivant par la suite : "Les médias, la police et la justice fonctionnent en circuit fermé depuis des années. Les uns achètent des informations à certains des autres qui ne devraient pas les vendre". Selon lui, "'Mediapart' aurait dû comprendre à temps ce que signifiait l'agression contre 'La France insoumise', les inquisitions sous prétexte de dossiers bidonnés" et "aurait dû se rendre compte que le pouvoir macroniste voulait seulement ouvrir un feuilleton judiciaire à rebondissements contre (lui)".
Toutefois, même s'il a estimé "discutables" et "détestables" les méthodes de "Mediapart", Jean-Luc Mélenchon a assuré qu'il voulait défendre la liberté de la presse. "Il faut comprendre que le coup porté contre la rédaction de 'Mediapart' en annonce d'autres contre d'autres rédactions (...) Ce qui est fait à 'Mediapart' prépare d'autres mauvais coups de même nature contre d'autres médias ou d'autres formations politiques", a-t-il souligné. Et de conclure : "Que 'Mediapart' n'oublie pas ses erreurs s'il veut être utile au moment qui commence. Nous, nous n'oublierons pas que nos principes doivent profiter aussi à nos adversaires, même les moins sympathiques."