Il a pris du galon. Révélé par son rôle de critique - parfois incendiaire - dans On n'est pas couché sur France 2, Eric Naulleau devient animateur sur Paris Première en prenant, seul, les commandes de Ca balance à Paris, le talk-show culturel de la chaîne diffusé le samedi en clair à 18h15. Après avoir co-présenté Star Mag sur TPS Star, l'animateur explique pourquoi il a quitté le groupe Canal+, évoque Eric Zemmour, la culture à la télé et en remet une couche sur Isabelle Mergault qui s'était indignée des jugements du chroniqueur. Entretien.
Ozap : On a l'impression que ça faisait longtemps que Paris Première vous courait après pour vous proposer d'être animateur. Ça y est, vous avez votre émission. Comment ça s'est passé ?
Eric Naulleau : L'envie a toujours été des deux côtés mais on n'avait pas réussi à se retrouver sur le projet qui convenait. Il était question de moi pour Cactus et l'affaire ne s'est pas faite. Je ne peux pas dire que je lorgnais sur Ca balance à Paris parce qu'on ne peut pas raisonner comme ça, mais c'est vrai que, quand j'ai su qu'il y aurait ce jeu de chaises musicales et que c'était possible, là j'ai vraiment dit à la chaîne que c'était ma priorité. C'était complètement immodeste mais j'avais 14 propositions et c'est vrai que j'ai dit à Paris Première que celle-là était la numéro 1. Donc, j'ai fait ma part de boulot et si vous faites le vôtre, on va faire affaire. D'ailleurs, j'ai lu un écho que j'ai trouvé consternant...
Oui, Le Canard Enchainé explique que vous avez préféré TPS Star à Paris Première en 2008 pour des raisons d'argent.
D'abord, c'est un écho téléguidé par je ne sais pas qui de Canal, mécontent que je n'ai pas signé avec eux. Mais, en plus, c'est faux. Je ne devrais même pas entrer dans ce genre de considération mais ce n'est pas une bonne affaire financière pour moi de faire Ca balance à Paris. Ce que dit cet entrefilet est faux et j'ai vraiment fait le choix du coeur. Si je voulais gagner du pognon, je serai resté à Canal qui m'a vraiment fait une proposition très généreuse. Je l'ai refusée parce qu'il fallait abandonner tout le reste et j'avais envie de continuer On n'est pas couché et j'avais encore plus envie de faire Ca balance à Paris. Je comprends que Canal ne soit pas content parce qu'ils n'ont pas l'habitude qu'on leur dise non mais je suis plutôt l'homme qui dit non, que l'homme qui dit oui. Il faudrait qu'ils s'y habituent et, surtout, s'ils ont quelque chose à me dire, qu'ils ne passent pas par Le Canard, je pense qu'ils ont gardé mon portable.
Rassurez-nous, Paris Première, c'est quand même bien payé ?!
Vous savez, je suis un petit éditeur à la base, donc tout est mieux payé. Évidemment, c'est bien payé et par rapport au sort du Français moyen, je suis un privilégié.
Bien sûr mais quand vous dîtes avoir eu 14 propositions, ça veut dire que vous êtes courtisé, donc vous pouvez aussi jouer là-dessus. C'est normal, c'est le jeu.
Oui mais je n'ai pas joué là-dessus et j'ai pris celle qui m'intéressait. Je ne peux pas dire que je me foutais de l'aspect financier mais si ça avait été ma première préoccupation, j'allais sur Canal sans hésiter parce que l'argent était là. Ils m'ont fait une proposition très généreuse mais l'exclusivité demandée en échange, je ne pouvais pas.
On est donc venu vers vous mais avez-vous de votre côté développé vos propres concepts et soumis des projets à des chaînes ?
La seule chose que j'ai proposée et qui a été refusée, c'était un programme court de trois minutes où on démontait chaque soir un truc culturel et ça se serait appelé Pitié pour les arbres. Le papier intervient dans tout, même dans la jaquette d'un DVD : l'idée était donc de dire combien d'arbres vous auriez sauvés en ne sortant pas ce produit. Je ne sais pas s'il y a de la place pour un programme purement négatif (rires). Ça aurait été mis en scène et on aurait pu, de temps en temps, faire un truc positif.
Là, dans Ca balance à Paris, vous êtes vraiment seul aux commandes. C'est une vraie première pour vous. Déjà, est-ce que ça vous plait ?
Ça me plait beaucoup mais j'avais jusque-là l'habitude qu'il y ait quelqu'un à côte de moi, que ce soit Valérie Amarou ou Eric Zemmour. Là, je commence à m'habituer mais c'est vrai que j'ai eu deux expériences particulières lors la première : de me retourner et qu'il n'y ait pas Valérie Amarou et d'allumer mon poste de télé et de voir quelqu'un d'autre à côté d'elle, en l'occurrence Laurent Weil. Maintenant, ça y est, je suis dans le truc et il y a autant d'avantages et d'inconvénients à être en solo. On fait vraiment à son rythme mais vous ne pouvez plus passer la balle à votre camarade pour voir ce qu'il en ferait.
Quelle est la difficulté principale pour quelqu'un qui n'est pas un pur produit de télé ? Gérer un plateau, faire les trucs de télé comme lancer de la pub...
Non parce que je les écris et j'essaie de le faire sous forme littéraire et marrante. Si c'est un prétexte à trouver une petite formule marrante type "Pour voir ce que la bande dénonce, voyons la bande-annonce".
Vous aimez bien les jeux de mots (rires) !
Là, je viens de signer la préface de la nouvelle édition des pensées de Pierre Dac donc c'est une vieille passion, et j'adore les jeux de mots pourris. On ne peut pas dire que Ruquier mégote non plus sur le jeu de mots. C'est un gimmick qui permet de contourner la difficulté que vous mentionnez. Rien ne me dérange particulièrement dans l'exercice d'animateur, je commence à me sentir bien. Et je trouve que c'est une évolution tout à fait normale. Chroniqueur, vous vous dites à un moment que vous pourriez passer à l'animation. Puis, en duo, vous vous dites que vous pourriez le faire en solo... Ça va dans le sens de la marche.
Vous voyez vraiment Zemmour évoluer vers l'animation ?
Non, je lui ai d'ailleurs dit plusieurs fois. Déjà, il faut écouter un peu les autres donc c'est compliqué pour Zemmour. Et surtout, et c'est d'ailleurs ce qui peut expliquer les problèmes qu'il a eus quand il a fait une déclaration malheureuse sur Canal+, c'est qu'il passe sa vie à la télé mais qu'il est en même temps complètement inconscient de ce qu'est la télé, qu'on doit tout expliquer vite. Là, il balance un truc et le buzz s'emballe. Zemmour, ce n'est clairement pas un type d'animation mais c'est un "contre", un chroniqueur. Je trouve qu'il n'y a pas grand-monde de son niveau, de cette notoriété, dans ce rôle. Ca peut venir un jour mais j'ai de grands doutes.
Ce n'est donc pas une évolution logique pour tous les chroniqueurs...
Non mais je crois que c'est avant tout un polémiqueur, plutôt qu'un chroniqueur.
Laurent Ruquier a présenté Ca balance à Paris...
Oui, j'ai même débuté comme chroniqueur avec lui.
Lui avez-vous demandé quelques conseils ou vous en a-t-il donné ?
Non, je ne lui ai pas demandé de conseils. Je ne me suis pas non plus vraiment inspiré de lui mais je pense que, sans le vouloir, ça a été une bonne préparation d'être son chroniqueur. Je ne sais pas si on peut transmettre des trucs d'animateurs... Il y a un truc que j'ai quand même retenu de lui, c'est que je ne l'ai jamais vu décrocher. Il faut quand même être hyper concentré et parfois, dans le flot du truc, on peut se laisser glisser. J'ai vraiment appris de lui à rester à l'affut et bien rebondir sur ce qui se dit.
Ce rôle d'animateur sur Paris Première vous donne une image beaucoup plus ronde que celle de méchant cultivée chez Ruquier. Aviez-vous envie de sortir de ce cliché ?
Non. Déjà, je ne me considère pas comme méchant pour la raison simple que la méchanceté n'est pas une catégorie critique.
Après, vous savez très bien comment fonctionne la télé...
Oui, je comprends bien mais c'est un peu par paresse qu'on définit cela comme de la méchanceté. Au contraire, quand chez Ruquier, je me retrouve face à Pierre Richard qui est quelqu'un que j'aime beaucoup, qui fait à mon avis un spectacle catastrophique en ce moment, vous êtes au contraire obligé de ne pas lui balancer directement parce que c'est un type qui représente quelque chose et il y a quand même du talent sur scène. Ici, c'est un autre rôle : ce n'est pas une correction du premier, ça n'a rien à voir. A la limite, les Zemmour & Naulleau sont mes chroniqueurs donc s'il y a cinq avis négatifs, je vais essayer d'une manière ou d'une autre de tempérer un peu si l'invité mystère est là. Donc, oui, peut-être qu'on va se dire "Tiens, il n'est pas si méchant que ça".
Oui, chez Ruquier, on attend de vous que vous soyez dur, ça fait presque partie de la mécanique.
Je comprends mais, vous savez, cette mécanique ne s'enclenche qu'une fois sur deux. La semaine dernière, j'ai dit tout le bien que je pensais de Vénus Noire...
Mais c'est coupé au montage (rires) ?
(Rires) Je ne crois pas ! Malgré votre jeune âge, je crois que vous vous endormez avant la fin ! Au moment où je deviens gentil, peut-être que ça vous intéresse moins et vous avez un petit assoupissement (rires).
C'est peut-être parce que je suis déçu (rires) !
Je comprends, je vais essayer d'être à la hauteur de vos attentes !
Sérieusement, on est presque étonnés. Quand je suis venu vous voir aujourd'hui, que j'ai discuté avec vous sur le plateau, je me suis dit "Tiens, il est très sympathique en fait".
Mais je suis très sympathique en fait. Toute ma famille est à côté, demandez-leur.
Oui mais c'est terrible, non ? Donc je me suis dit qu'en faisant Ca balance à Paris, vous cassiez cette image.
Ce n'est pas terrible parce que les gens qui me voient sur le plateau trouvent que je suis à la télé comme dans la vie. Ce n'est pas un numéro. Dans la vie, je suis plutôt facile, je réponds moi-même aux gens... Que ce soit dans On n'est pas couché ou Ca balance à Paris, quand je me retrouve face à une œuvre médiocre ou mauvaise, je trouve que la moindre des choses est de le dire et c'est un simple acte de justice par rapport à tout ce que je vois de bien. C'est salaud de dire que tout est bien car, quand vous serez face à un grand film, qu'est-ce que vous allez en dire si vous venez d'encenser Il reste du jambon ? qui est catastrophique ou encore Donnant Donnant qui l'est encore plus. Il faut donc un peu forcer le trait. Je le dis mais ça provoque des drames. On est tellement habitués à ce que la critique se confonde avec la promotion que le seul bémol provoque un drame. Par exemple, j'ai beaucoup d'admiration pour Romain Duris, Marina Fois mais je n'ai pas marché dans le film, L'homme qui voulait vivre sa vie. Eux sont très bons mais je ne crois pas à l'intrigue policière : je l'ai dit mais apparemment, on est dans le psychodrame du côté de Marina Fois. Il y avait cinq avis positifs, Marina Fois a été définie sur le plateau comme la meilleure actrice de sa génération, j'ai fait une remarque et c'est le psychodrame ! C'est une situation absurde.
Avec cette émission, comment vous voyez-vous évoluer désormais à la télévision ? Peut-être en abandonnant votre place de chroniqueur chez Laurent Ruquier pour des programmes qui tournent autour de vous et qu'on ait moins une fausse image de vous en s'endormant le samedi soir devant France 2 ?
Je voudrais arriver à l'âge de la retraite, 62 ans désormais... Il me reste donc 13 ans.
Vous avez assez d'années de cotisations ?
Non, et je ne les aurais jamais, c'est foutu. Si on garde cette barrière symbolique des 62 ans, j'espère encore être à Ca balance à Paris à cet âge-là. Je veux faire quatorze saisons de suite, mais qu'ils soient souples sur ma clause d'exclusivité pour que j'aille faire une émission hyper pointue, vers minuit, sur le service public.
Ce soir ou jamais ?
Moins société, je ne voudrais que de la culture.
Des mots de minuit ?
Oui, c'est un bon exemple mais vous avez vu à quelle heure ça passe ? Contrairement au titre, ce n'est jamais à minuit. Pour l'avoir déjà fait, on ne passe pas avant 2 heures du matin. Je l'ai dit une fois mais je me suis fait taxer de mégalo, mais je le redis : je crois à un programme culturel ambitieux en prime time, sur le service public. Après, il n'y a pas beaucoup de monde mais il n'y a plus de pub donc on s'en fout.
Il y a déjà La grande librairie en prime sur France 5.
Oui, c'est chouette et j'aime beaucoup François Busnel. On est dans le dur de dur, pour les fans de littérature. Il a repris le flambeau de Bernard Pivot. Ce qui me navre à la télé, c'est le fossé qui se creuse entre ce qui est définit comme la culture d'élite et la culture populaire. Tout est toujours trop élitiste. Moi, je crois à la passerelle : vous parlez de choses qui ne sont pas destinées à priori au public qui le reçoit et vous voyez qu'il se passe un truc. J'ai fait l'expérience 10..000 fois. A partir du moment où vous facilitez l'accès, n'importe qui est tout à fait apte à l'apprécier et le comprendre. J'espère qu'un jour, il y aura ce genre d'émission et qu'on ne restera pas sur le fait que pour un programme très regardé le samedi soir, vous n'avez le droit qu'à Isabelle Mergault.
Elle va encore dire qu'elle est victime de lynchage médiatique...
Elle n'avait qu'à faire un bon film, le lynchage médiatique se serait transformé en unanimité médiatique, et je peux vous parier qu'elle ne s'en serait pas plainte.
Aujourd'hui, on a le sentiment que c'est le principe même de proposer une émission culturelle qui rebute le téléspectateur...
Il y a encore des gens qui sont très intimidés d'entrer dans une librairie parce qu'ils se disent que ce n'est pas pour eux. Il y a déjà ce côté intimidant et ils savent qu'à la télévision, sauf cas rarissime, ça va être de la promotion, donc ils vont tomber sur un truc où on va lui recommander dix trucs « géniaux ».
Vous êtes toujours éditeur : votre notoriété télévisuelle a-t-elle été un atout ou quelque chose de difficile à gérer ?
L'effet le plus immédiat est qu'ils me détestent encore plus, mais pas pour les mêmes raisons. Avant, ils me détestaient parce que je ne venais jamais à Saint-Germain-des-Près, je les emmerdais et j'ai toujours combattu le système des prix littéraires et les petites magouilles entre amis. Et maintenant, ils me détestent parce que je dézingue leurs livres à la télé. Aux Editions Grasset, je pense qu'ils jouent aux fléchettes sur ma photo !
Interview
Eric Naulleau : "Je ne me considère pas comme méchant"
Publié le 5 novembre 2010 à 11:37
Entretien avec le chroniqueur de Laurent Ruquier qui a désormais sa propre émission avec "Ca balance à Paris" sur Paris Première. Zemmour, l'argent, Isabelle Mergault... il répond à tout.
Eric Naulleau© Julien de Rosa - Paris Première
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