Pas de manquement pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le 17 février dernier, en pleine affaire Benjamin Griveaux, Apolline de Malherbe avait reçu sur BFMTV Juan Branco, proche de Piotr Pavlenski, qui avait revendiqué la publication sur internet de vidéos à caractère sexuel destinées à sa compagne, Alexandra de Taddeo. Avant de diffuser les vidéos, l'activiste russe avait pris contact avec Juan Branco, qui avait été ensuite mis en garde à vue à la suite d'une enquête pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" et "diffusion sans l'accord de la personne d'images à caractère sexuel". Souhaitant le défendre dans cette affaire, Juan Branco avait été écarté de la défense par le Parquet.
Au cours de cet échange tendu, la journaliste avait tenté de savoir quel avait été le rôle exact de Juan Branco dans cette affaire. Apolline de Malherbe avait conclu son entretien de la manière suivante : "Plus on vous entend, plus on se demande si Piotr Pavlenski n'est pas que l'exécutant et vous le manipulateur". Quelques heures plus tard, Juan Branco avait annoncé saisir le Conseil supérieur de l'audiovisuel estimant qu'il s'agissait en l'espèce d'une "atteinte très grave à la présomption d'innocence". "Elle ferme l'interview là-dessus, donc elle m'interdit de répondre. C'est une accusation très grave portant sur la commission d'une infraction", avait-il déclaré auprès du "Huffington Post".
Près de quatre mois plus, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a ainsi rendu sa décision concernant la séquence diffusée sur BFMTV et RMC le 17 février dernier. "S'il a constaté la vivacité des échanges au cours de l'entretien, le Conseil a considéré que cette séquence ne justifiait pas qu'il intervienne auprès de BFMTV et RMC", a simplement répondu le gendarme de l'audiovisuel.
Cette interview entre Apolline de Malherbe et Juan Branco a également été analysée par le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), qui a vu le jour fin 2019. Composé de représentants des journalistes, des éditeurs et des publics, il avait rendu mi-mai son avis sur la séquence. Dans son analyse, le CDJM admet "les notions de manque d'objectivité, d'animosité et d'agressivité sont difficiles à matérialiser. Le risque de procès d'intention existe". L'instance avait également rappelé que "les entretiens journalistiques ne sont pas des interrogatoires policiers".
"La sélection des faits invoqués par la journaliste, sa manière de poser des questions, le choix des termes qu'elle utilise ('instigateur', 'manipulateur'...), sa propension à impliquer à tout prix l'avocat dans la commission des faits reprochés à son client contredisent l'exigence d'impartialité", avait poursuivi le CDJM dans son avis. Et de conclure : "L'ensemble de l'entretien avec M. Juan Branco témoigne d'une partialité envers l'interviewé qui dépasse la liberté d'investigation journalistique". L'analyse du CDJM, dont la légitimité est contestée par de nombreux médias, semble donc à l'opposé de celle du CSA.