Interview
Emmanuel Chain : "La parole des politiques a moins de poids aujourd'hui"
Publié le 29 mars 2010 à 09:45
Par Julien Lalande
Interview avec l'animateur producteur.
Emmanuel Chain Emmanuel Chain© TF1/Nils HD
Emmanuel Chain
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Après plus de cinq ans d'absence et l'arrêt de Soyons directs sur M6, Emmanuel Chain fera son grand retour à la télévision ce soir sur TF1. Le créateur de Capital présentera un magazine d'information constitué en grande majorité de reportages. Ce soir, ils seront présents au nombre de quatre, intitulés « Mes voisins sont des dealers », « Maman préfère les jeunes », « Internet, la cour de récré qui tue » et « L'incroyable histoire des enfants de Michael Jackson ». Entretien avec Emmanuel Chain, présentateur mais aussi producteur de ce nouveau rendez-vous.



Comment est né Haute définition ?
Ca fait plus de 10 ans que nous travaillons à TF1 puisque nous avons créé le magazine Sept à Huit le dimanche soir à 19h. Il y a plusieurs mois déjà, j'ai proposé à Nonce Paolini et à la direction générale de l'information de TF1 d'enrichir l'offre de magazines d'information – qui est déjà forte et riche – avec un magazine en prime time. Un pari qui n'a jamais été fait depuis la privatisation de TF1 en 1987. La chaine nous a fait confiance pour développer ce projet. Et dans un second temps, TF1 m'a demandé de le présenter. Voilà comment Haute définition est né.

Il y a déjà eu des tentatives d'installer un magazine d'info en prime time avec C'est pour demain de Bruno Masure ou En direct ce soir de Guillaume Durand et Valérie Benaïm. Le premier s'est arrêté après un numéro, le second après trois...
Espérons que cette fois-ci soit la bonne ! (sourire) En tout cas, il n'y en a pas un qui soit parvenu à s'installer dans la durée. Et puis nous avons une ligne éditoriale très claire : nous allons faire 90% de reportage. Priorité aux images et aux enquêtes de fonds où nos journalistes ont passé plusieurs semaines voire plusieurs mois pour produire des documents très forts je crois, dès ce premier numéro.



L'ambition de Haute définition, c'est de révéler des choses ?
C'est un magazine ambitieux. Ambitieux dès l'instant où nous nous donnons le temps de faire des enquêtes de fond sur des sujets variés, la deuxième spécificité de ce magazine. Nous diffuserons trois à quatre documents de 25 à 35 minutes chacun – avec à chaque fois la volonté de s'intéresser à des sujets qui concernent les Français, à ce qu'ils vivent et à ce qu'est la société aujourd'hui. Tout cela avec une volonté d'être au plus près de la réalité. Nous voulons aller plus loin que ce que l'actualité quotidienne peut délivrer.

Quel sera votre rôle à l'antenne ?
Je présenterai ce magazine en contextualisant les reportages, en expliquant pourquoi nous avons choisi telle ou telle enquête. Tout a un sens, aucun sujet n'est gratuit. Et, quand cela sera justifié ou nécessaire, je recevrai un invité pour réagir à ce qui aura été montré. Mais ça ne sera pas systématique.

L'invité sera-t-il le journaliste auteur de l'enquête, comme à Envoyé Spécial, un protagoniste du document ou bien une personnalité publique, comme un politique ?
Non, pas le journaliste. Ca sera le plus souvent un acteur du sujet concerné, quelqu'un en situation de répondre à des questions précises, d'éclairer le sujet par un témoignage fort et qui doit enrichir ce qu'on aura vu. Il ne faut pas que ça soit une redite de ce qu'on aura vu.



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Et une personnalité politique ?
Ca pourrait être évidemment un politique mais là, sur notre enquête intitulée « Mon voisin est un dealer », nous avons préféré avoir quelqu'un qui est plus dans l'action et dans la responsabilité pour être très concret. Et aussi, peut-être, parce que je ne vous le cache pas – ce qui ne veut pas dire que nous n'inviterons jamais de politiques – je crois que l'appareil politique est aujourd'hui un peu démonétisé. On ne le croit plus beaucoup. Les politiques sont plus dans une logique de communication et de déclarations que d'action factuelle. Le choix éditorial que nous avons fait est tout à fait assumé : il est de ne pas inviter sur un sujet comme celui-là un politique dont on pourrait craindre une parole trop formatée ou éloignée, malheureusement, des réalités.

Il y a une logique d'audience aussi à ne pas inviter des politiques ? On a vu ces derniers jours que lorsque TF1 invitait des politiques dans son 20h, les audiences chutaient...
Notre logique dépasse celle de l'audience. Il y a une volonté d'être au plus près de la réalité, d'être très concret. C'est un constat malheureux - mais il est réel selon moi : la parole politique est peu écoutée aujourd'hui parce qu'elle a été peut-être trop présente. Encore une fois, on est dans le déclaratif plus que dans les faits. Les gens veulent des faits. Je ne veux pas non plus amalgamer ou simplifier en disant qu'on ne croit plus les politiques, mais leur parole a moins de poids. J'ai envie d'avoir une parole de poids dans l'émission et je n'exclus pas de recevoir des politiques quand il me paraitra possible qu'elle ait de la force.

Vous avez envie de développer un projet d'émission politique ? On sait notamment que Laurence Ferrari devrait présenter une nouvelle émission politique à l'approche des prochaines élections présidentielles...
Non, je ne suis absolument pas dans cette réflexion aujourd'hui. Je fais partie de ces journalistes qui considèrent aujourd'hui que la parole politique est peut-être surreprésentée dans les médias comparée à l'attente réelle et à la curiosité des téléspectateurs.



Lorsqu'on regarde le sommaire du premier numéro de Haute définition, on le trouve plutôt accrocheur avec des sujets qui interpellent. On est obligés de partir sur des sujets un peu spectaculaires (la drogue, Michael Jackson, etc.) quand on est en prime time sur TF1 ?
C'est un sommaire attractif mais avec un traitement approfondi et très qualitatif. Sur chacun de ces sujets, il y a une qualité d'investigation, de récit et d'information qui me semble très forte. Il y a un traitement journalistique qui est à l'opposé d'un traitement qui pourrait apparaître artificiel ou spectaculaire. Après, il est évident que nous avons envie de traiter de sujets qui intriguent, qui interpellent, qui créent du désir et de la curiosité. Ce qui peut faire la différence aussi entre différents magazines, c'est la qualité des rédactions et nous avons vraiment investi dans ce domaine pour constituer une rédaction de haut niveau.

On constate deux modes ces temps-ci dans les magazines d'investigation : lorsque les journalistes « suivent » les forces de l'ordre (on se rappelle tous des magazines de Charles Villeneuve mais aussi l'actuel Appels d'urgence sur TF1), et l'immersion des journalistes, parfois en caméra cachée. Est-ce que les enquêtes de Haute définition feront appel à ces procédés ?
Nous n'excluons rien si cela a du sens et si cela peut apporter une information nouvelle et inédite. Mais par exemple, sur notre enquête « Mon voisin est un dealer », il nous a semblé beaucoup plus intéressant de montrer ce qui se passe quand la police n'est pas là. Quant à l'immersion en caméra cachée, je n'y suis pas opposé par principe. Quand il n'y a pas d'autres moyens de montrer une réalité qui nous paraît importante, il ne faut pas exclure cette technique. Mais, à Haute définition, nous avons les moyens et le temps de montrer le plus possible les choses caméra ouverte. C'est la priorité absolue.

Un magazine comme Les infiltrés, qui fait de la caméra cachée un principe de base, vous ne trouvez donc pas ça pertinent ?
Je n'ai pas dit ça, et je ne le pense pas non plus. La caméra cachée est un vrai concept en soi mais ça n'est pas le nôtre. Surtout que le magazine Les infiltrés est fabriqué par Capa et présenté par David Pujadas, de véritables professionnels.



Vous avez signé pour combien d'émissions ?
Nous avons commencé la production de trois numéros de Haute définition. Je pense que le magazine est un genre très apprécié des téléspectateurs. A nous de leur en offrir un de grande qualité.

TF1 vous a fixé des objectifs d'audience. Quels sont-ils ?
TF1 nous a fixé un objectif de qualité d'abord. C'est le premier des objectifs. Il y a évidemment une attention portée à l'audience mais je dirais qu'elle vient ensuite dans la hiérarchie des priorités. Ca me fait penser à une phrase de Jean Drucker qui m'avait dit, alors que je débutais à M6 : « Faites d'abord une bonne émission, avec une bonne image. L'image d'aujourd'hui, c'est l'audience de demain ». Je dois dire que TF1 s'inscrit aujourd'hui dans cette ambition-là. L'audience est bien évidemment importante pour une chaîne comme TF1, mais je ne sens pas de pression de l'audience.

Je crois me rappeler que du temps de M6, vous faisiez des paris avec votre équipe sur les audiences de Capital... Est-ce que vous avez fait un pari sur l'audience de la première de Haute définition ?
Vous êtes bien renseigné... Alors les paris, généralement, on les fait après la diffusion, le soir-même. Là, l'émission est encore en cours de montage (l'entretien s'est déroulé vendredi en début d'après-midi, NDLR). On fera donc les paris quand on aura vu l'émission finalisée. Mais je me suis d'ores et déjà fixé à moi-même une barre à sauter.

Qui est... ?
Je la garde pour moi (rires). Je me la suis fixée à moi-même. Vous savez, il faut d'abord être exigeant avec soi.

Vous pensez qu'il y a une attente des téléspectateurs pour un magazine d'information à 20h50 sur TF1 ?
Je le crois sincèrement.



Faisons un petit tour d'horizon de vos autres productions, à commencer par la série Fais pas ci, fais pas ça sur France 2. La saison 2 a bien marché en prime time. La série sera bientôt de retour ?
Oui, la saison 3 est en cours de production. On a 8 épisodes qui seront prochainement à l'antenne dont 4 que nous avons déjà pu visionner et qui sont formidables. Les 4 autres seront prochainement en tournage.

Sur France 2 toujours, vous produisez le magazine d'information Prise directe dont les audiences sont plutôt moyennes...
Les audiences oscillent entre 12% et 14% de parts de marché. Elles sont jugées comme satisfaisantes voire très satisfaisantes par France Télévisions dans cette case du mardi soir, une case très difficile à identifier. Mais, dans le baromètre qualitatif de France Télévisions, et c'est très important dans le service public, Prise directe affiche un taux de satisfaction très fort. Béatrice Schonberg est, de plus, très appréciée des téléspectateurs. Et puis nous sommes très contents de la qualité du magazine.

Vous produisez aussi pour la TNT, le câble et le satellite, à travers les magazines Galileo (TMC) et Cactus (Paris Première). Aux deux tiers de la saison, quel bilan faites-vous de ces émissions ?
Je pense que les chaînes sont satisfaites. Cactus a plus que doublé son audience sur Paris Première par rapport à l'année dernière. Galileo a connu une deuxième saison très satisfaisante le samedi à 19h. C'est un magazine ludique, familial et original. Les décisions concernant le renouvellement de ces deux émissions se feront dans les prochaines semaines mais je pense qu'il s'agit de deux belles productions qui ont apporté aux chaines de l'identité. On sait que sur celles nouvelles chaines de la TNT, il est d'important d'avoir des magazines personnalisés et des marques. Galileo et Cactus en font clairement partie.



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