Un air de déjà vu. Jeudi, la chaîne américaine CNN a publié sur son site une longue enquête mettant en cause l'acteur Morgan Freeman, pour des propos et des comportements déplacés avec les femmes, certaines accusations tombant même dans le domaine de l'agression sexuelle. Sur les dizaines de personnes interrogées, huit affirment avoir été victimes de l'acteur américain et huit autres avoir été témoins de certaines scènes. Cette enquête, co-signée par deux femmes journalistes, Chloe Melas et An Phung, a débuté un peu par hasard, l'année dernière.
Alors qu'elle interrogeait Morgan Freeman pour la promotion de son film "Braquage à l'ancienne", Chloe Melas a été la cible de propos pour le moins surprenants de la part de l'acteur oscarisé. Au moment de cette rencontre en public, la journaliste de CNN était enceinte de six mois. L'acteur aurait profité de lui serrer la main pour ne pas la relâcher et la toiser du regard de haut en bas en lui disant : "J'aurais aimé être là", sous-entendu, quand la jeune femme est tombée enceinte. Il aurait ensuite formulé ce qui apparaissait être pour lui un compliment : "Vous êtes mûre".
La journaliste de CNN, troublée, a rapporté cet incident à sa hiérarchie, qui a pris contact avec Warner Bros, producteur et distributeur de "Braquage à l'ancienne". Mais les responsables ont plaidé le fait que seule une partie des propos de l'acteur avait été enregistrée par les caméras et que l'équipe présente sur place n'avait rien remarqué. Les faits en sont donc restés là, mais Chloe Melas a convenu avec sa direction qu'elle n'assurerait plus la couverture du film.
Après cet incident, la journaliste a décidé de ne pas en rester là et de contacter d'autres femmes pour chercher à savoir si Morgan Freeman était coutumier de tels comportements. Ce fut le début de plusieurs mois d'enquête qui ont permis de récolter de nombreux témoignages. Une jeune femme assure par exemple avoir été agressée par l'acteur sur le tournage de "Braquage à l'ancienne", qui aurait tenté de soulever sa jupe tout en lui demandant si elle portait une culotte.
Des collaborateurs de sa bien-nommée société de production Revelations Entertainement décrivent une ambiance interne "toxique", à base de remarques graveleuses. La présence de Morgan Freeman, même s'il n'était pas tous les jours dans les locaux de sa société, était redoutée par ses employés, qui le décrivent comme une sorte d'"oncle terrifiant".
Parmi les dizaines de personnes interrogées pour les besoins de cette enquête fouillée, certains ont vanté les mérites de l'acteur, affirmant n'avoir jamais été témoins de comportements déplacés. D'autres ont spontanément cité le nom de Morgan Freeman lorsqu'on leur a demandé si ils avaient eu maille à partir avec des acteurs.
CNN relève que la plupart des faits mettant en cause Morgan Freeman se sont déroulés devant témoins, sans que personne ne réagisse, par peur le plus souvent de représailles compte tenu de la stature de l'acteur, fort de cinquante ans de carrière. Il faut dire aussi que les faits incriminés ont eu lieu avant que le scandale sexuel autour du producteur Harvey Weinstein n'éclate à l'automne dernier, favorisant une libération de la parole sans précédent chez les femmes.
Morgan Freeman a pris la parole dans la foulée de ces embarrassantes révélations pour faire son mea culpa. "Quiconque me connaît ou a travaillé avec moi sait que je ne suis pas quelqu'un qui intentionnellement voudrait vexer ou mettre quelqu'un mal à l'aise. Je m'excuse envers quiconque s'est senti mal à l'aise ou non respecté. Ça n'a jamais été mon intention", a-t-il affirmé. L'acteur sera à l'affiche du prochain film de Disney, "Casse-Noisette et les quatre royaumes", attendu pour la fin de l'année au cinéma.