Investie hier par le Conseil de surveillance du groupe Le Monde, après avoir été adoubée vendredi par 80% de la Société des rédacteurs du quotidien du soir, Natalie Nougayrède est officiellement devenue la première femme à diriger ce prestigieux titre de presse, créé en 1944 par Hubert Beuve-Méry.
Ce matin, la journaliste spécialiste dans la diplomatie, ex-correspondante du Monde à Moscou, lauréate du prix Albert-Londres en 2005 pour sa couverture du conflit tchétchène, a fait sa première interview en tant que "patronne". Invitée de la matinale de France Inter, Natalie Nougayrède a expliqué ne pas vouloir être réduite à cette "première". "Je ne me suis pas présentée uniquement en tant que femme, a-t-elle d'emblée répondu à Hélène Jouan. Je me suis présentée en tant que journaliste. En tant que journaliste fière de ce journal et absolument décidée à défendre son exigence de qualité et son rayonnement."
La journaliste de 46 ans a indiqué avoir eu envie de "contribuer autrement à la vie du journal". "Quand on est journaliste de terrain comme je l'ai été pendant des années, en réalité, on est en prise directe avec la vie du journal. On se préoccupe de sa santé, de la façon dont il s'en sort. Est-ce qu'il réussit ? Est-ce qu'il arrive à convaincre ? Et j'avais toujours ce souci en moi en réalité. J'étais consacrée aux contenus, au ramassage de l'information, à l'obsession d'essayer de produire les meilleurs articles. (...) Cette obsession de la qualité et de l'indépendance dans la manière d'exercer ce métier, c'est ça qui me porte", a expliqué Natalie Nougayrède en insistant sur son souci d'indépendance.
"Tout journaliste doit savoir défendre son périmètre, défendre son indépendance (vis-à-vis) de tous les pouvoirs. Et le journal "Le Monde" incarne ça et doit le défendre. C'est son image, c'est son histoire. Lorsque j'ai fait du journalisme de terrain, lorsque j'ai été correspondante diplomatique, j'ai eu à coeur de défendre entièrement la façon dont moi je travaillais et dont le journal répercutait mon travail. C'est ce que j'entends porter", a-t-elle assuré en se disant "confiante" dans ses relations avec Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, les trois actionnaires du titre.
Dans l'édition datée de demain, qui sort cet après-midi, Natalie Nougayrède signe son premier éditorial, qui est placé sur une colonne à la Une. Elle y défend le devoir d'apporter une information "de grande valeur, vérifiée, approfondie et vivante". ">A une époque où le citoyen croule sous une masse d'informations qui lui parviennent à un rythme effréné, par de multiples canaux, dans un étourdissant maelström médiatique, (...) je m'attacherai à consolider (le contrat de confiance avec nos lecteurs), pour mieux répondre aux questions d'aujourd'hui et mieux préparer le journal aux enjeux de demain."
Elle estime que son titre a "d'innombrables atouts" pour résister à la "révolution numérique, qui transforme les habitudes de lecture". Deux gros chantiers attendent Natalie Nougayrède : le reformatage de la zone premium, réservée aux abonnés, sur le site internet du Monde. Et surtout, le lancement, fin avril, d'un cahier économique quotidien, pour concurrencer directement celui, couleur saumon, du Figaro, qui fait référence dans le secteur.