25 bougies. Ce soir, M6 célèbre les 25 ans de son magazine "Zone interdite", présenté depuis septembre 2016 par Ophélie Meunier. Pour son anniversaire, l'émission a décidé de s'intéresser au mouvement vegan, que ce soit par le prisme de personnes curieuses, d'activistes à l'origine d'actions choc mais également de bouchers prônant une consommation différente de la viande. puremedias.com a rencontré Ophélie Meunier pour évoquer avec elle cet anniversaire de "Zone interdite".
Propos recueillis par Kevin Boucher.
puremedias.com : "Zone interdite" fête ses 25 ans. Y'avait-il une pression quant au choix du sujet ?
Ophélie Meunier : Bien sûr parce que nous avons envie que le sujet ait un sens, qu'il marque comme on a envie qu'un anniversaire, par définition, marque. Nous pensons à nos propres 20 ans, à nos propres 30 ans - 25 peut-être un peu moins. C'est un événement donc évidemment que le sujet a été mûrement réfléchi.
Pourquoi le véganisme ?
Cela aurait pu être un autre mais c'est celui-ci puisque c'était l'enquête sur laquelle nous travaillions qui répondait pour nous le mieux à l'ADN de "Zone interdite" : décrypter un phénomène de société qui émerge et dont on suppose que dans quelques mois, quelques années, il aura un impact sur le quotidien des Français, sur la société française. Il se trouve qu'aujourd'hui, de plus en plus, nous entendions autour de nous ou nous lisions dans les médias que les Français étaient de plus en plus préoccupés par ce qu'ils avaient dans leur assiette, par l'environnement, par le bien-être animal... Et donc le véganisme fait partie de tout cela. Mais il n'y a pas que le véganisme dans le sujet, il y a aussi des éleveurs, des bouchers, des questions de santé... Donc je pense que c'est un sujet important à regarder pour comprendre le gros enjeu d'aujourd'hui : Que voulons-nous vraiment manger ? D'où vient la viande que nous achetons au supermarché ou chez le boucher ? Ne sommes-nous pas devenus très mauvais en question de quantités ? Sans vouloir spoiler, je pense que oui. (Rires)
"A aucun moment, nous ne prenons parti"
Vous suivez notamment un couple d'activistes qui organise une action choc, le kidnapping d'un porc dans un abattoir, et qui estime notamment que le caillassage des vitrines des bouchers n'est pas grave. Des images assez violentes.
Nous leur donnons la parole pour les comprendre. A aucun moment, que ce soit dans la façon dont sont montées ou racontées les choses, nous ne prenons parti en disant être d'accord ou pas avec eux. Moi, cela m'intéresse de comprendre, même si je ne cautionne pas la violence quelle qu'elle soit, pourquoi ces militants se permettent de casser ces vitrines. Leur réponse est qu'ils sont dans un dosage de violence. C'est-à-dire que la violence est tellement extrême sur les animaux à leurs yeux que casser une vitrine et avoir quelques milliers d'euros de réparation pour un boucher, ce n'est rien et c'est le seul moyen pour eux de se faire un petit peu entendre. Mais en aucun cas, nous ne cautionnons pas, nous avons le devoir de donner la parole à tout le monde, de tout montrer pour laisser le téléspectateur se faire son avis.
La question de la santé est également abordée.
Nous suivons une jeune fille qui devient vegan, qui fait notamment un bilan sanguin avant de changer son alimentation. C'était essentiel pour nous d'aborder cet aspect.
Avez-vous un dispositif particulier pour ces 25 ans ?
Nous avons un habillage spécial. Dans les bandes-annonces, nous le précisons aussi. Et évidemment un grand dispositif de communication autour de cet anniversaire pour rappeler l'histoire de "Zone interdite", tout ce qui a été formidablement fait auparavant. Les gens ne vont pas passer à côté du fait que ce sont les 25 ans de "Zone interdite", même si nous ne faisons pas la soirée spéciale revival qu'on pourrait imaginer.
N'avez-vous pas eu envie de réunir tous vos prédécesseurs ?
Nous y avons pensé comme nous y pensons à chaque occasion anniversaire. Mais comme cela avait déjà été fait pour les 15 ans et pour les 20 ans, nous nous sommes dit qu'il fallait être novateur et faire autre chose. Mais pas parce que nous ne voulions pas faire revenir les anciens ! (Rires)
"La question sur les EHPAD à l'Assemblée vaut toutes les audiences du monde"
Vous entamez votre troisième saison à la tête de "Zone interdite". Quel bilan tirez-vous des deux premières ?
Un bilan super positif, à tous niveaux. Déjà au niveau personnel, c'était un challenge de prendre cette émission dont j'ai presque l'âge et qui est un programme extrêmement important pour la chaîne. Je ne voulais pas à côté et je pense que ces deux dernières années m'ont permis de m'installer. J'ai passé une première année de découverte, d'apprentissage, d'observation, d'appropriation, qui s'est très bien passée et au cours de laquelle nous avons fait de très bonnes audiences. La deuxième année a été celle de l'installation. J'ai senti que j'avais trouvé mon ton, mon style, donné mon identité à l'émission - même si au départ elle n'a pas besoin de moi. Et cette année s'est soldée par de super audiences, cela veut dire que nous sommes tous allés dans la bonne direction. Cette troisième saison, j'espère que ce sera celle de la maturation où, maintenant que j'ai des acquis, je vais pouvoir essayer d'aller chercher encore plus loin dans mes idées, ma façon d'être et mes propositions.
Certains sujets ont beaucoup fait parler - la greffe, la transidentité, les EHPAD dernièrement... - là où d'autres impriment moins. N'est-ce pas la faute du rythme bimensuel ?
Peut-être que vous les oubliez parce que vous retenez ceux qui vous ont marqué vous mais j'ai des amies par exemple qui me parlent du numéro du mois de juin sur les mariages. (Rires) Je pense qu'il en faut pour tous et c'est ce que propose "Zone interdite". Par chance, nous sommes là environ 30 fois par an pour parler de tout. Et est-ce que ces sujets, comme les EHPAD par exemple, feraient autant d'échos s'ils étaient perdus seuls au milieu d'autre chose ? Là c'est une continuité, comme si nous travaillions un peu les téléspectateurs jusqu'au moment où on leur balance une grande enquête d'investigation.
C'est une fierté de voir que le sujet sur les EHPAD a fait l'objet d'une question à l'Assemblée nationale ?
C'est une très grande fierté. Le jour où nous sommes tombés sur les questions à l'Assemblée et le passage sur notre enquête, nous nous sommes tous regardés et nous nous sommes dit : "Voilà, nous savons pourquoi nous faisons ce métier". Cela vaut toutes les audiences du monde, toutes les bonnes critiques du monde. C'était un moment fort pour nous, un moment où nous nous sommes dit que nous servions à quelque chose puisqu'un magazine de société, qui dénonce parfois, n'est pas fait juste pour être joli le temps d'un dimanche soir. C'est fait pour faire avancer les choses.
Avez-vous déjà prévu de retourner sur le terrain des EHPAD dans quelques mois, afin de voir si les choses ont bougé ?
Nous suivons le dossier, évidemment. Malheureusement, je ne pense pas que cela ne prendra que quelques mois. Mais s'il se passe des choses, je peux vous assurer que nous serons là pour les raconter.
"M6 nous fait 100% confiance sur la manière de raconter les choses"
Parmi les sujets souvent évoqués dans les magazines d'actualité, les parcs d'attractions sont régulièrement critiqués pour leur manque de contre-point. Il y a eu le cas d'un reportage autour de Disneyland dans "Zone interdite" notamment.
Pour parler de Disneyland, je ne pense pas du tout que les deux reportages que j'ai portés aient été négatifs pour "Zone interdite". Bien au contraire. Déjà, ils font partie des 5 meilleures audiences des trois dernières années. Nous pouvons avoir une petite communauté de gens qui estiment que ce n'est pas assez dénonciateur. Mais ce n'était pas l'angle de départ de nos deux films. L'idée était de pousser les portes qui sont interdites dans le parc aux visiteurs. Et pour cela, ce sont des semaines de négociations. C'est un vrai gros travail.
Quand vous abordez des sujets autour d'annonceurs de M6, en discutez-vous auparavant avec la direction ?
Pas du tout. La direction nous fait 100% confiance sur la manière de raconter les choses. Pour le sujet sur les vegans, nous avons pu tourner tout ce que nous voulions. Et à partir du moment où nous sommes clean dans les choses que nous racontons, il n'y a pas de raison que la chaîne nous le reproche.
Comme "Capital", vous avez une concurrence le dimanche soir avec les documentaires de France 5.
C'est à la fois un concurrent et non. Evidemment, le même jour à la même heure, deux magazines d'information, nous nous piquons un peu de téléspectateurs. Mais je pense que si les gens aiment les magazines d'information, il faut s'en réjouir. Et à nous d'être les plus inventifs possibles pour que les gens aient envie de venir chez nous. Mais nous n'y pensons pas trop, nous nous concentrons surtout sur ce que nous faisons.
"Un nouveau 'Zone interdite' en plusieurs parties ? Peut-être..."
La saison dernière a été marquée par un changement narratif dans "Zone interdite" avec un numéro en deux parties autour du changement de vie. Ce dispositif est-il amené à se répéter ?
C'était une nouveauté, un essai. Pour vous raconter les coulisses de cette décision, depuis plusieurs mois, au cours de nos réunions, nous nous disions que si une thématique autour des familles nous plaisait nous pourrions l'étaler sur plusieurs dimanches. Pourquoi se priver de raconter 2 ou 3 fois 90 minutes si nous avons la matière pour ? Et il se trouve que la société de production qui était chargée du document sur le changement de vie nous a présenté 6 ou 7 familles, et nous n'avions pas envie de refuser une famille parce que nous n'avions "que" 90 minutes ! Cela a été concluant, les audiences étaient au rendez-vous, l'image du documentaire était très bonne, les critiques étaient bonnes... Si c'est amené à se reproduire, nous le referons.
Ce n'est donc pas prévu dans l'immédiat ?
Peut-être... (Rires)
Sur "Capital", Julien Courbet a complètement éclaté le format en venant couper les reportages. C'est quelque chose que vous pourriez envisager sur "Zone interdite" ?
Non. En tout cas, ce n'est pas du tout en discussion. "Zone interdite", c'est vraiment un film de 90 minutes où nous démarrons une histoire avec une progression tout au long du film. Nous n'aurions pas d'intérêt à couper au milieu de tout cela alors que nous avons envie de voir leur parcours.
"'Nouvelle Vie' sera diffusé au printemps 2019, en prime time, en hebdomadaire et sur plusieurs semaines"
Vous allez présenter début 2019 "Nouvelle vie", un nouveau magazine. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C'est un magazine de société qui va être diffusé sur plusieurs semaines, en hebdomadaire. Nous ne savons pas encore quel jour mais ce sera en prime time, au cours du printemps, sur des familles - quatre par soir environ - qui vivent des aventures de changement de vie absolument dingues. Par exemple une famille parisienne avec un papa quinquagénaire, architecte de luxe, qui a toujours rêvé d'être boucher à Marseille. Ce sont ces histoires que nous racontons pour faire rire habituellement mais qui sont vraies ! (Rires)
Le changement de vie a réussi à "Zone interdite". N'est-ce pas un peu déshabiller Pierre pour habiller Paul ?
Non, je ne crois pas. Je pense que lorsqu'une thématique fonctionne bien et fait ses preuves, si nous avons envie d'aller plus loin avec cette thématique, pourquoi s'en empêcher ? Ce serait compliqué aujourd'hui de mettre 6 ou 8 "Zone interdite" sur la même thématique. Comme ce n'était pas possible, nous avons décidé de créer ce nouveau programme sur une thématique dans l'air du temps.
Vous assurez actuellement le remplacement de Xavier de Moulins au "19.45". Être titulaire, vous y pensez ?
J'ai un grand principe de vie qui est que, lorsque quelqu'un de brillant est à la tête d'une émission, je ne me projette pas à la place de cette personne. Donc j'ai déjà la chance de le faire entre 10 et 12 semaines par an, c'est déjà super.
"Il n'y a pas de raison que cela ne dure pas avec M6"
Karine Le Marchand, Stéphane Plaza, Cristina Cordula ou encore Cyril Lignac ont tous annoncé au printemps avoir signé sur M6 jusqu'en 2020. Pour votre part, votre contrat court jusqu'à la fin de cette saison. Êtes-vous prête à aller jusqu'en 2020 avec M6 ?
C'est en discussion. (Rires) C'est en effet ma dernière saison d'exclusivité puisque j'avais signé pour trois en arrivant à M6. Nous allons voir si ça dure et jusqu'à quand. Il n'y a pas de raison que cela ne dure pas en tout cas mais jusqu'à quand, nous verrons.
Cette saison est la première sans "Le Tube" sur Canal+, émission que vous avez présentée lors de la saison 2015-2016. Qu'est-ce que cela vous fait de ne plus voir le magazine à l'antenne ?
Une émission qui n'est plus là, c'est toujours triste et dommage. C'est une émission que j'affectionne particulièrement pour l'avoir beaucoup regardée en tant que téléspectatrice puis l'avoir présentée. Après, pour connaître évidemment une bonne partie de l'équipe qui a suivi Isabelle Ithurburu sur "Bonsoir !", eux ne se sentent pas "dépoilés", démunis aujourd'hui à créer et travailler sur "Bonsoir !" cette année. C'est une des craintes quand on a travaillé sur une émission, que les équipes en place ne se sentent pas démunies. Donc cela pallie un peu à la nostalgie de ne plus voir l'émission. Mais "Le Tube" ou les émissions médias en général, c'est mon dada, c'est ma spécialité... Ce genre a sa place à la télévision. Je suis évidemment triste de ne plus le voir mais j'espère que cela reviendra.