Après la désapprobation publique, les insultes. Hier, Pierre Bergé s'en est violemment pris à Eric Chevillard, journaliste au service littérature du "Monde", le journal dont il est l'un des trois actionnaires avec Xavier Niel et Matthieu Pigasse.
Un tweet insultant qui mérite quelques explications. Pierre Bergé qualifie ouvertement Eric Chevillard de "connard", en jouant avec le nom d'un autre journaliste du "Monde", Denis Cosnard. Dans Le Monde daté de mardi, ce dernier a signé un article sur le discours de Patrick Modiano prononcé dimanche à Stockholm, devant l'Académie Nobel. Dans cet article, plutôt flatteur, intitulé "Le discours d'un roi de la littérature", Denis Cosnard estime que le taiseux écrivain a "brillamment relevé le défi" en prononçant "un texte magnifique". Le quotidien reproduit d'ailleurs, sur une pleine page, ce discours de réception du prix Nobel.
Si le ton est indéniablement monté d'un cran, Pierre Bergé est en colère depuis plusieurs semaines contre Eric Chevillard. Le 9 octobre dernier, en apprenant que Patrick Modiano venait de se voir décerner le prix Nobel, l'ancien compagnon d'Yves Saint-Laurent avait déploré que le dernier roman de l'écrivain français primé ait reçu une mauvaise critique dans son propre journal.
Quelques jours plus tôt, Eric Chevillard avait égratigné Patrick Modiano dans sa critique de "Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier". Il reprochait au roman de "s'évaporer à mesure que nous le lisons" et se montrait ironique envers l'auteur. "Le lecteur a parfois l'impression de suivre un itinéraire scrupuleusement détaillé plutôt que de lire un roman. A recommander aux touristes en visite dans la capitale. Sans compter qu'un livre dans le vent d'automne se replie beaucoup plus facilement qu'un plan", écrivait-il.
Cette fois-ci, le journaliste a tenu à répondre à son patron. Sur son blog, Eric Chevillard dénonce une "calomnie" qui "confine au harcèlement moral". "J'apprends qu'il me traite maintenant de connard (sic) depuis la branche de Twitter où il croasse ses imprécations. Cela confine au harcèlement moral, non ? J'ai donc le choix : ou bien je lui envoie ma démission – mais pourquoi pas des fleurs avec ? Ou bien je m'immole par le feu dans le hall du journal. Ou j'attends plutôt qu'il me vire ; et au moins les choses seront claires", écrit le journaliste, qui en octobre dernier avait reçu quelques soutiens de ses collègues.