"C'est la caméra qui maquille, pas le maquillage". Telle est la conclusion à laquelle est parvenu le philosophe Raphaël Enthoven dans sa chronique "Le fin mot de l'info" sur Europe 1. Il revenait ce matin sur le refus de Sara Forestier d'apparaître maquillée et coiffée dans "Stupéfiant !", sur France 2. Invitée de Léa Salamé, l'actrice et réalisatrice souhaitait ainsi dénoncer "l'injonction d'être sexy".
En introduction, Rapahaël Enthoven a rappelé que Sara Forestier entendait suivre le mouvement du "no make-up" lancé par la chanteuse Alicia Keys car elle avait le sentiment d'être superficielle en se souciant constamment de son image. "Qui suis-je, moi qui ne pense qu'à la façon dont je parais ?", a résumé le philosophe. "Or, ce faisant, en abjurant le maquillage, l'une et l'autre adoptent sur la question du maquillage une position rousseauiste", a-t-il poursuivi. "Pourquoi rousseauiste ?", l'a relancé l'animateur de la matinale, Patrick Cohen.
"Parce que Rousseau étend le domaine du mensonge à tout ce qui relève de l'apparence. En gros, vous ne mentez pas seulement quand vous mentez, mais aussi quand vous faites semblant", a rappelé Raphaël Enthoven. "Quand vous dites par exemple 'bonne journée' à la personne dont la journée vous est indifférente et surtout, si vous êtes Parisienne, ce qui pour Rousseau est impardonnable, quand vous cachez sous un maquillage outrancier la décence et la modestie qui seules conviennent aux femmes estimables".
Et le philosophe d'ajouter : "Car Rousseau considère que nos sociétés dépérissent de l'image mais que, comme le visage d'une statue temporairement défigurée par le lichen, notre nature, notre vraie nature, attend sa résurrection sous le linceul des apparences et les faux airs du maquillage. C'est depuis ce jour qu'on croit naïvement que pour montrer sa vraie nature, il suffit de se montrer au naturel", a-t-il conclu.
"Y'a rien à dire à ça ?", s'est demandé Patrick Cohen. "Non, l'erreur de Sara Forestier n'est pas de croire que sa vraie nature se trouve cachée sous la surface du maquillage, c'est peut-être le cas... L'erreur est de croire qu'elle n'est pas maquillée quand elle n'est pas maquillée", a expliqué le chroniqueur. Patrick Cohen l'a alors invité à préciser sa pensée. "Parler sans maquillage à l'oeil d'une caméra, c'est se maquiller en celle qui ne se maquille pas. Quand Sara Forestier tombe le masque, elle porte le masque de celle qui tombe le masque", selon Raphaël Enthoven.
"Quand elle joue la fille qui se moque de son image, elle donne l'image de la fille qui s'en moque. Elle est celle dont l'image est embellie par l'audace de se montrer soi-disant telle qu'elle est, c'est-à-dire telle qu'elle est au réveil, a estimé le philosophe. Or, quand c'est ça qu'on montre, on n'est pas plus soi-même parce qu'on a la marque de l'oreiller sur le front. En vérité, avec son gros pull et ses cernes, Sara Forestier n'était pas moins maquillée, ni moins apprêtée, ni plus sincère, ni moins déguisée, que Léa Salamé qui, comme elle dit, avait ce soir-là, pour l'agrément des spectatrices et des spectateurs, 'fait péter le décolleté'". puremedias.com vous propose de découvrir cette chronique.