Matignon a-t-il provoqué l'enquête du parquet sur "Mediapart" ? Lundi, deux magistrats accompagnés de trois policiers se sont rendus dans les locaux de la rédaction du site d'Edwy Plenel en vue d'une perquisition dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte pour atteinte à la vie privée d'Alexandre Benalla. Cette perquisition fait suite à la publication jeudi 31 janvier d'extraits sonores compromettants pour l'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron. Le pure-player s'est opposé à la perquisition au nom de la protection des sources, et comme la loi le permet lorsqu'il s'agit d'une enquête préliminaire.
Selon une information de "Mediapart", confirmée par BFMTV, l'enquête préliminaire aurait été déclenchée suite à une intervention de Matignon. Le lendemain de la révélation des extraits sonores compromettants d'Alexandre Benalla, l'hebdomadaire "Valeurs actuelles" aurait ainsi adressé deux questions aux services du Premier ministre, se demandant si la conversation enregistrée entre Alexandre Benala et Vincent Crase avait eu lieu dans l'appartement de la responsable du Groupement chargé de la sécurité du Premier ministre (GSPM), et si les enregistrements révélés étaient des écoutes administratives, autrement dit "réalisées par un service de renseignement" comme le précise "Mediapart".
Après avoir questionné la cheffe du GSPM, l'entourage d'Edouard Philippe a démenti son implication "d'une quelconque façon dans la rupture du contrôle judiciaire de MM. Benalla et Crase". "La chef du GSPM affirme connaître M. Benalla, mais ne jamais avoir rencontré M. Crase et qu'à sa connaissance celui-ci n'est jamais venu à son domicile", a ajouté l'entourage du Premier ministre, assurant qu'aucune écoute administrative n'a été autorisée au sujet d'Alexandre Benalla et Vincent Crase. Récoltant ces réponses, "Valeurs actuelles" a décidé de ne rien publier.
Mais afin d'éviter la propagation de rumeurs et agir "en toute transparence" selon "Mediapart", les services d'Edouard Philippe auraient communiqué le lendemain au parquet de Paris les questions de "Valeurs actuelles", ainsi que les réponses apportées par l'exécutif. Ce serait ensuite sur la base de ces éléments que le procureur de la République aurait décidé d'ouvrir une enquête pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" et "détention illicite d'appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d'interception et de télécommunications ou de conversations". "Mediapart" rappelle qu'aucune plainte n'a été déposée pour "dénoncer une quelconque violation de la vie privée", précisant que le parquet a pour l'instant refusé de faire le moindre commentaire au sujet de cette affaire.
De son côté, Matignon a justifié la communication de ces éléments auprès du site d'information d'Edwy Plenel. "Il ne s'agit en aucun cas d'un signalement ou d'un article 40 (article du code de procédure pénale qui oblige une personne dépositaire de l'autorité publique à dénoncer un délit, ndlr)", a souligné l'entourage du Premier ministre. Avant de faire allusion aux procédures ciblant Alexandre Benalla : "Il s'agit simplement de partager en toute transparence avec la justice des éléments de réponse transmis à la presse et qui sont susceptibles de concerner une affaire judiciaire en cours."