Ca barde entre "Charlie Hebdo" et "Médiapart". Cette semaine, le journal satirique, actuellement visé par des menaces de mort après la publication la semaine dernière d'une Une sur Tariq Ramadan, s'en prend violemment au site d'Edwy Plenel.
Parodiant les "singes de la sagesse", célèbre symbole asiatique, "Charlie Hebdo" a ainsi dessiné à sa Une quatre caricatures du visage du patron de "Médiapart", célèbre pour sa moustache. La première le représente sans attribut particulier. Les trois suivantes montrent en revanche son appendice pileux cacher successivement sa bouche, ses oreilles et ses yeux. "Affaire Ramadan : Médiapart révèle : on ne savait pas !", se moque l'hebdomadaire en titre. L'hebdo dénonce ainsi la cécité, la surdité et le mutisme supposés du fondateur du site d'information - et par la même occasion de son organe de presse - à l'égard du très contesté islamologue, visé par deux plaintes pour viol. Tariq Ramadan a de son côté déposé plainte pour "dénonciation calomnieuse".
Sur Twitter, cette Une de "Charlie Hebdo" a été immédiatement critiquée par Edwy Plenel et Fabrice Arfi, l'une des plumes emblématiques de "Médiapart". Validant en un froncement de moustache la loi Godwin, Edwy Plenel n'a ainsi pas hésité à comparer la couverture du journal satirique à "l'affiche rouge", une célèbre affiche du service de propagande allemande placardée en France durant la Seconde guerre mondiale après la condamnation à mort des résistants du groupe Manouchian.
Depuis le dépôt de la première plainte pour viol contre Tariq Ramadan en octobre, Edwy Plenel, et par ricochet son site, se voient reprocher leur proximité - voire leur complaisance - supposées à l'égard de ce dernier, avec qui Edwy Plenel avait accepté de débattre en janvier 2015.
"Il faut que la vérité éclate sur ce soi-disant intellectuel, promoteur de la charia, prédicateur islamiste, qui a fait un mal terrible dans notre jeunesse avec ses cassettes, ses prêches dans nos mosquées, ses invitations sur tous les plateaux, ses amitiés, ses complicités – je pense à Edwy Plenel. Il y a un moment où il faut dire : ça suffit !", avait par exemple taclé Manuel Valls dimanche 5 novembre au "Grand Rendez-Vous Europe 1 / Les Échos / CNews".
Dans leurs critiques, les détracteurs d'Edwy Plenel visent particulièrement un commentaire de ce dernier fait en janvier 2015 sur le plateau du "Petit Journal", à l'époque animé par Yann Barthès. Ce jour-là, quelques jours après les attentats contre "Charlie Hebdo", Edwy Plenel avait estimé que Tariq Ramadan était "un intellectuel respectable", tout en affirmant avoir des "désaccords" avec lui. Le patron de "Médiapart" avait aussi expliqué ce jour-là qu'"il ne faut pas diaboliser quelqu'un parce que c'est un intellectuel musulman".
Avant de dénoncer une forme de racisme à l'égard du théologien : "Et qu'est-ce qu'on dit ? 'Ah, il n'est pas clair. Ah, il a un double langage'. Encore une fois, je le lis et je l'écoute et je ne vois pas d'ambiguïté. Et il a fait plein de livres. Qu'est-ce que ça dit ce truc 'il est ambigu ? Ah l'arabe, il est un peu fourbe. Ah l'arabe, il a un double langage", avait-il expliqué.
Face à cette mise en accusation, Edwy Plenel dénonce depuis plusieurs jours une "campagne nauséabonde". Invité de BFMTV dimanche 5 novembre, le patron de presse est revenu sur les accusations de viol visant Tariq Ramadan. "Dans le cas de Tariq Ramadan, où il y a des témoignages consistants, où il y a des plaintes, où la justice va enquêter, si les faits sont totalement établis par la justice, (...) c'est très grave pour l'individu qui est Tariq Ramadan et qui devra en rendre compte", a-t-il déclaré.
Déclarant ensuite n'avoir croisé que "deux fois" Tariq Ramadan dans sa vie, Edwy Plenel s'est par ailleurs vivement défendu d'avoir été au courant de rumeurs sur les accusations de viol, ce que certains de ses détracteurs soupçonnent après la publication par "Mediapart" en 2016 d'une enquête en cinq volets sur Tariq Ramadan. Evoquant enfin ce fameux débat de janvier 2015, Edwy Plenel a regretté : "De cela est fait un amalgame qui relève pour moi d'une chasse aux sorcières, comme du temps du McCarthysme ou de l'inquisition", a-t-il critiqué, dénonçant un détournement de la parole des femmes à des fins politiques.