Un mois après les attentats qui ont bouleversé la France, Hervé Béroud, directeur de la rédaction de BFMTV et son homologue à iTELE, Céline Pigalle, étaient réunis ce matin à Sciences Po pour une table ronde dans le cadre d'un partenariat publicitaire entre les deux chaînes. Ils en ont profité pour partager leur retour d'expérience de ces trois jours d'édition spéciale pour lesquels ils ont essuyé de nombreuses critiques.
"On a vécu une sorte de crash test, inédit en termes de gravité et d'ampleur. Nos rédactions ont été mises à l'épreuve comme jamais. Il y a eu des difficultés, ces événements ne se gèrent pas en claquant des doigts", a expliqué Hervé Béroud. Un crash test "réussi" pour le patron de l'info de la chaîne, qui a réalisé des records d'audience pendant ces trois jours. "Les Français nous ont fait confiance comme jamais. Pourtant plus que jamais ils avaient le choix, puisque le vendredi et le dimanche les chaînes généralistes ont fait de l'info en continu. Les chaînes d'info ont tenu leur rang sur le plan éditorial et de l'audience", a-t-il expliqué.
Sans revenir précisément sur les critiques, Hervé Béroud a assuré que "chaque événement" était riche d'enseignements pour la suite. Un précédent : l'affaire Merah, quand les chaînes d'informations avaient annoncé par erreur son arrestation. "On n'a pas couvert les attentats comme on les aurait traités il y a trois ans ou cinq ans, on les a traités avec plus de maturité, plus d'expérience", a-t-il avancé.
De son côté, Céline Pigalle a assuré que sa chaîne avait été d'une extrême prudence pendant ces 72 heures de folie médiatique. "On a appris une chose fondamentale, retenir une information parce qu'elle n'est pas pertinente. Les chaînes d'informations ont été celles qui ont le plus vite compris qu'il était temps de freiner, de ralentir", explique-t-elle. La directrice de l'information de Canal+ assure que sa chaîne a produit "ses propres informations", sans relayer systématiquement celles de ses confrères.
"Au début des chaînes d'infos, on brassait l'information produite par les autres. Nous les avons cette fois laissées de côté, elles étaient juste des alertes. Nous avons radicalement trié. Il y aura un avant et un après ces cinq jours douloureux et délicats", a-t-elle expliqué. Visés, les médias historiques qui n'ont pas toujours eu cette prudence. Mercredi 7 janvier, tous les journalistes sont informés d'une opération en cours à Reims. Aucun ne sort l'information pour ne pas compromettre la traque terroristes avant que TF1 ne l'annonce dans son 20 Heures. Les chaînes d'infos embrayent et suivent alors au plus près les équipes du RAID, déclenchant la colère de Bernard Cazeneuve. Pigalle et Béroud seront alors reçus le lendemain par le ministre pour s'en expliquer.
Ces journées auront-elle valeur d'enseignement pour les prochains événements de ce type ? "On ne va pas tout apprendre de cette expérience-là, tempère Céline Pigalle. Chaque situation est différente, vous ne pouvez pas plaquer les réponses de ces événements sur d'autres qui se présentent". Fallait-il par exemple tenter de joindre les otages de l'usine de Dammartin ou de l'Hyper Cacher ? "Décider que définitivement il serait non pertinent d'appeler un endroit où les choses se déroulent serait renoncer à une partie de notre travail", a estimé la directrice de la rédaction.