Après quatre mois de tensions, l'heure est à la remise en mouvement du côté de "Libération". Dans une interview au Figaro, le propriétaire du journal, Bruno Ledoux, a ainsi dévoilé la stratégie qu'il comptait mettre en oeuvre pour remettre sur de bons rails ce titre historique qui perd lecteurs et argent depuis plusieurs mois.
Outre l'officialisation de la nouvelle équipe dirigeante de "Libération", composée de Pierre Fraidenraich pour la partie managériale, et du tandem Laurent Joffrin-Johan Hufnagel pour la partie rédaction, Bruno Ledoux a aussi dévoilé la nouvelle structure actionnariale de son journal. Si cette dernière pourrait encore évoluer d'ici mi-juillet si de nouveaux investisseurs se manifestent, elle se compose déjà de Marc Laufer qui représente Patrick Drahi, de Michaël Benabou de vente-privée.com, du fonds de la famille Gerbi (fondateurs de Gérard Darel reconvertis dans les concept stores Merci), de Franck Papazian (MediaSchool Group) et enfin de Patrick Bensabat. "Je suis heureux que le capital de Libération réunisse des entrepreneurs qui ont tous réussi dans leur domaine. Ce n'est pas un actionnariat financier et cela va apporter une autre énergie" s'est félicité Bruno Ledoux.
Concernant la stratégie éditoriale, Bruno Ledoux a confirmé que le numérique serait l'axe principal de développement du journal. "Libération va rattraper son retard" a-t-il annoncé. Outre la nomination de Johan Hufnagel, spécialiste du numérique, Bruno Ledoux compte aussi sur le savoir faire en la matière de Business et Décision, un groupe de services numériques qui vient d'investir dans le journal. Si le papier représente encore les trois quarts des revenus, il n'est ainsi clairement plus une priorité. "La baisse structurelle du papier est intégrée dans nos budgets. Nous allons redéployer les activités hors papier, dans le digital voire la production télévisuelle ou les documentaires. Nous venons déjà de lancer LibéRadio avant LibéTV. Cependant, le quotidien maintient la légitimité de notre écosystème. Écrire un article dans le journal, ce n'est pas la même chose que sur le Web. Mais cela ne sert à rien de remettre de l'argent dans le papier" a expliqué Bruno Ledoux.
L'homme d'affaires s'est par ailleurs montré particulièrement confiant dans la puissance de sa "marque". "Libération est la marque qui a le plus de potentiel car elle est la plus désinhibée. Le seul nom de Libération incarne quelque chose" a-t-il ainsi estimé. Si le titre devrait encore perdre de l'argent en 2014, Bruno Ledoux parie sur un retour à la rentabilité pour 2015. Ce dernier devrait notamment passer par le départ de près de cinquante personnes. Bruno Ledoux a également annoncé son intention de revoir l'organisation du travail au sein du journal : "Le problème, c'est l'organisation. Il faut beaucoup plus de flexibilité et d'efficacité" a-t-il expliqué.
Bruno Ledoux, qui avait par le passé déclaré vouloir faire de "Libération" un "réseau social", est aussi revenu sur cette expression à laquelle les journalistes du titre avaient répondu : "Nous sommes un journal". "Libération a une identité très forte. Ces quatre derniers mois, beaucoup de gens m'ont dit: 'On ne lit plus Libé et on le regrette'. Il y a une frustration donc un potentiel de croissance, notamment en raison de la dimension communautaire de cette marque. 'Nous sommes un journal', cela veut dire qu'il y a une communauté autour de Libération. J'ai appelé cela 'réseau social', mais cela peut prendre plein de formes" a-t-il expliqué.
Bruno Ledoux a cependant mis en garde ses journalistes qui ont exposé pendant plusieurs semaines les difficultés traversées par le journal au sein même de ses colonnes : "La solidarité d'entreprise exige que les problèmes internes ne soient pas exposés dans le journal ou à l'extérieur" a-t-il souligné.