La crise s'enlise... Mercredi, les salariés de "Libération" ont réservé un accueil glacial à Pierre Fraidenraich, le nouveau patron du journal. Ce jour-là, ils ont publié dans leur rubrique quotidienne "Nous sommes un journal" un portrait très acerbe de leur dirigeant, ressortant ses casseroles, critiquant tour à tour son bilan à la tête d'i-TELE, son goût pour les jolies journalistes, sa vision low-cost des médias, et surtout, sa proximité avec Nicolas Sarkozy.
Ce matin-là, les premiers pas du nouveau dirigeant dans les locaux du journal ont donc été très froids. Accompagné de Bruno Ledoux, le propriétaire du journal et de François Moulias, le président du directoire, Pierre Fraidenraich s'est exprimé devant l'ensemble des salariés. Une Assemblée générale dont il devrait se souvenir tant la rencontre a été tendue. "Ce fut un moment accablant, presque triste. Mercredi matin, le grand patron (...) venait se présenter devant l'équipe, dans la grande salle du hublot. Pierre Fraidenraich se tenait debout, les mains dans les poches. Mise en scène cruelle", écrivent ce matin les salariés dans leur rubrique quotidienne.
La présentation de son projet a été jugée très floue par l'assemblée et les salariés ne sont pas gênés pour le lui dire. "Pierre, si vous tenez à Libération, dites que vous ne prendrez pas ce poste. Partez", a lancé un journaliste au nom de ses camarades. "Je n'ai pas grand-chose à répondre. Je suis très surpris. Déjà, avant même d'avoir à me présenter à vous, on a esquissé les contours d'un portrait, que vous avez lu. Je n'ai même pas envie de le qualifier parce que je trouve ça tellement bas et assez minable. Là-dessus je ne vais pas m'exprimer", a répondu Pierre Fraidenraich qualifiant l'accueil de "très pestilentiel" et démentant être sarkozyste. Ambiance...
Pierre Fraidenraich a également défendu le modèle low-cost. "C'est le sens de l'histoire de la presse française, que vous le vouliez ou que vous ne le vouliez pas", a-t-il lancé. Ce matin, dans une interview aux "Echos", il présente un peu plus en détail son projet pour le journal : "Nous travaillons à la constitution d'un groupe multimédia qui comportera plusieurs piliers, plusieurs filiales et peut-être demain plusieurs marques. Nous avons des projets ambitieux qui passeront par des développements et des acquisitions susceptibles d'assurer au groupe une rentabilité issue de sources de revenus diversifiées". Une diversification qui doit, selon lui, permettre à "Libé" de redevenir profitable en 2016 alors que le journal a perdu entre 1 et 1,5 million d'euros en 2013. Très mal en point, le journal pourrait être placé en redressement judiciaire la semaine prochaine*.
Alors que les relations sont extrêmement tendues entre la direction et la rédaction, celle-ci a appris hier que Fabrice Rousselot, qui était le directeur de la rédaction depuis juillet 2013, quittait son poste. Il reste toutefois au sein du journal et va retrouver cet été son poste de correspondant aux Etats-Unis.
* A lire sur le même sujet : Le propriétaire de "Libération" renfloue le journal de 4 millions d'euros