Deux géants de l'audiovisuel européen s'affrontent de part et d'autre des Alpes. Il y a tout juste une semaine, Vivendi annonçait avoir pris une participation de 3,01% au capital de Mediaset. Dans les 48 heures suivantes, le groupe de Vincent Bolloré lançait un assaut éclair et grimpait à 20% du capital de l'éditeur italien majoritairement détenu par Silvio Berlusconi via sa holding Fininvest. Un coup de force vécu comme un casus belli par la famille du magnat italien qui s'est empressée de dénoncer une attaque "hostile". Ce week-end, interrogé par le Corriere della Sera, Arnaud de Puyfontaine a fermement réfuté cette accusation. D'hostilité, il n'en est officiellement pas question selon le président du directoire de Vivendi qui affirme vouloir être "un partenaire industriel" pour Mediaset, pour lequel Vivendi a déjà dépensé 800 millions d'euros.
Le raid brutal mené par le groupe de Vincent Bolloré sur Mediaset a provoqué l'ire des pouvoirs publics italiens, jusqu'à en faire la Une de la presse transalpine, éclipsant une actualité nationale pourtant chargée. À peine intronisé, Paolo Gentiloni, nouveau président du Conseil, a d'ailleurs mis en garde Vincent Bolloré en assurant que "l'Italie n'est pas ouverte à des incursions". Le nouvel homme fort du pays précisait dans la foulée que, dans un secteur "aussi stratégique que les médias", le gouvernement "suivrait avec attention l'évolution de la situation". L'année dernière, Rome avait déjà plutôt mal vécu la prise de contrôle de Telecom Italia, premier opérateur téléphonique de la péninsule, par le milliardaire.
En laissant planer la menace d'une prise de contrôle de Mediaset, Vincent Bolloré s'est donc invité, de force, au premier rang du débat politique transalpin. Depuis lundi dernier, les passions se déchaînent à la mesure de l'inquiétude suscitée par "l'arrivée des Français" à la tête d'un équivalent local du groupe TF1. Selon la presse italienne, les conseillers de Paolo Gentiloni plancheraient d'ores et déjà sur des mesures qui permettraient de contrer l'avancée du milliardaire breton, surnommé "Il scalatore" (le grimpeur, ndlr). Arnaud de Puyfontaine a d'ailleurs été contraint de rencontrer le ministre de l'Industrie, Carlo Calanda, puis Pier Silvio Berlusconi, patron de Mediaset.
Les tensions sont encore loin d'être apaisées bien que la stratégie de Vivendi pourrait être de ramener Mediaset à la table des négociations. Le groupe industriel français n'a jamais caché son désir de créer l'équivalent d'un Netflix européen dont Canal+ serait l'une des pierres angulaires. Questionné par le "Corriere" sur les récentes déclarations de Stéphane Richard, le patron d'Orange, qui fait montre d'un intérêt certain pour Canal+, Arnaud de Puyfontaine a assuré que leur partenariat se limitait pour l'heure à la distribution. "Mais le monde change très vite, ous devons créer une masse critique pour rester compétitif", a-t-il précisé. Depuis plusieurs semaines, de nombreux observateurs parient sur une entrée de Vivendi au capital d'Orange en échange d'une cession totale ou partielle de Canal+.