Emmanuel Macron se doutait-il de la rupture imminente du "contrat du siècle" par l'Australie ? Le journal australien "The Daily Telegraph" a révélé, hier, le contenu d'un SMS que le président de la République a envoyé au Premier ministre australien, Scott Morrison, au sujet du contrat de fourniture de 12 sous-marins français pour un montant de 56 milliards d'euros.
En septembre, deux jours avant l'annonce de la rupture de ce contrat par l'Australie, Emmanuel Macron, visiblement inquiet, a ainsi écrit ceci : "Should I expect good or bad news for our joint submarines ambitions ?" ("Dois-je m'attendre à de bonnes ou de mauvaises nouvelles pour nos ambitions communes en matière de sous-marins ?"), s'interrogeait alors le président français dans un SMS.
L'Élysée, qui a confirmé la véracité du SMS auprès de BFMTV, est, aujourd'hui, quelque peu agacé. Cité par l'AFP, l'entourage du président français a dénoncé ce mardi des "méthodes très inélégantes" et réaffirmé qu'il n'avait pas été prévenu de la dénonciation du contrat.
"Ce SMS montre qu'au contraire le président ne savait pas qu'ils dénonceraient le contrat", se défend, toujours auprès de l'AFP, l'entourage d'Emmanuel Macron, faisant valoir que "s'il y avait eu un SMS plus clair en ce sens ils en auraient fait état". "Nous savions que les Australiens avaient des interrogations, mais seulement sur des aspects techniques et de calendrier, comme dans tout gros contrat de ce type", poursuit le premier cercle du chef de l'État, en expliquant que le SMS présidentiel portait sur ces points avant une revue d'étape avec le constructeur Naval Group prévue le lendemain.
"Fin août, lors d'une réunion des ministres en Australie on leur a dit que tout allait bien. Le lendemain du SMS du président, Naval Group reçoit encore un courrier où on leur dit que tout va bien. Et le surlendemain, nous recevons la lettre de Morrison qui dénonce le contrat, trois heures avant la conférence de presse qui dévoile l'accord AUKUS" entre Australie, États-Unis et Royaume-Uni, précise encore une source proche de l'Élysée. "Nous ne savions pas qu'ils voulaient changer de stratégie en optant pour le nucléaire, sinon nous aurions fait une proposition. Nous dire qu'ils voulaient changer de stratégie était la moindre des choses".
Cette révélation intervient dans un contexte particulièrement tendu entre les deux pays. Le 31 octobre, en marge du G20 organisé à Rome, Emmanuel Macron n'a pas mâché ses mots à l'égard de Scott Morrison devant les caméras de télévision : "Je ne pense pas" que le chef de l'exécutif australien a menti à la France, "je (le) sais". Le même jour, le président américain "Joe Biden s'est excusé et a reconnu une maladresse. Mais Scott Morrison ne s'est absolument pas excusé", regrette aussi l'entourage d'Emmanuel Macron.
L'Australie a annoncé, le 16 septembre, renoncer aux 12 sous-marins français pour produire une plate-forme de sous-marins à propulsion nucléaire plus performante avec les États-Unis et le Royaume-Uni, déclenchant une crise diplomatique inédite entre les Anglo-Saxons (Australie, Etats-Unis, Grande-Bretagne) et la France. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait vivement réagi sur franceinfo: : "Je suis en colère, ça ne se fait pas entre alliés (...) C'est un coup dans le dos", avait-il critiqué, estimant que l'Australie avait "trahi" la confiance française.