Interview
Eurovision/Stéphane Bern et Marianne James : "Arrêtons de mépriser ce qui est populaire !"
Publié le 23 mai 2015 à 17:45
Par Charles Decant
Les deux animateurs ont été chargés par France 2 de commenter l'Eurovision ce soir sur la chaîne.
Marianne James et Stéphane Bern commenteront l'Eurovision Marianne James et Stéphane Bern commenteront l'Eurovision© GUYON/FTV
La suite après la publicité

Ce soir, Lisa Angell représentera la France lors du 60ème concours de l'Eurovision. La candidate entonnera son titre "N'oubliez pas" sous le regard de près de 200 millions de téléspectateurs, mais aussi de Stéphane Bern et Marianne James, duo inédit formé par France 2 pour commenter la cérémonie dès 20h50. Arrivés à Vienne jeudi, les deux animateurs ont répondu aux questions de puremedias.com sur leur complémentarité, le fait de proposer un titre exclusivement en français, le mépris de tout ce qui est populaire et... quelques détails pratiques.

A lire aussi sur puremedias.com
- Que prépare Lisa Angell pour l'Eurovision ?
- Nathalie André : "On a un peu l'impression que la France n'est pas derrière nous"

Propos recueillis par Charles Decant.

Stéphane, c'est la deuxième fois que vous allez commenter l'Eurovision. Vous avez donné des petits conseils à Marianne James ?
SB : Je me garderai bien de donner des conseils à Marianne James ! Je lui ai juste dit de prendre des notes pendant les répétitions de ce qu'elle avait envie de dire, pour ne pas se bouffer le micro, mais il faut se laisser aller. On est dans le plaisir ! On n'est pas là pour essayer d'en caler le plus possible.
MJ : C'est vrai que parfois, il y a des gens qui ont un peu peur du micro-silence. C'est stupide, ça fait respirer ! On a la même passion pour ce programme et un regard un peu différent, complémentaire. Stéphane est parti sur la construction de l'Europe, il a raison, tout ça est assez géopolitique, même les votes. Lui en a une vraie connaissance.
SB : Alors que Marianne, elle, c'est la musique. Elle me fascine ! Elle reconnaît les musiques, les mélodies, les voix, les aspérités... C'est une diva de la voix !
MJ : Hier, lors de la deuxième demi-finale, j'ai tout de suite su que certains candidats ne passeraient pas. Ils n'y étaient pas. Ils étaient dans le sourire, ils étaient dans une mécanique, je pense à des jeunes qui étaient trop tétanisés par le trac. Je sais reconnaître le trac, dans ses yeux, dans son masque et dans sa voix, je l'entends, c'est mon job, je l'ai enseigné.

"Heureusement que Lisa chante en français !"

Vous pensez que le public a une oreille aussi pointue que la vôtre pour expliquer pourquoi certains candidats passent ou non ?
MJ : C'est à l'instinct.
SB : Je suis assez d'accord. En même temps, qu'est-ce qui nous accroche ? Une mélodie, une voix ? Mais il y a aussi la mise en scène, comme pour les Suédois. Mais quand on voit la mise en scène de Lisa Angell, les tambours de la paix, elle, sa voix qui s'élève sur un champ de ruine. Il se passe quelque chose. J'ai les poils qui se dressent sur la peau...

... Mais vous parlez français !
SB : Mais heureusement que je parle français ! Et heureusement que Lisa chante en français ! C'est ça aussi l'Europe, on s'enrichit des différences. Là où Lisa Angell est forte, c'est qu'elle fait passer l'émotion à la fois par la scénographie et par sa voix. On comprend ce qu'elle dit. Et puis franchement, l'Europe parle français. Je reconnais que sur le plan géopolitique l'influence de la France s'est réduite comme une peau de chagrin. Mais tout de même, toute l'Europe parlait français ! Si nous, on abandonne le français, alors qui sommes-nous ? On prétend être la ville lumière qui éclaire le monde et on parlerait en anglais ? C'est insupportable ! Les Italiens chantent en italien, les Espagnols en espagnol... C'est ça qu'on veut !
MJ : C'est la seule critique que j'ai, il y a trop de chansons en anglais. C'est plutôt Britishvision. Moi j'ai envie d'entendre l'Azerbaïdjan chanter en azeri ! Ils sont 80% à chanter en anglais...
SB : Ca devient un concours comme un autre si tout le monde parle en anglais. Et ils le font pour des mauvaises raisons, pour gagner des points, en se disant que c'est la langue universelle. Eh bien non !
MJ : Et ça les fond dans la masse !
SB : Et la France a été coupable pendant des années de vouloir faire moderne. Mais le classique, il n'y a rien de tel, et on sait faire ! La haute couture, elle est française. Il faut arrêter d'essayer de faire moderne, jeune...

"Si vraiment ça ne vous intéresse pas, laissez-nous !"

Quel regard vous portez sur l'Eurovision, qui est un peu moquée en France... ?
MJ : C'est un vaste sujet. On essaie de comprendre pourquoi il y a une aussi mauvaise ambiance...
SB : C'est un mépris, un dédain, pour toute la culture populaire. Je connais ça en permanence. Dès que vous avez un vrai divertissement populaire, on le critique. Michel Drucker en est parfois victime, Patrick Sébastien aussi. Mais les gens regardent. Il faut arrêter de mépriser tout ce qui est populaire ! Marianne et moi avons le chromosome populaire. Et ça ne nous empêche pas d'avoir un peu d'humour et de mettre du deuxième degré. Ni d'avoir de la culture ! Pour revenir à l'attitude des Français, je ne comprends pas. Ceux qui critiquent d'emblée le concours critiquent ensuite le choix de chanson. Mais si vraiment, ça ne vous intéresse pas, laissez-nous !
MJ : Il faut attendre 20 ans après la mort de Claude François pour que "Télérama" lui consacre des pages en s'intéressant au phénomène Cloclo, pourquoi il perdure... Et ils ne sont pas que critiques, ils sont observateurs. Mais de son vivant, ils n'ont pas l'idée d'écrire sur lui. Il y a un dédain qui est surtout urbain, certaines élites, et c'est relayé par le net qui, bien évidemment, sous couvert de pseudos et autres masques, est extrêmement virulent.

Mais si on gagnait...
MJ : Alors là, ça changerait tout ! C'est comme les supporters de foot. Tant que ça ne gagne, pas, ils crachent, ils crachent dessus. Mais quand ça commence à gagner, "Black blanc beur", là ça fonctionne, on récupère.
SB : Et c'est vrai qu'on dénigre en permanence quelque chose qu'on ne veut pas voir gagner. Et si on dit qu'on a des chances de gagner, c'est pire, on nous dit qu'on n'a pas les moyens de l'organiser ! Mais qu'en savent-ils ? L'Autriche est un tout petit pays par rapport à la France et ils ont organisé les choses de manière incroyable. J'aimerais simplement que les Français imaginent que tous les bus, tous les taxis, toute la ville est aux couleurs de l'Eurovision. Nous on se pince le nez, il y a une sorte de mépris, on prend des gants pour toucher la culture populaire. Arrêtons ce snobisme ! C'est insupportable !
MJ : Et moi j'irai plus loin que lui. Admettons que nous gagnions et que toutes les délégations viennent à Paris. On aura beau faire les monuments les plus propres du monde, est-ce qu'on aura les sourires pour accueillir tout le monde ? Est-ce que les Français seront capables d'une telle empathie pour la Lettonie, la Lituanie, la République de Macédoine, Malte, San Marin... ? Il n'y a pas que la beauté extérieure et les monuments...

"Une seule règle : faire pipi avant !"

C'est de l'arrogance ?
MJ : Oui, parce que Paris est belle et la France est belle. Mais est-ce que ton coeur est aussi éclairé que tes monuments ? Nous, on ressent ça. Pourquoi on ne gagne pas ? Peut-être parce que les autres pays en ont marre de notre suffisance. Les Portugais, les Suisses, les Italiens, les Belges devraient voter pour nous, mais ils en ont marre de la grande soeur qui est snobinarde. Et ça nous pend au nez ! Moi j'adore la France, je ne veux pas vivre dans un autre pays. Mais ce n'est pas parce que notre pays est beau, qu'on y mange bien et que les hommes y font merveilleusement l'amour que ça nous donne le droit d'être cynique !

En termes pratiques, vous êtes partis pour plus de trois heures dans une petite cabine montée sur des échaffaudages ! Vous êtes préparés psychologiquement ?
SB : Il faut juste faire pipi avant, c'est la seule règle. Mais vous savez, un mariage princier, c'est cinq heures minimum.
MJ : Une émission de Ruquier, c'est cinq heures !
SB : Le seul remède, la seule préparation, c'est quand vous êtes passionné par ce que vous faîtes. Vous ne voyez pas le temps passer. Et je souhaite à tout le monde de connaître ce genre d'émotion. Il y aura bien quelqu'un qui nous amènera une bouteille d'eau si on a soif, ne vous inquiétez pas pour nous !
MJ : Peut-être quelque chose avec des bulles - je parle d'une eau minérale, bien évidemment !
SB : On ne boude pas notre plaisir, on est content de le faire, et on s'entend très bien ! On se connaît depuis si longtemps, on s'adore. Et puis il y a des enjeux ! Il y a évidemment l'Eurovision, mais aussi par rapport à notre chaîne, France 2. Grâce à Nathalie André, l'Eurovision est considérée, elle prend du galon, il y a des bandes-annonces... Il faut qu'on soit à la hauteur ! On a envie de faire la meilleure prestation - et de faire la meilleure audience.

En interview cette semaine dans "Voici", Cyril Féraud révèle qu'il a fait "pipi dans une gourde à côté de Mireille Dumas" quand il commentait l'Eurovision. Vous êtes prêts à faire ce type de sacrifice ?
MJ : Ca dépend qui est la gourde ! (Rires) Je pense que ça peut arriver. Si jamais ça arrivait, effectivement je ne vais pas pouvoir descendre les échaffaudages, ce sont des escaliers très raides. Donc il faut prendre ses précautions et si besoin, il continuera à commenter et j'utiliserai un seau à champagne ! Je sortirai, ce n'est pas grave !
SB : Je vous assure, vous prenez sur vous. Franchement, il n'y aura aucun problème.

À propos de
Stéphane Bern
Stéphane Bern
"Ces pourris de templiers" : Stéphane Bern se la joue "Assassin's Creed" dans une parodie de "Secrets d'histoire"
20 juillet 2023 à 18:28
Tous les articles
Mots clés
Interview
Tendances
Toutes les personnalités
Sur le même thème
"Chaque 15 août ne sera jamais plus comme les autres" : Ému, Pascal Praud intervient en direct sur CNews pendant ses vacances pour rendre hommage à Gérard Leclerc play_circle
TV
"Chaque 15 août ne sera jamais plus comme les autres" : Ému, Pascal Praud intervient en direct sur CNews pendant ses vacances pour rendre hommage à Gérard Leclerc
16 août 2024
"Jamais mon père n'aurait travaillé avec Bolloré" : Les détenteurs des droits du jeu "Des chiffres et des lettres" excluent un transfert du programme sur C8 play_circle
TV
"Jamais mon père n'aurait travaillé avec Bolloré" : Les détenteurs des droits du jeu "Des chiffres et des lettres" excluent un transfert du programme sur C8
5 juillet 2024
Les articles similaires
"Je ne pensais pas qu'on pouvait retourner sa veste autant de fois" : Maxim ("Koh-Lanta") explique pourquoi il n'a pas sorti son collier d’immunité lors du conseil des "destins liés" play_circle
Interview
"Je ne pensais pas qu'on pouvait retourner sa veste autant de fois" : Maxim ("Koh-Lanta") explique pourquoi il n'a pas sorti son collier d’immunité lors du conseil des "destins liés"
29 octobre 2024
Gustin ("Koh-Lanta" 2024) : "Si je devais le refaire, je ne le referai pas, j'ai trop souffert de la faim" play_circle
Interview
Gustin ("Koh-Lanta" 2024) : "Si je devais le refaire, je ne le referai pas, j'ai trop souffert de la faim"
1 octobre 2024
Dernières actualités
"Star Academy" 2024 : Découvrez les 15 élèves de la nouvelle promotion de l’émission de TF1 play_circle
TV
"Star Academy" 2024 : Découvrez les 15 élèves de la nouvelle promotion de l’émission de TF1
12 octobre 2024
"Star Academy" 2024 : Couleurs flashy, pièces inédites... Découvrez les images du château redécoré qui accueillera les élèves de cette nouvelle saison play_circle
TV
"Star Academy" 2024 : Couleurs flashy, pièces inédites... Découvrez les images du château redécoré qui accueillera les élèves de cette nouvelle saison
11 octobre 2024
Dernières news