Il fait partie des plumes historiques de "Libération" qui ont quitté le journal cet automne avec la clause de cession ouverte suite à l'arrivée de nouveaux actionnaires. Quelques jours après avoir organisé son pot de départ, Gérard Lefort revient sur ses années à "Libé". Dans une interview à Arte, le journaliste se souvient de l'esprit qui a régné dans le quotidien pendant les années 80 et 90.
"Libération a offert une opportunité incroyable : écrire ce qu'on voulait, quand on voulait et sur ce qu'on voulait ! (...) Libé a été le meilleur journal à lire et à regarder", se souvient Gérard Lefort pour qui l'avenir du titre, et la survie de la presse en général, est un "enjeu démocratique".
Le journaliste déplore le changement de ton du quotidien qui, selon lui, a perdu de sa pugnacité. "Il y avait beaucoup plus de virulence, de mordant, d'insolence, de parti pris complètement dingue et de mauvais foi absolue. Tout cela s'est un peu tempéré. Pas modéré, tempéré. On a dû renoncer, les uns et les autres, moi compris, à y aller plus franchement, à rentrer dans le lard", observe Gérard Lefort qui critique ouvertement la mollesse de la ligne éditoriale actuelle.
"On est dans une situation de panique, de peur. On a l'impression, qu'aujourd'hui, un journal de gauche se doit d'être mollement consensuel ; d'être centriste. Et ça vaut pour "Libération", ça vaut pour "Le Monde" (...) Il y a une sorte de sociale démocratie généralisée.... Je suis pas sûr que ce soit la bonne idée...", analyse-t-il.
Gérard Lefort n'est pas le seul à avoir quitté "Libération". En tout, 102 salariés (sur 238 au total) ont demandé à bénéficier du plan de départs volontaires. Bénéficiant d'un statut différent, les journalistes en ayant fait la demande ont déjà pu quitter le journal. Ce plan de départ devrait coûter près de 11 millions d'euros. Patrick Drahi et Bruno Ledoux, les deux nouveaux actionnaires du journal, vont apporter 10 millions d'euros supplémentaires dans les caisses du journal, qui devrait afficher un déficit de 20 millions d'euros en 2014 (dont 9 millions de déficit d'exploitation).