
Il avait été journaliste et espion. Selon "Le canard enchaîné", ce mercredi, Jean Clémentin, ancien chef du service politique de l'hebdomadaire, s'est éteint le 5 janvier dernier à l'âge de 98 ans. "Durant les années 1970-80, Jean Clémentin avait été l'un des piliers du 'Canard enchaîné'", a indiqué le journal aujourd'hui, dans un entrefilet.
L'année dernière, une enquête de "L'Obs" avait révélé que Jean Clémentin avait été recruté comme agent des services secrets tchécoslovaques - dans le camp soviétique - pour transmettre des informations et participer notamment à trois "mesures actives", autrement dit à des opérations de désinformation. C'est vraisemblablement par appât du gain que celui dont le nom de code était "Pipa" - "robinet" en tchèque - avait accepté de remplir ces nombreuses missions entre 1957 et 1969.

"L'Obs" avait fait cette découverte par l'intermédiaire d'un historien tchèque dans les archives de la StB, le service secret tchécoslovaque, où figure le dossier consacré à "Pipa", fort de 1.548 pages. Le professionnel de l'information, connu sous le nom de plume Jean Manan, n'avait pas ménagé sa peine durant ces 12 années passées au service de l'Est : il avait remis pas moins de 300 notes "au cours de 270 rencontres en France et à l'étranger".
Parmi les trois opérations de désinformation recensées par "L'Obs", figure notamment, en 1963, la parution d'un article dans "Le canard enchaîné" consacré au testament politique de l'ex-chancelier allemand Conrad Adenauer. Un testament créé de toutes pièces par les services secrets pour accroître les tensions politiques au sein de la CDU, le parti conservateur au pouvoir en Allemagne de l'Ouest. C'est par peur que sa couverture soit révélée au grand jour que Jean Clémentin avait souhaité mettre un terme d'un commun accord avec son officier traitant à sa collaboration clandestine.
En février 2022, Nicolas Brimo, directeur de la rédaction et directeur de la publication du "Canard enchaîné", avait affirmé qu'il n'était "évidemment pas au courant de cette affaire". "Si 'le Canard' a quelque chose à dire sur votre article, il le dira d'abord à ses lecteurs", avait-il pris soin de préciser auprès de "L'Obs".
Protégé de toute poursuite en raison de la prescription, Jean Clémentin n'avait "pas pu répondre à ses détracteurs" il y a un an, en raison d'une "santé chancelante", indice aujourd'hui "Le canard enchaîné". Et de conclure dans ses colonnes : "Fin de partie. Tchèques et mat !".