Toute la journée, Jean-Jacques Bourdin, matinalier sur RMC, est l'invité exceptionnel de puremedias.com. Le journaliste raconte dans son livre ("L'homme libre", Ed. Cherche Midi) les coulisses de ses entretiens quotidiens à la radio, sa vision du journalisme et du rapport de certains médias aux politiques. Il défend aussi son modèle, celui de donner la parole aux auditeurs, quotidiennement. Quatrième partie de l'interview, l'absence du journaliste de la télévision. Un choix assumé.
> P1 : "Je fais ce que je veux, c'est moi qui décide, voilà ma liberté"
> P2 : "Je plains ceux qui travaillent avec Nicolas Canteloup"
> P3 : "RMC n'est pas un défouloir"
Propos recueillis par Julien Bellver et Benoît Daragon.
puremedias.com : Vos principaux concurrents, Laurent Bazin, Thomas Sotto ou Patrick Cohen, cumulent tous radio et télévision. Vous n'avez eu qu'une expérience sur une grande chaîne, "Abus de confiance" sur TF1. Un regret ?
Jean-Jacques Bourdin : Non, non ! La seule émission que j'aurais envie de faire, ce serait "Droit de réponse". Dans un nouveau style, bien sûr. J'ai beaucoup admiré Michel Polac. Il y avait une vraie liberté de ton, de comportement et de déplacement. C'était un peu anarchique comme fonctionnement mais ça m'a nourri et donné le goût du débat. A part celle-ci, aucune autre émission ne m'intéresserait.
Vous êtes régulièrement sollicité par la télévision ?
On me sollicite chaque saison mais je dis non à tout. La télévision ne me fait pas rêver du tout ! J'aime profondément la radio, mais je veux faire de la télévision comme je fais de la radio : sans oreillette, sans prompteur.
Votre matinale de RMC est diffusée sur BFMTV et RMC Découverte. Ca ne vous dérange pas ?
Au contraire, j'aime bien ! Au lancement de RMC Découverte, les retransmissions étaient catastrophiques. Donc on a construit un studio répondant mieux à l'objectif de faire de la radio diffusée à la télévision.
Les caméras dans les studios de radio font débat, notamment à Radio France.
C'est une évolution de notre monde. Ca ne me gêne pas du tout. Je fais de la radio et je ne me rends pas bien compte que je fais aussi de la télévision.
Vous feriez un formidable animateur de talk-show en access prime time...
Je ne sais pas.... Je sais qu'on a pensé à moi ici ou là mais on ne m'a jamais fait de proposition formelle. De toute façon, ça ne m'intéresse pas trop. Ici, à RMC, j'ai une liberté totale. J'ai mis 35 ans pour l'acquérir en étant à l'antenne quotidiennement. Je dois être le recordman français du nombre d'heures d'antenne à la radio. Je fais ce que je veux. A la télévision, je ne pourrais pas être aussi libre.
Vous citez dans votre livre "Choses vues", ces micros qui se tendent pour recueillir la bonne parole des personnalités, sans forcément arracher à ces acteurs de l'actualité ce qu'ils pensent vraiment. C'est ce que fait la chaîne d'information sur laquelle vous travaillez, non ?
Oui. On vit dans un monde où tout est résumé, condensé. Les chaînes d'info, comme les sites internet, n'échappent pas à cette loi. Je vis avec. Mais, justement, au départ, ma grande interview était coupée en deux parties. Je me suis battu pour que la coupure pub saute et que je puisse avoir 20 minutes d'interview d'une traite. Croyez bien que pour enlever de la pub, il faut se battre ! Ca a été un long combat. Je leur disais qu'il y aurait moins de décrochage d'audience et qu'ils pourraient vendre plus cher la pub avant et après.
Les chaînes d'information, en période de crise, n'ont-elle pas parfois tendance à libérer la révolte ?
Elles montrent la réalité des choses, les chaînes info. Il ne faut pas leur donner plus d'importance qu'elles en ont. On en a fait des boucs émissaires. Dans l'affaire Leonarda par exemple, j'ai été alpagué par le député socialiste Bruno Le Roux qui est venu un matin en me disant à l'antenne que c'était "scandaleux" d'avoir donné la parole à Léonarda. Mais enfin, c'est le président de la République qui s'était exprimé alors qu'il aurait mieux fait d'envoyer son porte-parole. Puisque le président lui-même avait apostrophé la jeune adolescente, il était normal d'avoir sa réaction. N'importe quel média de la planète aurait fait pareil ! Je ne réinviterai plus Bruno Le Roux d'ailleurs, mais des responsables socialistes un peu plus réfléchis.
Si les manifestations hostiles au projet de loi sur la famille s'étaient déroulées il y a 10 ans, sans les chaînes d'info, François Hollande aurait-il selon vous renoncé aussi rapidement ?
Je pense qu'il avait préparé sa marche-arrière avant la manifestation. Il avait compris que ce débat venait polluer son pacte de responsabilité, dont on attend toujours les fameux "arbitrages".
Etes-vous inquiet de l'éventuel passage en gratuit de LCI ?
Inquiet oui, toujours, quand on est de plus en plus nombreux sur le même créneau... Mais BFMTV est maintenant une marque très solide et rien ne prouve que LCI va réussir à faire son trou en gratuit. La concurrence ne me fait pas peur. Mais nous verrons bien quelle sera la politique du CSA vis à vis du principal groupe média de France, TF1.