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Karine Le Marchand (P1) : "L'histoire personnelle d'un politique influe sur sa manière de diriger"
Publié le 7 octobre 2016 à 09:53
Par Prune P.
A l'occasion du lancement d'"Une ambition intime" dimanche sur M6, Karine Le Marchand est l'invitée exceptionnelle de puremedias.com toute la journée.
Karine Le Marchand invitée spéciale de puremedias.com Karine Le Marchand invitée spéciale de puremedias.com© Benjamin Decoin / M6
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Elle va confesser les politiques. Dimanche soir, Karine Le Marchand présentera "Une ambition intime" sur M6, sa nouvelle émission dont elle est également productrice. A cette occasion, puremedias.com a rencontré l'animatrice pour un long entretien, publié tout au long de la journée.

P2 l "La dédiabolisation du FN est nécessaire pour arrêter le fantasme"
P3 l "Si M6 ne m'avait pas autorisée à faire d'autres choses, je serais partie"

Propos recueillis par Kevin Boucher et Benjamin Meffre.

puremedias.com : Vous réfléchissez depuis cinq ans à cette émission. "Une ambition intime" est l'aboutissement d'un projet au long cours ?
Karine Le Marchand :
Ca fait pas mal de temps que je disais que je voulais interviewer les politiques. Mais je n'avais pas de projet précis. C'était un voeu pieux. Ils sont réputés pour être taiseux et j'aime bien la difficulté. C'était un challenge pour moi au départ mais puisque je trouve dangereux que les jeunes se détournent de la politique, c'est à la télévision d'offrir des émissions qui, par des codes qui leur sont propres, peuvent ramener des gens vers la politique.

"L'histoire personnelle d'un politique influe forcément sur sa manière de diriger"

C'est l'un des objectifs de "Une ambition intime" : ramener les gens vers la politique ?
Oui ! Et vers le vote ! Si on laisse les gens dire : "Ils sont tous pourris" et "on ne peut rien changer", en mai prochain, ce seront les plus motivés, les plus extrêmes, qui voteront. Je pense que beaucoup de gens ne regardent pas les débats télé ni ne lisent les programmes. C'est à nous, journalistes de télé, d'essayer de faire cette réconciliation, si on peut. Peut-être que je n'y arriverai pas. Mais j'aurai au moins essayé. C'est à nous d'amener les gens vers une certaine réflexion. Et l'émotion amène à la réflexion.

Mais pourtant, vous ne parlez pas vraiment de politique avec vos invités ?
Il n'y a pas d'évocation du programme des candidats, c'est vrai. Mais en parlant de la personnalité des gens, on comprend comment ils abordent la politique, comment ils se sont construits, et quel type de dirigeant ils seraient. Le caractère et l'histoire personnelle d'un politique influent forcément sur sa manière de diriger. Donc oui, on ne parle pas de programme mais c'est politique malgré tout.

Avec "Une ambition intime", vous voulez remettre de l'humain dans la politique ?
Pourquoi en remettre ? Ils sont humains ! Mais c'est vrai qu'on ne parle plus aujourd'hui que de "l'animal politique". La société bestialise les politiques. Ca rajoute à la défiance.

Est-ce que M6 a mis du temps à accepter le projet ?
Honnêtement non. Ils m'ont tout de suite dit oui. Mais ils m'ont aussi dit : "Vas-y ! Tu ne connais personne. Mais nous, pas de problème ! On est d'accord" (rires). Je suis partie avec mon petit bâton de pèlerin. C'était il y a plus d'un an.

"Ca a été très dur d'obtenir les bons numéros de téléphone"

Comment convaincre des introvertis comme Alain Juppé ou François Fillon de parler d'eux-mêmes ?
Cela a été long. J'ai un caractère où quand on me dit "non", ça veut dire "peut-être".

C'est vous, directement, qui les avez contactés ?
Ah oui ! Que moi ! Et j'ai fait ça en secret car je ne savais pas si ça allait se faire. Je ne connaissais personne. Ca a été très dur d'obtenir les bons numéros de téléphone, de convaincre les conseillers. Parfois je passais par les femmes des responsables politiques.

Parmi ceux qui ont dit oui, qui a été le plus difficile à convaincre ?
Ce ne sont pas forcément eux en fait, ce sont leurs conseillers. Eux n'ont jamais été difficiles à convaincre. J'ai déjeuné avec eux, je leur ai expliqué le projet, parlé de la défiance des Français... Et dans chaque portrait, ils expliquent pourquoi ils ont accepté. Et certains m'ont dit "Je le fais parce que c'est vous". Je pense que si j'avais été journaliste politique, je n'aurais pas pu le faire. Et je pense que je n'aurais pas pu le faire sur une autre chaîne car il y a une couleur politique sur le service public, il y a une couleur politique à TF1 alors que ni M6 ni moi ne sommes politisés. C'est ma fierté, qu'on ne voit pas pour qui je vote. Personnellement, ça me dérange dans les débats, qu'on sache que c'est à charge parce que l'invité ne partage pas les idées du journaliste. Ca me met mal à l'aise, ce n'est pas forcément leur rôle. Un journaliste doit être neutre.

"A chaque fois que j'ai réussi à les rencontrer, ils ont dit oui"

Il n'y a pas eu un "effet domino" après que le premier invité a dit oui ?
Non. En fait, ce qu'il fallait, c'est que je les rencontre. A chaque fois que j'ai réussi à les rencontrer, ils ont dit oui. Par exemple, je n'arrivais jamais à joindre Alain Juppé. Je me suis fait inviter au dîner du Crif (un dîner organisé chaque année par le Conseil représentatif des institutions juives de France où se rendent de nombreux politiques, ndlr) où je savais qu'il serait. J'y suis allée et je me suis assise à sa table. Je lui ai expliqué mon projet. Au début, il m'a dit : "Je n'aime pas parler de moi" et à la fin il m'a dit : "C'est bon".

Vous pensez que les politiques auraient accepté une telle émission il y a 20 ans ?
Avec moi, oui. J'étais beaucoup plus belle, plus souple ! (Rires) Michel Drucker a fait des politiques sur son canapé il y a très longtemps !

Mais on ne parlait pas de la vie sexuelle de Bruno Le Maire...
Et Thierry Ardisson qui demande à Michel Rocard si "sucer c'est tromper ?" Ils y allaient tous et parlaient vraiment de sexe avec Laurent Baffie !

"Les politiques souffrent de la caricature que l'on fait d'eux"

Votre image "L'amour est dans le pré" vous a servie ou desservie dans ce projet ?
Servie ! Je leur disais : "Vous voyez ce que je fais avec les agriculteurs. Et bien ce sera la même chose". Je leur disais qu'il s'agissait d'une émission bienveillante dans laquelle il fallait qu'ils se racontent et qui voulait montrer l'homme ou la femme, pas la fonction. En fait, je crois qu'ils souffrent de la caricature que l'on fait d'eux. Parce qu'ils n'ont aucune prise dessus ! Des émissions comme la mienne, il n'y en a pas d'autres. Je leur donne l'opportunité de montrer qui ils sont réellement. On dit par exemple de François Fillon qu'il est chiant. Lui ne se voit pas comme ça. Comment peut-il faire pour démontrer le contraire ? De la même manière, on dit de Juppé qu'il est froid. Une fois qu'on a dit ça, dans quelle mesure peut-il changer ça ? C'est très difficile pour eux de changer l'image qu'ils donnent quand elle n'est pas en adéquation avec eux-mêmes.

L'image qu'ils ont est-elle toujours fausse ?
Nicolas Sarkozy dit, lui, que "même dans l'exagération, il y a une part de vrai". Mais globalement, ils sont quand mêmes tous différents de leur image. Alain Juppé ressemble certes un peu à son image, mais en moins caricatural. Ce n'est pas un monstre froid. Et d'un autre côté, le système est tel qu'ils sont obligés de se refermer pour se protéger. C'est très "viriliste" comme monde. C'est vraiment un monde de compétition de mecs. C'est pour ça d'ailleurs qu'il n'y a pas beaucoup de places pour les femmes. Il ne faut pas montrer de fragilité pour ne pas devenir vulnérable. C'est un monde sans pitié.

On parle souvent de l'homme providentiel en politique. Vous êtes la femme providentielle pour les émissions politiques ?
Ah non. Ce n'est pas une émission politique pour moi. Quand j'ai écrit "Une ambition intime", ce n'était pas forcément pour des politiques. Ca peut aussi être pour un sportif, un acteur etc...

Vous comptez donc décliner le format ?
Ah oui depuis le début ! Il se trouve que la présidentielle approche donc on a fait ça avec les politiques pour la première saison. Mais l'idée est de la décliner plus tard. Ce qui est drôle, c'est qu'avant même la diffusion, j'ai des patrons du Cac 40 qui m'appellent pour que je fasse leur "Ambition intime". Pas forcément pour une diffusion à la télévision mais en interne, pour les salariés de leur groupe.

Justement, est-ce qu'on ne peut pas vous reprocher de participer à la com' des politiques puisqu'ils apparaissent forcément sous un jour positif dans l'émission ?
Je ne suis pas d'accord. On apprend par exemple que François Fillon était un cancre indiscipliné, qu'il est susceptible. On parle de leurs défauts dans l'émission. Ce n'est pas "Qu'est-ce que vous êtes formidable !".

"Quand un homme politique va à la télévision, c'est qu'il y trouve son compte"

En les humanisant, vous les aidez malgré tout d'une certain façon...
Et alors ? Quand un homme politique va à la télévision, quelle que soit l'émission, c'est qu'il y trouve son compte, forcément ! Ce n'est pas mon problème si ça les arrange. Je les reçois tous !

Vous n'avez pas eu de doutes sur la sincérité de certains de vos invités?
Vous ne pouvez pas ne pas être sincère puisque c'est factuel. Quand on leur montre l'iPad avec leur proche qui dit "il a fait ci, il a fait ça", il n'y a pas de problème de sincérité : il est obligé d'expliquer la situation derrière. Tout est factuel.

Même quand Bruno Le Maire est hilare devant "OSS 117", vous ne vous demandez pas si c'est surjoué ?
Non ! Je ne pensais vraiment pas qu'il allait rire autant. Je savais qu'il était fou de ce film car sa femme me l'avait dit. Et il faut se rappeler que c'est monté, qu'il y a 4h30 de tournage pour 30 minutes de portrait. C'est comme son émotion en parlant de sa femme. On a coupé beaucoup de choses, ces séquences interviennent après un processus. Mais c'est comme moi dans "L'Amour est dans le pré", on dirait que je suis folle ! Je ris, je pleure... Alors que ça dure toute une journée.

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