Elle va confesser les politiques. Dimanche soir, Karine Le Marchand présentera "Une ambition intime" sur M6, sa nouvelle émission dont elle est également productrice. A cette occasion, puremedias.com a rencontré l'animatrice pour un long entretien, publié tout au long de la journée.
P1 l "L'histoire personnelle d'un politique influe sur sa manière de diriger"
P3 l "Si M6 ne m'avait pas autorisée à faire d'autres choses, je serais partie"
Propos recueillis par Kevin Boucher et Benjamin Meffre.
Quid de François Hollande ? Viendra, viendra pas ?
Je n'ai jamais réussi à le voir ! François Hollande, c'est un peu particulier puisque c'est un président de la République au pouvoir et qui, en plus, ne s'exprime absolument pas sur sa vie privée. Si je l'ai en interview, il y a quand même des choses à dire sur son rapport à la fidélité, à la transparence. Je serai aussi obligée de l'interroger sur le rôle d'une première dame puisque je demande à tous si on peut diriger sans quelqu'un à ses côtés. Ce ne sont, à mon avis, que des questions auxquelles il ne veut pas répondre...
Ses proches vous ont fermé les portes ?
Je ne contacte les proches qu'après avoir eu l'accord de la personnalité pour qu'ils m'aident à préparer l'entretien et à nourrir l'interview.
Vous avez contacté son service de communication ?
Je suis allée à l'Elysée. Gaspard Gantzer (le conseiller en communication du président de la République, ndlr) m'a alors dit "On réfléchit". L'attente a duré 8 mois, et toujours pas de réponse.
Et s'il vous contacte au lendemain de la première diffusion avec l'envie de se raconter ?
Je lui ai envoyé des textos, il ne m'a jamais répondu.
Vous aviez peur de Marine Le Pen avant de la rencontrer ?
Oui, parce que c'était dur. Ses idées ne sont pas les miennes. Le jour de la rencontre, elle était méfiante. Elle avait dit oui mais le jour du tournage je voyais qu'elle avait vachement peur. En fait, elle est tout le temps dans le combat, médiatiquement. Elle n'est jamais sereine quand elle prend la parole publiquement. Donc arriver à se détendre, à être elle, à donner sa confiance à quelqu'un qu'elle ne connaît pas, jouer le jeu, poser ses armes et parler de ses fragilités à une fille quasi inconnue, ce n'était pas gagné. Je lui ai dit qu'elle me faisait peur, je lui ai demandé ce qui arriverait si sa fille se mariait à un noir etc... Des questions que je me pose en tant que métisse. Et elle a répondu simplement. Et cette simplicité-là, d'une femme qui me faisait peur, est troublante, oui.
En invitant Marine Le Pen, vous n'avez pas peur de participer à la dédiabolisation du Front national ?
Les électeurs du Front national se sentent souvent en dehors de la société et aiment aussi ce parti parce qu'ils le sentent mis de côté. Je crois que les gens qui se sentent victimes ont de l'empathie pour ceux qui se disent également victimes. Je pense donc au contraire qu'il faut justement dédiaboliser le Front national et l'attaquer, comme les autres partis, sur son programme et ses idées. Mais ça, ça n'est pas mon rôle de le faire. Il y a des journalistes politiques pour ça. Je crois que la dédiabolisation est nécessaire pour justement qu'on arrête le fantasme.
Vous ne pensez pas que la dédiabolisation renforce le Front national ?
C'est quoi les résultats de la diabolisation du Front national : Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle en 2002 ?
On peut vous rétorquer que le Front national n'a jamais enregistré de si bons scores que depuis le début de la dédiabolisation ?
Quelle dédiabolisation ? En quoi la presse a dédiabolisé le Front national ? Soit c'est un parti dangereux et il faut l'interdire. Soit c'est un parti autorisé et alors je dois le traiter de la même façon que les autres. Je ne pouvais pas dans cette émission ne pas faire Marine Le Pen ou la traiter différemment des autres. Elle est là pour me raconter son histoire. Elle la raconte. C'est tout.
Vous auriez invité Jean-Marie Le Pen ?
J'aurais eu du mal. Il a quand même dit des choses horribles. (Elle réfléchit) S'il avait été en course, je l'aurais fait quand même je pense.
Les portraits ne font que 30 minutes pour un tournage allant jusqu'à 5 heures pour certains. Les 4h30 étaient inintéressantes ?
Non. Déjà, ils mettent bien 1h30 à rentrer dans la confidence, en me parlant de politique et autres. Ils ont du mal, me jaugent aussi. Ils sont habitués à combattre donc l'exercice est compliqué. Tous me disent au début qu'ils sont stressés ! Et ensuite, ils essayent toujours de me placer des petites choses de leur programme.
L'émission est tournée dans une maison louée pour l'occasion. Vous avez pensé à tourner au domicile des invités ?
Oui oui. Mais tous ne voulaient pas - ce que je respecte. Et souvent, ça devenait un acte politique. Certains voulaient tourner dans la ville où ils sont élus, pas là où ils vivent réellement. Certains ne voulaient pas montrer non plus qu'ils étaient riches. Et le problème quand vous tournez chez quelqu'un, c'est qu'il y a sa femme, ses enfants, les voisins... Ils ne se relâchent pas de la même façon. Là, sur le tournage, c'était un accompagnant seulement, dans une pièce à part, qui prenait des notes si un mot les choquait. Donc on a voulu faire comme chez eux, sans que ce soit chez eux. Et je ne parle pas des histoires d'assurances...
Il y a toute une mise en scène aussi, entre les photos, les poses dans le canapé...
Elle sert à mettre en condition psychologique pour la confidence. Tout est réfléchi. On a créé tout un écrin pour les amener à se confier. Et pour qu'on oublie les caméras, il faut que ce soit des salons qui fassent à peu près 60 mètres carré, pour que les caméras soient hyper loin et qu'on les oublie. C'est aussi pour ça qu'on est face à face sur le canapé, car on est obligés de s'avachir. Le corps se laisse aller donc la tête se laisse aller. Pourquoi j'obtiens tant de confidences des agriculteurs dans "L'Amour est dans le pré" ? C'est parce que je suis chez eux.
Les participants ont-ils eu un droit de regard sur ce qui allait être diffusé ?
Leurs conseillers sont passés voir l'émission, une fois montée. Je leur ai laissé une semaine pour faire des remarques et c'est tout. Car je tourne comme avec les agriculteurs : on parle de tout, on laisse le truc se libérer et s'il y a des choses qui dérangent, on en parle après. Je ne veux pas d'interdits au départ sinon ça nous bloque. Après s'il y a un événement violent - un décès à l'âge adulte, un suicide etc - et qui n'a pas d'incidence sur leur construction psychique, je n'en parle pas, ça rentrerait dans le trash et c'est tout ce dont je ne veux pas. Pareil pour les histoires de fesses, je m'en fous.
Et si François Hollande finit par accepter mais vous dit "On ne parle pas de Julie Gayet" ?
Alors je lui dirais "OK, on n'en parle pas, mais vous allez me dire pourquoi vous ne voulez pas en parler". Par exemple, Jean-Luc Mélenchon ne voulait pas parler de sa fille, car il estimait que c'était déjà lourd de porter son nom, de devoir défendre l'honneur de son père etc. Je lui ai dit que je ne voulais pas la montrer à tout prix mais que je voulais comprendre la culpabilité du père.
Vous recevez Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé... Ca n'a pas pu se faire avec Nathalie Kosciusko-Morizet. Jean-François Copé vous a dit non ?
Je ne lui ai pas demandé. Après, j'ai des histoires de parité. J'en ai déjà 4 de la primaire de droite et peu de gens qui se présentent à gauche. C'est très difficile, d'autant plus que nous avons 4 portraits par émission. Je dois rencontrer Benoît Hamon la semaine prochaine, qui voudra sans doute que ce soit diffusé avant la primaire de gauche. Le problème est que ça va m'obliger à en faire trois autres, aussi diffusés avant la primaire. Et ça me pénalise, je préfère ne pas être pressée par le temps.
En tant qu'électrice, certains ont pu vous faire changer d'avis ?
Oui oui. Il y a de vraies découvertes, c'est très troublant. Cette émission est très dangereuse ! (Rires) Attention, à titre personnel, je ne pense pas qu'il faut être le plus sympa pour diriger la France. Ce n'est pas du tout une qualité que je recherche dans un président de la République. J'ai envie de quelqu'un qui soit compétent, qui soit pugnace, qui affirme ses idées et qui les mette en place.