La taxation à 20% sur les reventes de fréquences TNT repoussée aux calendes grecques. En avril dernier, l'annonce du rachat de Numéro 23 par le groupe NextRadio TV (BFMTV, RMC Découverte) pour près de 90 millions d'euros avait relancé le débat sur le trafic de fréquences. De nombreux élus de tous bords s'étaient alors élevés contre cette revente à prix d'or d'une fréquence attribuée gratuitement, moins de trois ans auparavant, par le CSA à Pascal Houzelot, le patron de la chaîne.
En réaction, les sénateurs avaient adopté le 6 mai dernier un amendement à la loi Macron proposant de faire passer la taxe sur la revente d'une fréquence TNT de 5 à 20%. L'amendement en question, adopté contre l'avis du ministre de l'Economie, visait directement l'opération de Pascal Houzelot. Si la revente de Numéro 23 a en effet été annoncée le 2 avril dernier, elle doit encore attendre l'agrément du CSA avant d'être effective. Quelques jours après l'adoption de cet amendement, le 16 mai dernier, Fleur Pellerin s'était même publiquement déclarée favorable à une augmentation de cette taxe à l'Assemblée nationale.
Mais jeudi dernier, lors d'une nouvelle discussion de la loi Macron à l'Assemblée nationale, l'amendement en question a pourtant été tout simplement supprimé du texte avec le soutien du ministre de l'Economie ! Ce dernier a fait valoir dans l'hémicycle qu'une proposition de loi à venir portée par le député socialiste Patrick Bloche constituerait "un véhicule législatif mieux adapté" à cette disposition.
Une "suppression incrompréhensible" pour Catherine Morin-Desailly. Sur son blog, cette sénatrice UDI ayant défendu l'amendement au Sénat a estimé que cette décision du gouvernement revenait "dans les faits à avaliser les conditions de vente de Numéro 23". "La gauche devra assumer face aux Français d'avoir entériné des pratiques parmi les plus discutables du 'monde de la finance' favorisant, qui plus est, l'enrichissement de personnalités réputées proches des cercles actuels du pouvoir", a-t-elle dénoncé.
La disparition de cet amendement, qualifiée de "surprenante" par de nombreux observateurs, n'est en effet pas anodine. Elle va avoir pour conséquence de repousser de plusieurs mois l'adoption d'une éventuelle taxation à 20%. De sources proches du dossier, la proposition de loi de Patrick Bloche ne devrait en effet pas être adoptée avant plusieurs mois, au mieux entre la fin septembre et la mi-octobre. Sans compter le délai de promulgation.
De quoi laisser le temps au CSA de donner son agrément à la revente de Numéro 23, avant les vacances de l'institution, débutant en août, ou à la rentrée. Quelle que soit l'hypothèse, la chaîne de Pascal Houzelot ne serait alors plus concernée par la fameuse taxation à 20% ! Contactés, les ministères de la Culture et de l'Economie n'ont pas donné suite.
La suppression définitive de l'amendement de la loi Macron ne manquerait en tout cas pas de relancer les spéculations autour des liens entretenus par Pascal Houzelot avec certains membres du gouvernement. Promu Chevalier des Arts et des Lettres par Fleur Pellerin en février dernier, le lobbyiste est connu pour son entregent et les dîners privés qu'il organise régulièrement. Ces dernières semaines, la presse s'est ainsi plusieurs fois fait l'écho de ces réceptions où se seraient notamment rendus par le passé Olivier Schrameck, Manuel Valls, Fleur Pellerin ou encore... Emmanuel Macron.