C'est par un éditorial que Jérôme Fenoglio, directeur du journal "Le Monde", explique en détails la décision de sa rédaction de ne pas publier de tribunes de Marine Le Pen ou d'autres dirigeants du Front national. Après avoir décortiqué point par point la stratégie de "banalisation" enclenchée en 2011 par la présidente du parti frontiste, le quotidien veut prendre la responsable politique "à ses propres mots, pour mettre en lumière ses non-dits", en démarrant dès aujourd'hui par une analyse de son discours prononcé aux Estivales de Fréjus en septembre.
"Cet exercice de décryptage et de mise en perspective, que nous réitérerons aussi souvent que nécessaire, démontre qu'il serait, plus que jamais, dangereux de se laisser duper par cet air du temps qui veut faire croire que la présidente frontiste, au verbe policé, aux thèses apaisées, serait devenue fréquentable", explique Jérôme Fenoglio dans son édito, pour qui "le marinisme reste profondément imprégné de la pensée d'extrême droite qui inspirait Jean-Marie Le Pen."
Maintenant son principe de ne publier aucune tribune de Marine Le Pen ou d'un hiérarque du Front national dans ses colonnes, le journal ne veut pas pour autant "minimiser, voire passer sous silence, la parole lepéniste". Il assure couvrir le Front national "avec la même rigueur, les mêmes règles, la même exigence que les autres partis politiques", en passant par "l'entretien, l'enquête, le reportage ou le portrait."
Dans la suite de son article, Jérôme Fenoglio souligne que "cette volonté de ne pas accorder à la direction du parti ce qu'elle espère ne doit pas, non plus, exonérer (la rédaction) de remplir une mission cruciale en ces temps de trouble dans notre démocratie". Il termine ainsi son éditorial : "Prendre Marine Le Pen à ses propres mots n'a de sens que si l'on décrit inlassablement ce qui, aujourd'hui, la rend audible. C'est l'engagement que prend la rédaction du Monde à l'orée de ces mois de campagne électorale."