Sortie de crise en vue pour "Le Monde" ? Dans un communiqué publié ce jour, Les Nouvelles Editions Indépendantes (LENI), la société de Matthieu Pigasse qui détient ses participations dans les médias et la culture, dont ses 51% dans le holding Le Nouveau Monde (LNM), actionnaire du quotidien du soir, annonce avoir signé le droit d'agrément demandé depuis près d'un an par le pôle d'indépendance. Un pôle qui regroupe la société des rédacteurs, des personnels et des lecteurs, mais aussi des actionnaires historiques du journal et qui avait fixé un ultimatum au 17 septembre aux actionnaires. Xavier Niel, le patron de Free, avait signé ce droit d'agrément dès le 9 septembre dernier.
"Cet accord permet de concilier l'indépendance éditoriale, la nature particulière des entreprises de presse et le plein respect du droit de propriété", résume le communiqué. Ce droit d'agrément permet au pôle d'indépendance de refuser l'arrivée d'un nouvel actionnaire "contrôlant" au sein du groupe Le Monde, "moyennant l'obligation de racheter sa participation dans des conditions financières encadrées et objectives". Un recours à un collège d'experts pourra avoir lieu avec détermination d'un prix plancher et d'une évaluation basée sur plusieurs critères.
Un point sur lequel les négociations butaient ces derniers jours entre Matthieu Pigasse et le pôle d'indépendance. Le week-end dernier dans une interview accordée au "Figaro", le banquier d'affaires avait déploré le fait que "certains (veuillent) transformer ce droit d'agrément en droit de répudiation voire en clause d'incessibilité". Et de clamer sa volonté de "concilier indépendance et droit de propriété".
Des avancées avaient eu lieu en début de semaine, lorsque le pôle d'indépendance avait accordé à Matthieu Pigasse "des concessions qui lui permettraient de sécuriser ses investissements réalisés dans le groupe de presse", rapporte le journal. Et de lui garantir un prix de revente minimal de ses parts de 57 millions d'euros, ce qui représente la totalité de son investissement depuis son arrivée au capital en 2010.
Par ailleurs, concernant le rachat des parts du groupe de presse espagnol Prisa, Les Nouvelles Editions Indépendantes propose "dans un souci d'apaisement et d'équilibre" que NJJ Presse, le holding qui détient la participation de Xavier Niel, participe à l'opération. Cet été, Matthieu Pigasse était entré en négociations exclusives avec Prisa, en vue d'acquérir ses 20%, ce qui permettrait à son holding de devenir actionnaire du groupe Le Monde à hauteur de 46% du capital.
Le patron de Free avait très mal vécu cette annonce à l'époque, n'hésitant pas à la qualifier d'"agression à mon encontre et à l'encontre des rédactions", selon des propos rapportés par le quotidien. L'année dernière, les rédactions avaient également mal réagi à l'arrivée surprise du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky au capital du "Monde" lorsqu'il avait racheté 49% des parts du Nouveau Monde.
Dans la nouvelle configuration proposée par Matthieu Pigasse, NJJ Presse participerait "à ses côtés et dans les mêmes conditions financières au rachat de 50% de la participation de Prisa dans LML afin d'assurer un strict équilibre des participations respectives de LNM et NJJ". "LNM démontre ainsi sa bonne foi et sa volonté de conforter la pleine indépendance du groupe", souligne le communiqué. De son côté, Xavier Niel s'est dit prêt à racheter la moitié de la participation de Prisa, à la condition que les 20% du groupe espagnol soient ensuite apportés au pôle d'indépendance, pôle qui est actuellement opposé à ce que ces parts tombent dans l'escarcelle de Matthieu Pigasse.
Xavier Niel a également émis le souhait que "100 % du capital de LML (Le Monde Libre)" soit regroupé "au sein d'une fondation" pour "sanctuariser" l'indépendance du "Monde". Pour rappel, Le Monde Libre est le holding qui détient 75% du capital du groupe ; les 25% restants reposant entre les mains du pôle d'indépendance.
Les journalistes du "Monde" avaient choisi de largement médiatiser ce dossier depuis la rentrée, en faisant paraître le 10 septembre dernier une tribune signée par 460 journalistes visant à obtenir le droit d'agrément. Trois jours plus tard, ils étaient rejoints dans ce combat pour garantir leur indépendance éditoriale par 500 personnalités signataires eux-aussi d'une tribune.
Mise à jour du 19/09 à 15h. Le pôle d'indépendance a réagi à ces annonces pour estimer que "la version de l'accord proposée par le pôle d'indépendance et signée par Xavier Niel aplanissait tous les problèmes. Celle dont Matthieu Pigasse annonce la signature diffère et ne traite pas le sujet central de l'acquisition des parts de Prisa dans LML et du passage en force dont relève cette opération. La proposition faite par Xavier Niel d'une acquisition des parts de Prisa par Matthieu Pigasse et lui-même afin de les donner au pôle d'indépendance préserve l'équilibre de la gouvernance tout en renforçant les droits du pôle".