"Les Grosses Têtes", "ONPC" : Laurent Ruquier fait le bilan de la saison

Alors que Laurent Ruquier va enregistrer pour la première fois la version télé des "Grosses Têtes", il revient pour puremedias.com sur l'installation rapide de l'émission sur RTL, dont il a fait rapidement et sensiblement progresser les audiences. Il en profite pour faire le bilan de la saison.

Propos recueillis par Benoît Daragon.

puremedias.com : Est-ce vous qui avez proposé à France 2 de reprendre la déclinaison télé des "Grosses Têtes" lancée par Philippe Bouvard ?
Laurent Ruquier : Philippe Thuillier, qui avait déjà produit les précédentes "Grosses Têtes" pour France 2, notamment celles des adieux à Philippe Bouvard, a proposé à la direction de France 2 de refaire une émission animée par moi. Comme je faisais déjà partie de la chaîne, il ont rapidement accepté. J'imagine qu'ils ont attendu de voir les audiences de RTL avant de mettre la machine en route. Je savais que le projet existait et je m'attendais à ce que ça puisse m'être proposé mais je n'y suis pour rien. C'est toujours gratifiant de voir son émission de radio basculée à la télé.

Ca ressemblera à ce que faisait Bouvard sur TF1 dans les années 90 ?
Non, ce sera moins écrit. A l'époque, sur TF1, c'était très 'sketché' mais c'était une toute autre époque... Ce sera donc plus improvisé pour être plus proche de ce que nous faisons en radio aujourd'hui.

Vous avez embauché une armada d'auteurs ?
Une armada non, car nous sommes sur le service public (rires) ! Il y a quelques auteurs qui bossent sur les happenings. Les questions, je les ai préparées moi-même. Mais je veux que mes Grosses Têtes improvisent. C'est ça qui marche. Ce qui fait rire, c'est quand Pierre Bénichou, qui est très en forme en ce moment, se lâche, quand Laurent Baffie lance des piques, etc.

Il y aura 18 pensionnaires autour de vous mais Thierry Ardisson, Christophe Dechavanne, Karine Le Marchand, Christophe Beaugrand, salariés d'autres chaînes, vont manquer à l'appel...
Par la force des choses, ceux qui travaillent sur d'autres chaînes ne pourront pas venir sur France 2. Mais ça permet d'éviter quelques choix cornéliens et quelques jalousies (rires).

Yann Moix sera également absent ?
On a décidé ensemble qu'il ne fallait pas mélanger les genres alors qu'il fera partie de l'équipe de "On n'est pas couché" à la rentrée.

Florence Foresti fait généralement une apparition dans toutes vos premières. Elle sera là cette fois-ci ?
Non (rires) ! Ce n'est pas tout à fait une première ! Pour "L'émission pour tous", on avait voulu mettre tous les atouts de notre côté puisqu'on reprenait la case en pompier. Là, c'est un prime time. Ce n'est pas l'enjeu du siècle, soyons clair. Je suis très content que l'émission marche à la radio. Si le prime fonctionne tant mieux. Sinon, ce ne sera pas un drame.

4,4 millions de téléspectateurs pour "Nos 37 ans de bonheur" en juin 2014. Ca sent tout de même le succès cette soirée...
Oui mais ça marquait les adieux de Bouvard. Il y avait un évènement. Je ne suis pas sûr qu'on fasse ce score-là même si je nous le souhaite !

Vous enchaînerez avec "On n'est pas couché" ce soir-là ?
A priori oui, je me passerai moi-même le relais. Il n'y a que pour l'Eurovision et la Fête de la musique que "On n'est pas couché" est annulé.

Les captations de l'émission de RTL pour Paris Première sont toujours d'actualité pour la saison prochaine ?
Je n'en sais rien mais j'imagine.

Cette arrivée rapide des "Grosses Têtes" à la télévision couronne votre installation réussie à la tête de l'émission.
C'est aussi ça le plaisir ! Ca traduit le fait qu'on ne s'est pas planté. Si on avait perdu des auditeurs et que RTL était en situation difficile, il n'y aurait pas eu une émission de télé !

L'effet Ruquier a été visible dès la première vague Médiamétrie. Vous avez été étonné que les nouvelles "Grosses Têtes" s'installent aussi vite ?
Surpris non, car on a fait tout pour que ça marche. Mais ça a été bien agréable et rassurant.

Vous avez douté ?
On doute toujours un peu ! Surtout qu'il y avait une vague de twittos et d'internautes qui prédisaient ma perte. Et si il y a bien une leçon à tirer de ça, c'est que les réseaux sociaux et Twitter ne sont pas représentatifs des goûts du grand public. Quand mon arrivée sur RTL a été annoncée, même sur le site de la station, les avis étaient très négatifs. Ces opinions ne se sont pas avérées représentatives ! Twitter, c'est pire que tout. C'est un faux miroir de la société.

Les commentaires négatifs ont duré deux semaines ! Dès la rentrée, les tweets sont devenus plutôt élogieux...
Oui ! Mais le samedi soir, si les tweets étaient représentatifs, l'émission s'arrêterait car elle serait jugée "irregardable" et "indigne". Et pourtant c'est le talk show le plus regardé de France ! Pour revenir à RTL, j'étais optimiste et j'y croyais. Cette confiance, je l'avais en moi car je savais que je connaissais l'émission par coeur. Dans les meilleures années, j'écoutais l'émission tous les jours. Adolescent, je l'enregistrais sur des cassettes ! J'ai moins écouté dans les années 2000 en revanche, je l'avoue...

C'est surprenant à quel point l'histoire cette émission est gravée dans votre mémoire...
Je suis arrivé dans des chaussons ! (rires) Personne, à part moi, ne pouvait mesurer à quel point je connaissais l'émission. C'est à peine crédible. Je savais donc où j'allais et ce que je voulais faire.

Et du coup, le fait que Philippe Bouvard ne vous adoube pas à la rentrée dernière, ca vous a blessé ?
Ca m'aurait fait plaisir, bien sûr, si ça avait été le cas. Mais ça m'aurait surpris. On connaît l'animal ! (rires) Mais ça ne m'empêche pas de continuer à avoir du respect pour sa carrière. Je ne peux pas avoir été fan des "Grosses têtes" et cracher sur Philippe Bouvard. Humainement, l'homme m'a déçu. Mais ça changera peut-être un jour...

Le succès de vos "Grosses Têtes", c'est d'avoir réussi le dosage entre les anciens et les nouveaux ?
Oui, c'était l'autre interrogation. Et finalement Steevy s'entend hyper bien avec Jean-Jacques Peroni ! Et c'est ce qui me touche le plus car toute ma vie j'ai cherché à additionner les différences et mettre à côté des gens qui, a priori, n'étaient pas fait pour boire des coups ensemble. Et finalement, quand les gens se parlent, ça va mieux. C'est comme quand je réponds à un internaute énervé, en général, il se calme. J'ai toujours prôné le vivre ensemble. Mabille et Bénichou étaient faits pour déconner ensemble. Les anciens comme les nouveaux sont contents que l'émission marche, c'est dans l'intérêt de leur carrière et ça leur montre qu'ils ont eu raison de me faire confiance.

Votre équipe actuelle vous plaît ou vous voulez la faire grandir encore ?
Ce n'est pas une "équipe", car rien n'est figé encore. Et tant mieux car Karine Le Marchand s'est avérée être la révélation de la saison. Et je suis content que des gens comme Michel Drucker ou Thierry Ardisson passent environ une fois par mois. C'était marrant d'avoir des gens qui viennent une fois ou deux, comme les frères Bogdanov qui sont venus confronter leur univers à celui des autres !

Olivier de Kersauson serait toujours le bienvenu ?
Je ne suis pas fâché. Pour moi, c'est quand il veut. Mais je ne suis pas sûr que les patrons de RTL soient du même avis que moi...

Parlons de la concurrence. Enfin, de votre concurrente Charline Vanhoenacker. Vous savez qui c'est ?
Oui puisqu'elle venue dans "On n'est pas couché", bien avant qu'elle ait son émission sur France Inter. Modestement, ça a contribué à sa médiatisation. Elle n'est pas mauvaise dans un rôle très précis, très France Inter.

Avez vous le sentiment d'être parti d'Europe 1 avec vos auditeurs ?
Oui, sans doute. Mais quand j'étais arrivé, j'avais aussi amené pas mal de fidèles de France Inter. A mon arrivée sur Europe 1, l'audience était quasi-inexistante l'après-midi. On a multiplié la case par 10 en 15 ans. J'en laisse pas mal à Cyril Hanouna, il ne part pas d'aussi bas que quand je suis arrivé. Je lui souhaite vraiment que ca marche. Il n'y a aucune raison que ça ne marche pas.

Comment vous expliquez ses difficultés sur Europe 1 ?
Ce n'est pas mon problème. Il y a de la place pour tout le monde sur l'ensemble des radios. La preuve quand Bouvard faisait les "Grosses têtes", ça marchait très bien pour lui et ça ne nous empêchait pas de progresser, sur un public plus jeune. Aujourd'hui, nous avons rajeuni notre auditoire. A Hanouna de convaincre le public de "Touche pas à mon poste" de l'écouter à la radio. Peut être qu'il devrait être à la radio plus similaire à celui qu'il est à la télé... A mon avis, mais je n'ai pas de conseils à lui donner, il cherche trop à plaire aux adultes. Sur Europe 1, il faut qu'Hanouna fasse du Hanouna.

J'ai une citation à vous soumettre. Qui a dit : "Je trouve Yann Moix sympathique et talentueux" ? Vous avez trois minutes !
Moi ? Léa Salamé ? Il y a plein de gens qui pensent ça !

Non, Eric Zemmour ! Ce parrainage est de mauvais augure ?
Non, tant mieux pour Yann Moix ! Yann ne fera pas l'unanimité, ça été le cas de tous ses prédécesseurs. Tous !

Pourtant, en recrutant Léa Salamé à la rentrée dernière, vous sembliez chercher des profils moins clivants, plus journalistiques...
Clivant mais pas politiquement. Comme Léa Salamé, vous aurez du mal à savoir pour qui il vote. Et ça, ça tranche avec ce que nous avons mis en place depuis la création de l'émission. Il n'y a plus un duo avec un idéologue de droite et un autre de gauche. Mais deux chroniqueurs qui donneront des avis tranchés.

Moix a des avis très tranchés. Vous voulez toujours des moments de tension sur votre plateau ?
Ce n'est pas nouveau, ça. Que ce soit en radio ou en télé, j'ai toujours envie que les invités soient secoués ! C'était déjà le cas avec Gérard Miller quand il démontait un film ou un livre dans "On a tout essayé". Aux "Grosses Têtes", c'est drôle quand ils se chamaillent. Sur le plateau de "On n'est pas couché", je n'aime pas spécialement cela. Je suis plus heureux quand ça se passe bien. On revient toujours sur les clashs mais il y en a maximum 5 par an. Je vous mets au défi de m'en trouver plus cette saison !

Le dernier en date est avec Caroline Fourest qui fustige depuis le fait que vous ne vouliez plus l'inviter...
Je n'ai pas réglé de compte. J'ai rétabli la vérité. Contrairement à ce qu'elle dit, je la défends depuis longtemps. Elle a dû venir sept ou huit fois en huit saisons. Donc je suis surpris qu'elle dise tant de mal d'une émission où elle est venue si souvent. Pour moi, l'affaire est close. Et tous les animateurs de Paris ont des personnalités qu'ils ne souhaitent pas recevoir sur leur plateau. Si je n'avais rien dit, personne ne s'en serait jamais rendu compte...

Elle plaide la bonne foi sur son erreur, expliquant avoir mal compris son avocat. Vous la croyez ?
Pour quelqu'un d'aussi sérieux qu'elle, polémiste professionnelle, je trouve ses excuses un peu légères...

Le passage sur Soizic Corne avec Patrick Sabatier... Aujourd'hui, vous regrettez de ne pas l'avoir coupé au montage ?
Quand je vois les réactions disproportionnées que ça a pris, oui, je regrette de ne pas avoir coupé. C'était malvenu mais pas scandaleux. On reproche aux émissions enregistrées d'être montées au hachoir, et quand on laisse des séquences un peu authentiques, on nous le reproche... Je regrette d'avoir blessée les personnes concernées. Mais ce ne sont pas elles qui ont crié le plus fort.

A Noël dernier, nous vous faisions remplir un quiz en vous demandant ce qui selon vous était "l'échec médiatique de l'année". Vous nous avez laconiquement répondu "L'Emission pour tous"...
On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même ! (rires) Pour ça, ce métier est formidable car un succès efface le reste. Les "Grosses Têtes" m'ont fait oublier "L'émission pour tous". J'ai un petit ange gardien qui a décidé que ça devait s'arrêter rapidement et en fait ce n'est pas plus mal que ça n'ait pas duré. J'ai pu me concentrer sur des choses bien plus épanouissantes !