L'avenir de Libération reste pour l'instant précaire. Comme le rapporte aujourd'hui Le Figaro, le journal perdrait actuellement près de 100.000 euros par mois et n'aurait plus assez de trésorerie pour passer le mois prochain. "Le mois de mars est une échéance cruciale", a ainsi confirmé à nos confrères François Moulias, membre du directoire de "Libé". D'après Le Figaro, une audience devant le tribunal de commerce a eu lieu hier pour faire un point sur la situation financière du quotidien. Le 3 février dernier, le journal avait déjà obtenu un rééchelonnement jusqu'en 2017 de sa dette estimée à 6,4 millions d'euros.
La survie de Libération reste toujours suspendue à la mise en oeuvre d'un plan d'économies de 4 millions d'euros. Mais le week-end passé a largement aggravé une tension déjà palpable entre la direction et la rédaction du journal. Vendredi soir, les journalistes ont ainsi découvert le projet de leurs actionnaires de faire de Libération "un réseau social, créateur de contenus monétisables sur une large palette de supports multimédias" mais aussi de transformer l'immeuble actuel du journal en "un espace culturel et de conférence". Un projet qui a provoqué la colère des salariés, exprimée sans détour dans l'édition de samedi du journal.
La tension est encore montée d'un cran après la révélation samedi par BFM Business d'un email envoyé aux autres actionnaires par Bruno Ledoux, propriétaire de 26% du capital à parité avec Édouard de Rothschild. Dans ce dernier, l'homme d'affaires visait en des termes assez durs ses propres journalistes, expliquant notamment vouloir "rendre ringards tous ces esprits étriqués" et "prendre (...) à témoin tous les Français, qui raquent pour ces mecs".
Des déclarations qui ont mis le feu aux poudres bien que Bruno Ledoux ait tenté d'arrondir les angles dans un entretien accordé à l'AFP. Dans l'édition d'aujourd'hui, les salariés ont ainsi fait part sur deux pleines pages de leur malaise face aux méthodes employées par la direction tout comme ils ont rappelé leur désaccord avec le projet dévoilé vendredi.
Les actionnaires semblent désormais vouloir jouer l'apaisement. François Moulias devrait ainsi rencontrer les syndicats aujourd'hui pour tenter de renouer le dialogue. Un conseil de surveillance se tiendra par ailleurs vendredi 14 février. Dans un éditorial paru lundi, Fabrice Rousselot, le directeur de la rédaction, a appelé pour sa part à "la reprise du dialogue entre les salariés et les actionnaires". Le temps presse.