Les limites au droit à l'information viennent d'être rappelées avec vigueur par la Cour d'appel de Versailles. Hier, le tribunal a condamné le site d'information "Médiapart" à supprimer sous huitaine "toute publication de tout ou partie de la retranscription des enregistrements illicites réalisés au domicile de Liliane Bettencourt". Les enregistrements en question ont entraîné le déclenchement d'une enquête pour abus de faiblesse sur la personne de Liliane Bettencourt, dans laquelle Nicolas Sarkozy est pour l'instant mis en examen.
Les juges de la Cour d'appel ont ainsi estimé que : "l'information du public (...) ne peut légitimer la diffusion, même par extraits, d'enregistrements obtenus en violation du droit au respect de la vie privée d'autrui". Le site d'Edwy Plenel devra donc retirer toutes traces des enregistrements "sur tous supports, électroniques, papier ou autre" ce qui implique également la suppression des extraits qu'il a diffusés sur Dailymotion. S'il ne le fait pas dans les délais, il s'expose à une astreinte de 10.000 euros par jour. "Mediapart" devra par ailleurs verser 20.000 euros de dommages et intérêts à Liliane Bettencourt et 1.000 euros à son ancien gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre. Précisons que l'hebdomadaire "Le Point", qui avait également publié les fameux enregistrements a été condamné à la même peine.
Cet arrêt est jugé "liberticide" et "ubuesque" selon son fondateur, Edwy Plenel, qui a dénoncé hier à l'AFP "un appel à la mort de Mediapart". Le site a d'ailleurs immédiatement réagi en barrant sa Une d'un encart "Censuré". Il est vrai que la décision de la Cour d'appel de Versailles rompt avec le premier jugement rendu par le tribunal des référés de Nanterre.
En première instance, ce dernier avait estimé que la publication des enregistrements, épurés des éléments d'ordre privé, sans lien avec l'affaire d'abus de faiblesse, constituait une "publication d'informations légitimes et intéressant l'intérêt général". "Médiapart" a annoncé son intention de se pourvoir en cassation. Un pourvoi qui n'est de toute façon pas suspensif. En soutien à leurs confrères, les sites "Arrêts sur images" et "Rue 89" se sont dits prêts, hier, à héberger les fameux enregistrements sur leur page respective d'après "L'Express".