Jusqu'au dernier moment, Alain de Greef a été un amoureux de la télévision. Même après avoir été poussé vers la sortie de Canal+ par Vivendi au début des années 2000, l'ex-directeur des programmes de la chaîne cryptée a gardé un oeil avisé sur les nouveaux programmes, les nouvelles chaînes, les nouvelles stars du petit écran. Sur les réseaux sociaux, régulièrement, il analysait les transformations du PAF, passé de 6 à 18 chaînes il y a tout juste dix ans, en mars 2005. Nostalgique de la télé d'avant, celui qui a démarré sa carrière comme chef-monteur à l'ORTF dénonçait régulièrement la mainmise des hommes du marketing sur les programmes ou encore l'absence d'audace du service public.
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Quand des rumeurs ont annoncé la probable arrivée d'Alessandra Sublet le vendredi soir sur France 2, en lieu et place de Frédéric Taddeï, le sang d'Alain de Greef n'a fait qu'un tour. "Le territoire du marketing s'agrandit de jour en jour, celui de la connerie aussi", dénonçait-il. Il rendait hommage à Pierre Desgraupes, le patron d'Antenne 2 à l'époque ayant mis dans la grille des programmes "Apostrophes" ou encore "Les enfants du rock". Malgré les faibles audiences, Pierre Desgraupes "a tenu à garder" ces formats devenus "cultes". Desgraupes a inventé selon lui la télévision "intelligente et populaire qui se foutait du marketing". "C'est quand on est petit qu'il faut segmenter, et de plus en plus, ou on devient un mauvais ersatz de TF1", écrivait-il.
Alain de Greef ne goûtait pas au nouveau "Grand Journal" de Canal+ et ne comprenait pas très bien "la guerre des audiences" dans laquelle l'émission s'est lancée ces dernières années. Il y a dix jours, il écrivait : "Il faut arrêter cette émission, qui assure la promo des politicards au même titre que celle des écrivains, chanteurs et comédiens. Et puis il faudra être créatif pour imaginer un remplacement dans cette compétition de l'audience dans laquelle Canal+ est entrée je me demande bien pourquoi. C'est une chaîne à péage, pas attrape tout façon marketing de grande surface !".
Récemment, Jean-Pierre Coffe a traité Jean-Luc Delarue, l'ancien animateur de Canal+ et France 2 décédé en 2012, de "cuvette de chiottes de gare". Alain de Greef n'a pas apprécié. "Jean Pierre Coffe se répand partout en disant que je n'ai pas tenu ma promesse envers lui, un peu trop facile sans dire de quoi il parle ! En fait il était persuadé qu'il allait succéder à Denisot pour animer 'La Grande Famille', au point qu'il imaginait que je lui avais promis, écrivait-il. Il n'avait sans doute jamais vu le boulot sérieux que faisait Jean-Luc Delarue. Coffe était un des meilleurs chroniqueurs que j'ai eu dans mon groupe, de là à prendre la place que Delarue avait conquise par son boulot et son talent, il y a un fossé monstrueux, que dis-je un fossé, un océan plutôt. Et donc il crache sans discernement sur le pauvre Jean-Luc... La vieillesse est un naufrage !".
Laurent Ruquier et "On n'est pas couché" sur France 2, "une machine à buzz" pour Alain de Greef qui fustigeait il y a peu l'animateur, après ses regrets d'avoir popularisé Eric Zemmour. "Il lui aura fallu dix ans pour s'apercevoir qu'il n'aurait pas dû donner la parole à Eric Zemmour ! Combien de temps lui faudra-t-il pour imaginer ce que pourrait être une émission de service public débarrassée de ces machines à buzz que sont les provocations malsaines de ses chroniqueurs qui pourraient être avantageusement remplacés par des invités qui ont des univers intéressants à faire découvrir ? Y-a-t-il un responsable des programmes sur France 2 ?".
Le drame survenu en début d'année sur le tournage de "Dropped" a aussi inspiré Alain de Greef, dénonçant "la profonde bêtise de ces médias qui nous parlent de rescapés en rajoutant leurs violons sirupeux".
Avec un trait d'humour, Alain de Greef a commenté les provocations de Dieudonné en 2013 et 2014. "Je crois qu'il y a une petite erreur d'ortographe sur le geste cher à Dieudonné, que trop de gens écrivent 'la quenelle' alors qu'en fait il faut écrire "la Connelle". D'ailleurs cette démonstration publique est appliquée par des individus qu'on nomme 'les Gros Cons', ce qui témoigne de la racine linguistique de "la Connelle". Prière de rectifier à l'avenir !".
A l'occasion des 30 ans de Canal+, l'ex-patron des programmes de la chaîne a une nouvelle fois critiqué la prise de pouvoir à Canal+ des "manageurs", qui ont remplacé les créateurs et saltimbanques d'autrefois. "Il reste aussi beaucoup d'espace à la télévision pour des projets culturels originaux. Encore faut-il le vouloir et ce ne sont pas ces 'manageurs' avides de 'marketing' qui peuvent faire ces choses", lâchait-il. Les trois patrons actuels de Canal+, Bertrand Méheut, Rodolphe Belmer et Maxime Saada, tous trois issus de grandes écoles de commerce, avaient sans doute apprécié.