L'Etat doit-il prendre en charge une partie des coûts générés par la sécurisation des locaux de "Charlie Hebdo" ? Invité de la matinale d'Europe 1, Manuel Valls y est favorable. "Je pense qu'il faut que le ministre de l'Intérieur réfléchisse à l'interpellation qui est faite par la rédaction de 'Charlie Hebdo'", a ainsi estimé l'ancien Premier ministre. "Il y a un vrai sujet et le coût de la sécurité, qui est insupportable pour une rédaction, dépasse l'entendement. Il faut sans doute que l'Etat regarde de près cette demande", a ajouté Manuel Valls.
Au début du mois, à l'occasion du troisième anniversaire de l'attaque qui a décimé ses rangs, la rédaction de "Charlie Hebdo" a publié un numéro spécial évoquant notamment le coût de sa sécurité. A la Une, l'entrée d'un bunker, accompagnée de ce titre évocateur : "Trois ans dans une boîte de conserve". Dans son éditorial intitulé "Liberté d'expression, combien ça coûte ?", le directeur de la rédaction, Riss, expliquait pour la première fois comment était organisée et financée la sécurité des locaux de l'hebdomadaire, faisant par là-même un appel du pied à la puissance publique.
Pour assurer sa sécurité depuis l'attaque, "Charlie Hebdo" a déménagé dans des locaux ultra-sécurisés (sas, blindage, panic room...) et a recours aux services d'une société privée, "payée par les ressources financières du journal" pour assurer la protection de ses locaux et de ses salariés. La sécurité de certains membres du journal est assurée par le SDLP, le Service de la protection de la police nationale. "Cette protection est financée par les impôts auxquels nous contribuons tous, y compris ceux que 'Charlie Hebdo' paye au titre de l'impôt sur les sociétés", rappelait Riss.
Même s'il concédait que son journal dispose d'une trésorerie importante, fruit des ventes exceptionnelles générées en 2015, Riss soulignait qu'elles ne seront pas éternelles. "Qu'arrivera-t-il à 'Charlie Hebdo' le jour où ces réserves seront épuisées, après avoir été dépensées pour la protection des locaux du journal ?", s'émouvait-il.
"Chaque semaine, au moins 15.000 exemplaires, soit près de 800.000 exemplaires par an, doivent être vendus uniquement pour payer la sécurisation des locaux de Charlie Hebdo", écrivait le directeur de la rédaction dans son édito, évaluant l'ensemble des coûts de protection du journal entre 1 et 1,5 million d'euros par an. Et de poser cette question : "Est-il normal pour un journal d'un pays démocratique que plus d'un exemplaire sur deux vendus en kiosque finance la sécurité des locaux et des journalistes qui y travaillent ?".
Au cours de ce même entretien, Manuel Valls est également revenu sur sa vive réaction à un article des "Inrocks" intitulé "L'alcool pourrait causer des dommages génétiques irréversibles" avec en illustration une photo de Manuel Valls. "Ça n'était pas de l'humour, il n'y avait aucun trait d'humour, aucune indication que c'était de l'humour. Tout le monde ne l'a pas ressenti comme tel", a estimé le député.
"Que la rédaction des 'Inrock', c'est ainsi, ne soit pas en accord avec les prises de position qui sont les miennes, je le conçois tout à fait. Que l'on se moque, que l'on me caricature, je le conçois, c'est nécessaire et je me bats pour défendre la liberté d'expression et de caricature, mais le mauvais goût et me lier à l'alcoolisme, surtout moi - j'aime beaucoup le vin mais modérément -, là, ça n'était pas au niveau", a-t-il déploré, rappelant avoir publié ce weekend "une caricature sévère, féroce de 'Charlie Hebdo' à (s)on égard".