Soirée débat jeudi soir sur LCI. Comme sa grande soeur TF1 et la radio RTL, la chaîne info diffusera le premier débat de la primaire de la droite et du centre à partir de 21h. Pour l'occasion, LCI a décidé de déployer un dispositif antenne et digital d'envergure afin d'événementialiser cette soirée politique stratégique. Thierry Thuillier, tout nouveau directeur général de LCI, a accepté de le présenter à puremedias.com. L'occasion de revenir avec lui sur les récentes polémiques autour du recours au breaking news de sa chaîne mais aussi de la promotion de LCI sur les autres antennes du groupe TF1.
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
Qu'a d'original le dispositif mis en oeuvre jeudi soir ?
Thierry Thuillier : Il y a plusieurs choses. Nous proposons tout d'abord une soirée entière autour de ce premier débat de la primaire. A partir de 20h, un before durant lequel nous serons notamment dans les coulisses avec deux caméras pour pouvoir raconter un peu ce qu'il se dit et se passe quelques minutes avant le début du débat. Autour d'Audrey Crespo-Mara, plusieurs experts décrypteront également les enjeux de la soirée : Arlette Chabot (LCI), Nathalie Schuck ("Le Parisien") Mathieu Croissandeau ("L'Obs") ou encore Geoffroy Lejeune ("Valeurs Actuelles"). Pour l'after, Julien Arnaud rejoindra Audrey et nous aurons toujours ces mêmes personnes et, comme nous faisons partie du groupe TF1, nous aurons aussi accès au plateau et à ses intervenants. La grosse singularité pour cette partie sera Nicolas Canteloup en guest star. Il viendra débriefer à chaud le débat. C'est une première sur une chaîne d'information et on en est ravi !
C'est votre idée ?
C'est une idée commune aux programmes et à l'info. On l'a poussée et Nicolas et son producteur, Jean-Marc Dumontet, l'ont ensuite acceptée. C'est une très belle nouvelle pour nous. Cela nous permet de donner une aspérité qu'on n'a pas forcément sur une chaîne info. On proposera donc une offre très complète, à la fois sur le fond et sur la forme.
Comment va se passer concrètement ce débrief à chaud et en direct de Nicolas Canteloup ? Ce côté "sans filet" vous fait-il peur ?
Non, il ne me fait pas peur. Comme le public, je pense que ça stimule la curiosité, ça donne envie de le voir. J'ai pleine confiance en Nicolas et en son expérience même si en effet, il s'agira d'un exercice sans filet, pour lui en premier lieu d'ailleurs. Concrètement, il débriefera à sa façon et en direct ce débat, quelques minutes seulement après sa conclusion. Il sera en plateau, à côté, dans un petit endroit qu'on est en train d'habiller, et avec un public qui réagira. Du moins je l'espère (rires).
Et pendant le débat, quelle singularité sur LCI ?
Pendant le débat, nous allons remonter les tweets de réaction - modérés bien sûr - au hashtag de la soirée. Cela nous permettra ensuite de nourrir le débat de l'after. Sur le digital, on a aussi un dispositif ambitieux autour de LCI.fr et de l'application GOV avec qui nous avons passé un partenariat.
Qu'est-ce que GOV ?
GOV est une plateforme qui existe depuis à peu près trois ans et qui compte près de 100.000 utilisateurs. C'est donc une communauté assez puissante. L'idée est d'abord d'avoir leur appréciation sur le débat et les performances de chacun des candidats. Ca n'aura pas valeur de sondage et ne produira pas un véritable classement. Cela donnera juste la vision d'une communauté et une indication à chaud. On aura aussi sur quelques items, des réactions de cette même communauté sur les propositions des différents candidats qui permettront de nourrir le débat.
Le recours à ce dispositif est un moyen de ramener un autre public vers la politique ?
Oui, GOV est une communauté un peu plus jeune. L'idée est de s'adresser à des publics qui ne sont pas forcément ceux qui regarderont le débat à la télévision.
Quel pronostic d'audience pour cette soirée ?
C'est très difficile à dire, car c'est une première ! La réussite se joue avant tout sur le plan éditorial. LCI doit utiliser tout son potentiel à l'antenne et sur le digital. Nous devons faire vivre cette soirée de l'intérieur et être en capacité d'en tirer les leçons. Canteloup c'est une première sur une chaîne d'info. C'est intéressant d'expérimenter ce pas de côté. Notre enjeu, c'est également de donner du sens à cette soirée, d'apporter notre expertise.
Vous êtes arrivé en août dernier sur LCI. Quel premier bilan faites-vous ? Les deux temps forts que vous avez voulu créer, la matinale et l'access, vous satisfont-ils ?
En global, quand on regarde l'audience en septembre, on ne peut être que satisfait du résultat. Pour faire court, l'audience en clair était entre avril et juin à 0,2% et est en septembre à 0,4%. Avec des aspérités fortes, notamment le 18h-20h avec "24 heures en questions" d'Yves Calvi, qui s'est installé plus rapidement que je ne l'imaginais moi-même. On est parti de 80.000 téléspectateurs, on était à 180.000 téléspectateurs en moyenne hier (l'interview a été réalisée mardi, ndlr) avec une pointe à 300.000 téléspectateurs. On fait entre 1 et 1,2 point de PDA, soit bien plus de deux fois la moyenne de la chaîne. Forcément, c'est extrêmement précieux pour la chaîne d'avoir une émission comme celle d'Yves Calvi.
Sur la matinale, on est très content aussi. C'est par nature une case très compliquée qui, entre les radios et les télés, est extrêmement concurrentielle. Nous avons voulu créer, et ce avant même mon arrivée, une matinale collective, une "team", ce qu'on appelle un "chorus" dans notre jargon. L'idée était de créer une ambiance sympa en plateau. Nous trouvons que François-Xavier (François-Xavier Ménage, son animateur, ndlr) a réussi à créer cette mayonnaise en un temps très réduit. Nous espérons après en recueillir les fruits d'audience petit à petit. Pour une chaîne info, la matinale est importante. On progresse et il faut qu'on continue à le faire.
Pour une chaîne info, n'est-ce pas inévitablement le breaking news qui permet de franchir un cap d'audience ?
C'est la question qu'on me pose souvent. Comme vous le savez, la convention est très contraignante là-dessus. Nous avons proposé au CSA lors de notre demande de passage en clair un projet éditorial différent de ce qu'offrent les autres chaînes d'info en continu. J'ai d'ailleurs pris comme un hommage la lettre d'Alain Weill qui nous a trouvé très percutant sur la démission d'Emmanuel Macron et le burkini. De la part d'un grand professionnel comme Alain Weill, c'est un bel hommage au professionnalisme des équipes de LCI. On a défendu nos choix devant le CSA concernant ces deux évènements. Nous l'assumons à 100%. Une chaîne d'information doit par définition être là où ça se passe. Si ça doit passer par un "break", ça passe par un "break".
Vous ne considérez donc pas que vous êtes sorti des clous dans ce domaine ?
Non, je ne le pense pas. Nous faisons notre travail dans la mesure des quotas qui nous sont imposés, soit 18 minutes de JT en moyenne chaque heure et 30% de magazine. On est parfaitement dans les clous. On fait même un peu moins de 18 minutes grâce à des tranches où il n'y a pas de JT comme durant le 18h-20h d'Yves Calvi où le dernier JT est à 18h. Il n'y a ensuite pas de JT à 19h ni de rappel des titres à 18h30 et 19h30. C'est moi qui l'ai décidé car je concevais ce talk comme un micro-magazine de chaîne généraliste. Ca sera ça notre singularité. Nous, notre rôle n'est pas de breaker à tout bout de champ.
De nombreux observateurs ont pourtant vu immédiatement votre patte lorsque LCI est passée en breaking news sur Emmanuel Macron...
Je sais mais on ne prête qu'aux riches ! Il faut aussi voir ma patte dans le choix de privilégier le talk aux journaux dans la tranche d'Yves Calvi par exemple. Il y aura de nombreux moments où LCI ne ressemblera en aucune manière aux autres chaînes info.
Le groupe TF1 a tenté de promouvoir LCI sur ses autres antennes avant de renoncer après s'être fait taper sur les doigts par le CSA. Le corset règlementaire dans lequel la chaîne a accepté de rentrer pour passer en gratuit est-il déjà trop étroit ?
Non. Sur la promotion croisée, c'est un sujet particulier. La convention signée avant mon arrivée l'a été dans un certain contexte. Si on n'ignorait pas la possible arrivée de franceinfo, on ne savait pas quelles seraient les conditions de son lancement. Ce dernier a finalement été massivement relayé sur toutes les antennes du groupe France Télévisions mais également les antennes de Radio France. Nous, on ne peut même pas se référer au service LCI, même sans citer le canal de diffusion. Encore une fois, ces conditions ont été proposées dans un certain contexte qui a depuis changé. C'est donc normal que le groupe ait questionné le CSA sur ce point.
Et qu'il ait tenté malgré tout de faire cette autopromotion ?
Il y avait une zone d'interprétation dans laquelle nous sommes allés. Le CSA nous a dit : "Ce n'est pas la bonne interprétation". Puisque ce n'était pas la bonne interprétation, on leur a demandé de réfléchir avec nous à un cadre nouveau, compte tenu des éléments neufs entourant le lancement de la chaîne franceinfo. C'est ça qui est en cours actuellement.
Vous conviendrez que vous n'avez peut-être pas mis le CSA dans les meilleures dispositions sur ce dossier...
Nous, nous sommes dans la défense d'une chaîne qui revient de loin et qui doit pouvoir travailler normalement et correctement. Tout ça a été mis ensuite entre les mains du CSA qui a pris ses décisions. Ensuite, nous avons demandé une réflexion commune sur une évolution de la convention ou plutôt de l'interprétation de la convention. L'idée, encore une fois, est de pouvoir développer cette chaîne dans des conditions qui soient à peu près correctes compte tenu de l'évolution du marché.
Vous avez fait venir Eric Monier, un ancien de France 2, à LCI. A quand la venue de David Pujadas (dont Thierry Thuillier était un proche à France 2) ?
(Rires) Patientez ! On va déjà essayer de le faire venir dans la "Médiasphère (l'émission média de LCI, ndlr) déjà ! (rires) Plus sérieusement, concernant Eric Monier, il a été un excellent directeur de la rédaction de France 2. Avec lui, on a réformé les journaux de France 2. Il était disponible et j'ai considéré qu'il pouvait être un excellent directeur de la rédaction pour mener à bien ce nouveau défi qui demande une refonte du modèle de la chaîne info avec un cadre de breaking un peu moins fréquent. On va ressembler davantage à un chaîne qui va produire des magazines, du temps long et moins une chaîne "tout info". Eric, il a une patte, une connaissance de ce type de formats et ça m'intéresse donc de l'avoir à mes côtés.
Quel regard jetez-vous sur la chaîne franceinfo montée notamment par vos anciens collègues de France Télévisions ?
Il y a des choses intéressantes. Ils ont poussé le curseur assez loin. Je le connais ce curseur puisque les produits digitaux qui sont à l'antenne avait été présentés à l'époque de francetvinfo (l'ancien site info de France Télévisions, ndlr). La décision a été prise de les porter à l'antenne. C'est forcément intéressant. Après, est-ce le public d'une chaîne de télé sur un canal comme celui de BFM, iTELE ou LCI ? C'est une vraie question. C'est un pari. Après, moi je considère que si on veut émerger, il faut être très singulier. La singularité de franceinfo se porte davantage sur les formats que sur la rythmique. Nous à LCI, on va essayer d'aller chercher cette singularité à la fois sur la rythmique et sur les formats avec de nouveaux rendez-vous forts qui restent à construire. Ca sera un travail brique après brique.