"Nous allons vous crever, nous avons mis une bombe dans votre journal, vous allez sauter". L'hebdomadaire local "Le Poher", dont le siège est implanté à Carhaix (Finistère), a été la cible, ce lundi 20 février 2023, de "nouvelles menaces de mort par téléphone et d'une alerte à la bombe", a annoncé Erwan Chartier-Le Floch, rédacteur en chef du journal qui couvre l'actualité du Centre-Bretagne. Cette menace a été prise très au sérieux par les enquêteurs : elle a requis l'intervention de la gendarmerie de Carhaix ainsi que d'un chien renifleur d'explosif pour sécuriser le bâtiment qui abrite la rédaction, relatait, hier, "Ouest France", précisant au passage qu'aucun explosif n'a été détecté.
Cette offensive est la troisième en moins de trois semaines et une plainte a été déposée. Le mardi 31 janvier 2023, le rédacteur en chef du "Poher" avait reçu un mail indiquant, notamment : "Chartier, on va te crever et te jeter dans une fosse avec les négros que tu aimes tant". Huit jours plus tard, le mercredi 8 février 2023, la personne chargée de l'accueil a répondu à un appel téléphonique tout aussi inquiétant. Au bout du fil, "une voix masculine demande à parler au rédacteur en chef, Erwan Chartier-Le Floch, et ajoute : 'À quelle heure je peux passer lui mettre une balle dans la tête ?' Avant de raccrocher, l'individu menace du même sort la salariée", racontait Erwan Chartier-Le Floch le 14 février dernier. Ces épisodes ont tous deux fait l'objet d'un dépôt de plaintes respectivement enregistrées les 31 janvier et 10 février par la gendarmerie de Carhaix.
L'origine supposée de ces menaces, "particulièrement dans leur dimension raciste", a été identifiée par Erwan Chartier-Le Floch. Elles "semblent provenir de la mouvance de l'ultradroite, en lien, essentiellement, avec les événements survenus à l'automne 2022 à Callac (Côtes-d'Armor)", a-t-il recontextualisé. La rédaction du "Poher" avait, en effet, couvert le samedi 5 novembre 2022 la double manifestation - des partisans d'un côté et des opposants de l'autre - relative à un projet d'accueil de réfugiés à Callac. Projet finalement abandonné, sous la contrainte, par la mairie le 11 janvier dernier.
Cet écho donné à ces manifestations de novembre n'a pas été du goût de la mouvance de l'ultra-droite Résistance Républicaine, qui dans un article publié sur son site évoquait le rédacteur en chef du "Poher" dans des termes injurieux, souligne France 3 Bretagne. "Nous avons porté plainte le 30 janvier contre les responsables des injures : Bernard Germain, candidat aux législatives de 2022 du parti Reconquête à Lannion-Paimpol, et Christine Tasin (responsable du site internet, ndlr). Dès le lendemain les menaces ont débuté", affirme le journaliste, inquiet, par ailleurs, de voir que son portrait ainsi que celui de la cheffe d'édition, Faustine Sternberg, ont été publiés sur deux sites de cette mouvance, Riposte laïque et Résistance républicaine.
Depuis le 31 janvier, Erwan Chartier-Le Floch s'est réjoui des nombreuses manifestations de soutien de lecteurs du journal et de personnalités politiques, a-t-il écrit hier. Plus de 50 éditeurs et médias bretons, les syndicats de journalistes, des clubs de la presse, l'IUT de Lannion et Science Po Rennes ont signé, ce mardi 21 février 2023, une tribune de soutien au "Poher" et à tous les journalistes inquiétés par l'extrême droite.
"S'attaquer au 'Poher', c'est s'attaquer à toute la profession", a résumé le Syndicat national des journalistes dans un communiqué. Les journalistes du "Poher" ne sont en effet pas les seuls, en Bretagne, à avoir fait l'objet de menaces. "Une journaliste de la rédaction Iroise à Brest a fait l'objet d'intimidation sur les réseaux sociaux à la suite de la publication, le 8 février dernier sur le site internet de France 3 Bretagne, d'un article évoquant factuellement les menaces de mort reçues par le rédacteur en chef de l'hebdomadaire Le Poher, à Carhaix", a écrit le 17 février France Télévisions dans un communiqué interne.
"La journaliste ainsi que la direction de France 3 Bretagne ont porté plainte", est-il précisé. Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, avait apporté son "soutien sans faille" à la journaliste concernée. "Nous ne laisserons pas passer les attaques de ces groupuscules qui menacent la liberté de la presse".