Interview
"Top Chef" 2015 : La production présente les nouveautés et évoque les erreurs passées
Publié le 26 janvier 2015 à 11:40
Par Charles Decant
Ce soir, M6 lance la sixième saison de son concours culinaire. Entretien avec Matthieu Bayle de Studio 89 pour évoquer les évolutions du format et les nouvelles attentes du public.
"Top Chef" 2015 : Quelles évolutions ? "Top Chef" 2015 : Quelles évolutions ?© M6/Olivier
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La production de "Top Chef" a appris de ses erreurs. Ce soir, M6 et Studio 89 dévoilent la saison 6 du concours culinaire réservé aux professionnels. Et l'émission va tenter de reconquérir les téléspectateurs déçus par les excès des saisons passées. Fini les épreuves à rallonge, oubliée l'épreuve de la dernière chance baclée, exit les fins d'émissions après minuit, et repositionnement sur la cuisine et le partage - mais heureusement pas au détriment du concours, comme puremedias.com avait pu le constater lors de la prestation de la saison aux journalistes.

A quelques heures du premier épisode, Matthieu Bayle, directeur des programmes de Studio 89 Productions, revient pour puremedias.com sur ces évolutions, sur le pari "Objectif Top Chef" et les nouvelles attentes du public face aux émissions culinaires.

Propos recueillis par Charles Decant.

Première chose qu'on remarque en regardant le nouveau "Top Chef", c'est que la voix off est assurée par les chefs !
Oui, c'est quelque chose de complètement nouveau ! Avant, on avait une voix off qu'on utilisait très peu, et elle était purement informative, pour expliquer les mécaniques des épreuves, qui étaient parfois un peu complexes d'ailleurs. Ca, on l'a supprimé.

Du coup, ça accompagne votre nouveau positionnement, qui est de proposer l'émission du point de vue des chefs, en entendant aussi ce qu'ils pensent...
C'est exactement ça. C'est de pouvoir être dans la tête des grands chefs quand ils nous parlent de cuisine. Il y a des choses qu'ils disent, qu'on voit en live quand ils parlent avec les candidats, il y a des interviews des chefs, qui nous disent ce qu'ils en pensent, et de temps en temps, il y a ces petits appartés confidences qui sont sur le mode de la voix off, où ils nous disent le fond de leur pensée et souvent les doutes qu'ils émettent sur les partis pris des candidats. Pour nous, ça amène une perception nouvelle. On a vraiment l'impression que le point de vue des chefs est un fil rouge dans l'épreuve. Tout d'un coup, on raconte une histoire, c'est le chef qui porte l'épreuve et il est bien placé puisqu'il est au contact des candidats.

"Aujourd'hui, on a envie d'aller droit au but"

Cette voix off assurée par le chef, c'est un format qui fonctionne bien dans "Cauchemar en cuisine". Ca vous a influencé ?
Il n'y a pas de lien direct, mais ce qui est sûr, c'est que c'est quelque chose qu'on a expérimenté dans "Cauchemar en cuisine" et dans "Objectif Top Chef". Il se trouve qu'il a aujourd'hui un petit peu plus un peu plus d'expérience dans ce domaine-là, alors que c'est un exercice tout nouveau pour Hélène Darroze, Michel Sarran et Jean-François Piège. Mais ça s'est imposé parce que ça propose ce point de vue incarné de quelqu'un. Plus on insiste sur des codes télévisuels de voix off, de présentateur, de tableau explicatif, de sommaire etc, je ne dis pas qu'on ennuie les gens... Mais je pense qu'aujourd'hui, on a envie d'aller droit au but. Si on regarde "Top Chef", c'est pour voir de la cuisine, ce n'est pas pour qu'on nous parle pendant des heures. On a besoin de discours pendant la cuisine, mais avant et après, l'histoire, on la connaît.

On a parfois dit dans l'univers des télé-crochets que les jurés étaient plus importants que les candidats. Vous n'avez pas peur de produire le même résultat dans "Top Chef" en mettant à ce point l'accent sur les chefs ?
Le programme, c'est précisément l'équilibre entre les deux. Un nouveau casting dans "Top Chef", c'est aussi une promesse très forte. Les candidats ont toute leur place, ils ont des personnalités très différentes, on a insisté cette année sur des signatures de cuisiniers différentes. Mais il fallait redonner ses lettres de noblesse au décryptage des professionnels sur la cuisine. Quand Michel Sarran, Hélène Darroze, Philippe Etchebest ou Jean-François Piège donnent leur avis, c'est un avis privilégié. Ils ne doivent pas faire d'ombre aux candidats, mais ils n'en font pas. Avant, le programme reposait à 100% sur les candidats, aujourd'hui on est sur un 50/50 qui fonctionne très bien.

"Les épreuves à tiroirs ont atteint leurs limites"

Et donc les épreuves seront plus simples ?
Oui, les mécaniques d'épreuves se sont considérablement simplifiées, donc on n'a plus besoin de voix off pour expliquer que le quatrième de l'épreuve ferait un défi séparément, qui lui permettrait de se qualifier pour la quatrième émission... Tout ça, on a abandonné pour revenir à quelque chose d'extrêmement simple : un pitch culinaire concernant, un temps d'épreuve et basta.

Vous étiez allé trop loin dans ces épreuves dans l'épreuve ?
Les épreuves à tiroirs ont atteint leurs limites. Ca amenait des enjeux, ne minimisons pas ! "Top Chef" a beaucoup été écrit avec des enjeux du concours. Mais peut-être qu'à un moment donné, trop d'enjeux tuent l'enjeu. Ce qu'on s'est dit, c'est que, autant, sur les premières saisons de "Top Chef", il fallait des choses un peu maousse costaud - c'était le premier concours de cuisine réservé aux professionnels, il fallait un peu marteler les codes du concours. Aujourd'hui, "Top Chef", on connaît le format, on connaît la marque, on connaît la mécanique, on sait qu'il n'y a qu'un seul gagnant. On n'a plus besoin de répéter ça à longueur d'épreuve. Donc on a pris le parti de parler un peu plus de cuisine, un peu moins du concours.

Il y a un an et demi, vous aviez dressé le bilan de "Top Chef" saison 4 pour puremedias.com et reconnu que pour tenir trois heures de programme, il fallait "créer du contenu". Est-ce que l'arrêt des épreuves alambiquées vous a fait gagner du temps pour cette saison 6, ou est-ce que c'est une volonté de raccourcissement qui a conduit à leur arrêt ?
Quand on dit que "Top Chef" a un peu inventé une nouvelle manière de parler de cuisine, ça vaut à tous les niveaux. Bien sûr dans la forme - certains de vos confrères parlaient de "la cuisine filmée comme un thriller". Et je pense que même la durée avait ce côté "la soirée Top Chef", il fallait un spectacle complet. La durée faisait partie du package, et ça a très bien fonctionné pendant des années. Mais c'est un peu comme en cuisine : quand vous mangez un bavarois, au bout d'un moment si la meringue est un peu trop grosse, vous la mangez, mais après, c'est un peu indigeste. Je crois que le programme était peut-être devenu un peu indigeste. Donc on a voulu faire plus court. Les épreuves font la même durée que les anciennes, elles sont juste plus simples. La vraie différence, c'est que cette année, il y a trois épreuves par prime, là où il y en avait quatre l'an dernier.

"On est revenu à la dernière chance telle qu'elle était en saisons 1 à 4"

Maintenant que les chefs sont en cuisine pendant toute l'épreuve, c'est peut-être un peu plus difficile pour des candidats de se lâcher pendant qu'ils cuisinent. Du coup, comment on leur fait exprimer certaines choses ?
Ce qui est sûr c'est que, quand Philippe Etchebest est au dessus de votre épaule, vous la fermez. Après, quand il est sur un autre candidat, si vous avez quelque chose à dire, vous pouvez le dire. Tout ça est quand même bienveillant et bon enfant !

Certains téléspectateurs soupçonnent du favoritisme sur certaines épreuves. Est-ce que vous avez fait plus attention cette année sur les tirages au sort des équipes, sur les dégustations à l'aveugle... ?
Pas trop, non. "Top Chef" a toujours été relativement équilibré. Quand on sépare notre casting en deux groupes, avec deux épreuves, on essaie que l'enjeu des deux épreuves soit équilibré, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas cinq candidats sur six qui soient qualifiés d'un côté et un candidat sur quatorze qui passe. Après, le contenu des épreuves varie, mais il faut savoir s'adapter à n'importe quel pitch culinaire.

Qu'en est-il de la dernière chance ?
On a conservé le format tel qu'il était dans les quatre premières saisons. Les candidats les moins bons des deux premières épreuves sont envoyés en dernière chance, qui est toujours une épreuve jugée à l'aveugle. Il y a une élimination par émission, et elle est toujours décidée à l'aveugle par les membres du jury.

Et elle retrouve donc sa durée d'origine ?
Oui ! On a tenté quelque chose l'année dernière, on avait des raisons de le faire. A l'évidence, ce n'était pas très efficace, même moi je le concède... Donc on est revenu à la dernière chance telle qu'elle était avant. Cette année, elle prend une couleur intéressante parce que les chefs sont très présents sur les autres épreuves. Résultat, quand les candidats se retrouvent complètement tout seuls sur la dernière chance, ils sont presque un peu perdus, seuls avec leur cuisine.

"L'alchimie entre les chefs n'était pas acquise !"

La bonne entente des membres du jury, qui saute aux yeux dès qu'on voit les premières images du programme, c'était une bonne surprise ou vous avez travaillé spécifiquement là-dessus ?
On a voulu recréer une synergie entre les quatre membres du jury. Il y a des épreuves où ils travaillent ensemble en équipe, d'autres où il y a un combat des chefs, chacun a une équipe qu'il défend. Il y a aussi des épreuves portées par un seul chef, qui invite des chefs extérieurs. On s'est amusé avec ce jury, parce qu'on voulait qu'ils s'amusent. Ce n'était pas gagné ! Ils se connaissent tous plus ou moins, la haute gastronomie n'est pas un très grand milieu, mais l'alchimie n'était pas acquise !

A l'issue de la saison précédente, j'ai cru entendre que vous aviez peur de surexposer la marque avec "Objectif Top Chef". Finalement, ça s'est plutôt bien passé !
Oui, c'est l'un des succès de la rentrée sur M6. On aurait pu tout arrêter si on pensait qu'il n'y avait pas quelque chose de vraiment intéressant à proposer. Mais on savait qu'on n'allait pas proposer un mini-"Top Chef" en quotidienne. D'abord, parce qu'on ne regarde pas la télé de la même manière en access en quotidienne qu'en prime une fois par semaine. On voulait quelque chose de plus frais, de plus convivial, de plus décontracté, ce chef qui part à travers la France. Il y a quelque chose d'assez moderne là-dedans. On s'est dit que ça valait le coup d'y aller et que si ça marchait, ce serait plutôt bon signe parce que c'était dans ce sens-là qu'on voulait travailler sur la nouvelle saison.

Mais si ça n'avait pas trop marché, la marque était ternie...
C'est sûr que c'était un risque à prendre. Si le programme s'était complètement vautré, on aurait quand même fait "Top Chef", mais on se poserait beaucoup, beaucoup de questions sur les choix qu'on a faits. Là, on est un peu plus rassurés.

En termes de durée de l'émission, en nombre d'émissions, la question s'est-elle posée de raccourcir "Top Chef" ? On sait que "The Voice" a réduit la voilure après avoir proposé 18 primes et 5 primes "The Voice Kids" en 2014. Ce sera le cas pour "Top Chef" ?
On s'est posé la question... Mais je ne peux pas trop vous en parler !

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