Moins de deux semaines après Nonce Paolini, c'était au tour de Nicolas de Tavernost de passer hier son grand oral devant les neuf Sages du CSA. Le PDG du groupe M6 venait défendre son projet de passage sur la TNT gratuite de sa chaîne Paris Première. Pour convaincre les membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le PDG a d'abord tenu à brosser un tableau très sombre de la situation actuelle de la chaîne créée en 1986. A l'en croire, la TNT payante est désormais "une impasse" mettant en danger Paris Première.
Tout d'abord, la chaîne est plombée par la baisse annoncée de la redevance versée par les distributeurs. Nicolas de Tavernost n'a ainsi pas hésité à lire à haute voix certains courriers reçus de plusieurs fournisseurs d'accès à Internet pour prouver la volonté de ces derniers de réduire l'argent versé chaque année pour la diffusion de Paris Première.
A cela s'ajoute selon lui un fort appauvrissement de l'offre de chaînes disponibles sur la TNT payante. Et le PDG de M6 de citer la défection de AB1 en 2008, de Canal J en 2009, le possible passage de LCI en gratuit ou encore la vente récente par TF1 d'Eurosport à Discovery qui signe "l'arrêt de mort de la TNT payante". "Je ne peux pas être le dernier Japonais sur l'île de la TNT payante" a résumé Nicolas de Tavernost. Ce dernier a enfin indiqué que l'autre pilier financier de Paris Première après la distribution, la publicité, était lui aussi en péril. Paris Première aurait ainsi vu ses recettes publicitaires passer de 13 millions d'euros en 2011 à 7 millions prévus en 2014.
En danger économiquement, Paris Première aurait donc besoin de changer d'environnement pour assurer sa survie. Interrogé sur une éventuelle fermeture de Paris Première en cas de non-passage sur la TNT payante, le patron du groupe M6 a confirmé cette hypothèse. "Le groupe M6 ne peut pas supporter des déficits qui seraient définitivement structurels" a-t-il annoncé. Il a cependant refusé d'agiter la menace d'éventuels licenciements, souhaitant visiblement se démarquer ainsi de TF1 dans le dossier LCI. "Je déteste le chantage à l'emploi. Nous assumons nos responsabilités" a-t-il affirmé, laissant entendre que le groupe M6 reclasserait l'ensemble des salariés de Paris Première.
Pour convaincre les Sages du CSA de faire passer Paris Première en gratuit, Nicolas de Tavernost a ensuite mis en avant, comme Nonce Paolini avant lui, l'impact "très limité" qu'aurait le passage en clair de sa chaîne. "C'est une chaîne atypique qui ne fragilisera pas le marché de la TNT, qui évoluera en outre sur un marché en croissance, le marché du haut de gamme (assurances, services financiers, parfums, ndlr)" a-t-il ainsi fait valoir. Les dirigeants de Paris Première ont également insisté sur son offre atypique de programmes. Le patron de la chaîne, Jérôme Bureau, a souligné "la singularité de l'offre éditoriale" de Paris Première avec du spectacle vivant, de la mode, des films classiques, des documentaires et des magazines culturels comme "Ça balance à Paris". Il a aussi pris l'engagement d'accentuer cette spécificité en cas de passage sur la TNT gratuite en doublant notamment les investissements dans la production patrimoniale (fiction, documentaire) mais aussi le nombre d'heures de spectacles vivants diffusées chaque année.
Nicolas de Tavernost a par ailleurs annoncé qu'il comptait investir 30 millions d'euros par an dans la grille de Paris Première contre 15 millions actuellement. Selon le plan d'affaires présenté hier, la chaîne devrait gagner à l'horizon 2019 1 point d'audience, passant de 0,4% de part d'audience sur les quatre ans et plus à 1,4%. Cette progression devrait lui permettre de voir son chiffre d'affaires publicitaire passer pour sa part de près 7 millions d'euros actuellement à environ 50 millions en 2019.
Tout comme Nonce Paolini il y a deux semaines, Nicolas de Tavernost a souvent montré des signes d'agacement au cours de ses 2h30 d'audition. Il a par exemple semblé particulièrement irrité par plusieurs questions de Françoise Laborde. A tel point que la conseillère lui a lancé, alors qu'elle lui posait une nouvelle question : "Ne me regardez pas comme ça, Monsieur le Président, vous avez l'air énervé". "Je vous regarde avec admiration et respect " a alors répondu Nicolas de Tavernost avec ironie.
Certaines questions d'autres membres du Conseil ont aussi été parfois mal prises par le PDG de M6. Le président du CSA, Olivier Schrameck, a ainsi cru bon de préciser à un moment de l'audition : "Nos interrogations ne sont pas des critiques". Difficile de dire si cette ambiance parfois tendue aura ou non des conséquences sur la future décision des Sages du CSA. Réponse cet été.