En début de semaine, tous les salariés de France Inter ont fait leurs cartons pour déménager. Seul Philippe Val n'a pas réintégré la Maison de la radio puisqu'il a quitté la direction de la station, remplacé depuis hier par son ancienne adjointe Laurence Bloch.
Ce départ n'est pas vraiment une surprise tant l'homme était proche de Jean-Luc Hees. C'est même lui qui, en 2009, aurait soufflé le nom de l'ancien journaliste aux oreilles de Nicolas Sarkozy qui cherchait alors une figure de la maison ronde pour en prendre les commandes. En cinq ans, l'ancien patron de "Charlie Hebdo" est loin d'avoir fait l'unanimité. Son style et son dilettantisme n'ont jamais été très appréciés en interne. Les salariés n'ont jamais réussi à faire confiance à celui qui a licencié les humoristes Stéphane Guillon et Didier Porte au début de son mandat.
C'est par un mail à l'ensemble des salariés de France Inter que Philippe Val a confirmé hier soir son départ de la station. Celui-ci débute par une citation, évidemment ironique, de Serge Gainsbourg : "Je suis venu vous dire que je m'en vais. Et vos larmes n'y pourront rien changer...". Avant de saluer ses plus proches collaborateurs et de souhaiter bonne chance à ses anciens salariés pour la suite, Philippe Val règle quelques comptes. "J'ai une pensée émue pour ceux qui ont tant aimé me détester. Je sais à quel point je vais leur manquer, d'autant que, doté –hélas– d'une mémoire faillible, je ne peux leur offrir comme consolation la promesse que je ne les oublierai pas", écrit-il avec un zeste d'amertume qui tranche dans un exercice habituellement beaucoup plus laconique.
"Chères toutes et chers tous,
Je suis venu vous dire que je m'en vais. Et vos larmes n'y pourront rien changer...
Je n'ai plus rien à gagner à dire que je vous quitte à regret, aussi vous devez l'entendre comme l'expression de ma sincérité la plus simple : je vous quitte comme on s'éloigne des gens que l'on aime.
J'ai une pensée émue pour ceux qui ont tant aimé me détester. Je sais à quel point je vais leur manquer, d'autant que, doté –hélas– d'une mémoire faillible, je ne peux leur offrir comme consolation la promesse que je ne les oublierai pas.
Je veux dire le plaisir que j'ai travaillé avec chacun des membres du comité de direction. C'est exceptionnel, mais là encore, c'est vrai. Nous nous sommes toujours parlé avec franchise, amitié, efficacité. Jamais de bassesse, jamais de traîtrise. Avec Patricia (Piffault, déléguée aux ressources humaines et à la gestion de France Inter, ndlr), Laurent (Bothorel, responsable technique, ndlr) – et le cher Jean-Christophe (Perrin, ndlr) qui l'a précédé –, Christophe (Israel, délégué aux nouveaux médias, ndlr), Mathieu (Aron, directeur de la rédaction, ndlr), Alexandre (Joulia, délégué à l'antenne et aux moyens de production, ndlr), Didier (Varrod, directeur de la musique, ndlr), Muriel (Attal, déléguée à la Communication et à la Presse, ndlr), Jacques (Monin, directeur adjoint de la rédaction, ndlr), et Laurence (Bloch, directrice adjointe de la station, responsable de l'antenne, ndlr), nous avons formé une bande complice, passionnée par votre travail, passionnée par les auditeurs, et nous avons été fiers d'oeuvrer pour vous et avec vous.
Nous faisons un drôle de métier : celui de parler aux autres. C'est une lourde responsabilité qui demande autant de gravité que de fantaisie, et l'une n'est pas plus importante que l'autre.
Lorsqu'on perçoit les deux à l'antenne, c'est que vous êtes en forme, que vous êtes heureux, et que les auditeurs le sont aussi. C'est, du fond du coeur, ce que je vous souhaite tous les jours. Dans la fragilité de nos vies, on a besoin de votre sourire.
La radio est l'amie de tous, et surtout des solitaires, de ceux qui n'ont pas trop de chance, de ceux qui ont du mal à trouver un sens à leur vie. Rien ne donne davantage le sentiment de réussir sa vie que de donner le goût de vivre aux autres. C'est la raison pour laquelle j'ai tant aimé venir travailler avec vous.
Mais je pars le coeur léger, en laissant place à Laurence Bloch. Le temps de notre collaboration restera une des plus belle période de ma vie. Je mesure la difficulté de sa tâche de ses responsabilités. Croyez-moi c'est encore plus énorme que l'on ne l'imagine. Sa grande connaissance de la radio ne serait rien sans son exigence éthique. Elle porte au plus haut les valeurs de la culture et de l'information. Je peux témoigner que son engagement est total. A ce titre, dans notre période troublée, Laurence fait partie d'une espèce rare. Il faut en profiter. C'est une vraie chance pour notre radio qui, grâce à vous, est sans doute le dernier média de masse qui met l'intelligence et la sensibilité au-dessus des intérêts commerciaux.
Mireille (Leclercq, son assistante, ndlr) me demandant, tous les matins quand j'arrive : " Tu veux un café ma biche ?" me manquera.
Ma mémoire est faillible, mais sélective : je ne vous oublierai pas.
Philippe Val "