Elle propose sa vision de l'audiovisuel de demain. Dans "Le Monde" ce mardi, Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, signe une tribune dans laquelle elle suggère une nouvelle organisation de France Télévisions, à travers un projet audiovisuel en accord avec l'évolution des nouvelles technologies et du numérique.
Tout d'abord, la patronne de France Télévisions tire un bilan des nouveaux usages du petit écran, notant que "d'ici à 2020", "la télévision linéaire représentera à peine plus de 40% du temps de consommation vidéo des 15-24 ans", avant de préciser "qu'il était de 70% il y a encore trois ans". Delphine Ernotte relève ensuite le "retard" de la France dans la production de fictions, en comparant avec ses voisins allemands et anglais, qui produisent chacun plus de 2.000 heures de fiction par an.
"Nos productions sont encore vulnérables dans la compétition mondiale. De nouvelles écritures et de nouveaux formats émergent, mais les plus belles innovations sont davantage le fait des youtubeurs que des chaînes de télévision", glisse-t-elle, appelant à "ne pas se résigner" devant les GAFA et Netflix. L'ancienne dirigeante d'Orange poursuit : "Les contenus innovants et de qualité font la différence. Il n'y a pas de fatalité à ce que nos jeunes s'abreuvent de télé-réalité, de talk-shows abscons et de montages vidéo sans ambitions. C'est un enjeu non seulement créatif mais aussi d'influence que de partager nos récits et nos histoires dans le monde entier."
Ainsi, à partir de ce constat, Delphine Ernotte assure qu'il y a "urgence" à ce que "la France ne disparaisse pas des écrans du monde", rêvant de constituer en quelques mois "l'équipe de France de la création audiovisuelle" et de "devenir un champion européen qui pèse sur la scène mondiale". Pour cela, elle présente "trois axes majeurs" pour "bâtir une nouvelle alliance".
Selon elle, le premier axe réside dans les "rapprochements d'acteurs publics autour de la création, la production, la digitalisation et la distribution d'images", afin de "concentrer les énergies sur l'industrie de programmes" et "préserver ou accroître les investissements dans la création". Le deuxième axe est le numérique, "qui nécessite des investissements massifs" avec notamment la création "d'un partenariat public-privé audacieux" avec "les principaux producteurs français". "Cette offre de SVoD sera lancée au printemps 2018", annonce Delphine Ernotte, qui souhaite travailler "de concert avec les télévisions privées, les opérateurs de télécommunications, les plateformes existantes et les start-up."
Le troisième et dernier axe majeur de ce nouveau projet se concentre dans une ambition européenne de concurrencer les plateformes telles que Netflix. "Les services publics européens investissent chaque année 14 milliards d'euros dans la création originale de contenus, tandis que Netflix en investit 7 milliards. Si nous mettons en commun une partie de ces moyens, nous pouvons demain peser sur la scène internationale", déclare la présidente de France Télévisions, avant d'assurer qu'un "Netflix public européen est possible et peut naître dans les mois qui viennent."