Chaque semaine, retrouvez "Médias le mag, l'interview", en partenariat avec France 5. Julien Bellver, co-rédacteur en chef de puremedias.com et chroniqueur dans "Médias le mag" le dimanche à 12h35 interroge une personnalité des médias toutes les semaines. Pour ce 27e numéro, Julien Bellver reçoit Jérémy Michalak, animateur et producteur des "Anges" sur NRJ 12. Il vient de produire un documentaire sur le handicap, "Lucie à la Conquête de l'Ouest", pour la chaîne JUNE.TV.
Dans "Lucie à la Conquête de l'Ouest", on découvre que Lucie Carrasco a de l'humour... et vous aussi. Pourquoi avez-vous mis autant de temps à le produire ?
Parce que j'ai mis beaucoup de temps à le vendre. Le produire n'a pas été si long. J'ai eu un feu vert de JUNE.TV en mai 2015, on l'a tourné en juillet et on l'a livré à l'automne. C'est un temps de production assez rapide. Mais ce qui est un peu moins normal, ou un peu plus surprenant, c'est le temps que j'ai mis à vendre ce documentaire. Pendant quatre ans, j'ai fait le tour des chaînes, privées comme publiques. Dans un premier temps, Numéro 23, qui est la chaîne de la diversité et qui est censée aborder ce genre de sujets (le handicap, la minorité), sont les premiers à l'avoir jeté. Ensuite je me suis tourné vers le service public. On m'a dit "C'est un beau projet M. Michalak, bonne chance". Ensuite les ministères de la Santé, de la Culture, secrétariat d'Etat aux personnes handicapées... et tout le monde m'a dit la même chose.
Ca veut dire que le handicap n'est pas un sujet télégénique ?
J'ai la faiblesse de croire en tout cas que ce documentaire prouve le contraire. Et j'espère que c'est le cas. Maintenant, oui, j'imagine que sur papier ce n'est pas hyper sexy de se dire "On va partir avec une jeune femme handicapée, avec une maladie lourde"... Sauf que dans les extraits qu'on vient de voir, on se rend compte que ce n'est pas ça qu'on raconte : on raconte l'histoire d'une personnalité hors normes, qui est totalement punk, qui a de l'humour, qui est cynique au possible - ce qui est hyper drôle - et qui a un recul pas possible sur sa condition et sa condition de femme. Et ça, en l'occurrence, je pense que c'est télégénique.
Vous aussi vous avez eu du mal à être convaincu. Lucie vous a harcelé pendant plusieurs mois pour monter ce projet. Que s'est-il passé avant de le produire ?
J'ai reçu un mail d'abord de cette jeune femme que je ne connaissais pas, qui m'a dit "Je souhaiterais traverser les Etats-Unis en fauteuil roulant". Au départ, je me suis dit que c'était une athlète, comme les Jeux Paralympiques. Je me suis renseigné, j'ai vu que ce n'était pas exactement la même histoire et que c'était beaucoup plus lourd en termes de handicap, même si rien n'est comparable. Je l'ai rencontrée, il a fallu me convaincre de me lancer dans cette aventure folle et qui pouvait tourner court à tout moment. Quand je l'ai rencontrée et que j'ai vu qu'elle n'arrivait pas à choper la paille de son Coca toute seule ou qu'elle n'arrivait pas à ouvrir un paquet de chips, je me suis dit "Cette meuf, traverser les Etats-Unis, elle est dingue, alors allons-y".
Quand on est producteur, on gagne de l'argent avec ce genre de documentaires ?
Sur celui-ci, on en perd. Enfin, un petit peu. Après, je ne l'ai pas fait pour gagner ma vie non plus. J'ai la chance d'avoir d'autres activités qui sont plus lucratives que celles-ci et qui permettent aussi de financer un programme comme celui-ci. Maintenant, le CNC m'a aidé... en me fermant la porte au nez comme tous les autres.
Et je crois que vous avez envoyé un DVD à Delphine Ernotte-Cunci, patronne de France Télévisions, pour qu'elle le diffuse gratuitement !
J'ai fait un truc que je ne fais jamais mais j'ai un peu été poussé par tous les commentaires que j'ai reçus par les personnes qui ont pu le voir et se sont dit qu'il méritait une exposition un peu plus large. Donc je me suis permis d'envoyer un petit courrier à Madame la présidente fraîchement nommée à la tête de France Télévisions avec un petit DVD en disant "Voilà, vos prédécesseurs n'en ont pas voulu. Vous qui incarnez le renouveau, la modernité dans le service public, c'est cadeau".
Vous êtes aussi producteur des "Anges" sur NRJ 12, huitième saison, le seul programme qui marche encore sur cette chaîne. Ca vous fait toujours marrer ou c'est du business ?
Les deux, très clairement. Ca me fait toujours marrer parce que je trouve que c'est hyper contemporain, dans l'air du temps et si ça séduit les jeunes, c'est que c'est un programme moderne. Et puis bien entendu, c'est du business à côté.
NRJ 12 a tenté une relance en septembre dernier, avec des programmes et des animateurs plus respectables, moins de télé-réalité, c'était une erreur ?
Quand on voit le résultat aujourd'hui, on se rend compte que ce n'était peut-être pas la meilleure chose à faire. Aujourd'hui, ils se sont recentrés avec des programmes comme "Les Anges" ou "Friends Trip" qui performent sur les 15-24 et sur les ménagères de moins de cinquante ans. "Les Anges" est 3e chaîne française sur cette cible. Et sur le papier, c'était bien de vouloir s'ouvrir, d'aller chercher autre chose. Maintenant, ils ont quand même aussi changé de direction assez rapidement : "L'Académie des 9" n'est pas resté longtemps, "Les Ieuvs" est resté quatre jours à l'antenne...
Les échecs de Valérie Damidot et Benjamin Castaldi sont mérités ?
C'est dur de dire qu'un échec est mérité. Maintenant, vous me demandez moi, Jérémy Michalak, si j'étais directeur des programmes d'une chaîne comme NRJ 12, non je n'aurais pas mis "L'Académie des 9" à cette heure-là, sur cette chaîne-là. Je l'aurais mis ailleurs. C'était très bien produit par Shine mais je ne l'aurais pas mis là. Pareil pour les programmes avec Valérie Damidot. Mais ce n'est qu'un avis personnel, je ne détiens pas la vérité.
Vous-même, avez-vous proposé à NRJ 12 des émissions où vous étiez animateur ou pensez-vous qu'il ne faut surtout pas associer son image à cette chaîne ?
Je n'en ai pas proposé pour la simple et bonne raison que j'étais sur France Télévisions, que je pouvais difficilement faire les deux en même temps et que je n'avais pas le bon projet pour les 15-24. J'ai 35 ans, je suis une vieille personne donc je ne suis même pas sûr de pouvoir incarner des programmes pour les 15-24, je ne suis même pas sûr d'en avoir l'envie. Je n'ai naturellement pas proposé de programme.
L'animation, c'est terminé ?
C'est fini, c'est mort ! (Rires) Non non...
La dernière émission, c'était "Face à la bande" sur France 2. Ca n'a pas fonctionné, elle a été déprogrammée...
Je mettrais un petit bémol sur le "ça n'a pas fonctionné" : ça a commencé très bas, ça a fini très bien. Comme beaucoup de fois, la télévision n'a pas forcément le temps de laisser un bon programme s'installer. Si demain France Télévisions - je sais qu'ils en parlent - décide de remettre "Face à la bande" à l'antenne, je suis au maquillage tout de suite.
Ils parlent du retour de "Face à la bande" ?
Oui, ils en parlent, comme de plein de trucs. Ils cherchent des nouveautés pour les après-midis. Pour refaire l'histoire rapidement, on a commencé à 300.000 et on a fini à un million. Donc oui, on a eu un passage où on était plus proche des 300.000 que du million mais on n'a pas démérité et on a fait le job. Donc c'est normal qu'ils se posent la question.
Mais l'animation n'est pas votre obsession ? Vous ne voulez pas absolument revenir à l'antenne ?
Non non, ce n'est pas une obsession. Je cours après les bons projets, pas après l'antenne. S'il y a un bon projet, j'y suis dans le quart d'heure. Je peux même partir avant la fin de l'émission (Rires). Mais sinon, j'adore ça, je mentirais en disant le contraire, je pense le faire plutôt pas trop mal mais uniquement en allant sur des bons projets, des trucs qui me font kiffer. Sinon je reste chez moi, j'y suis bien.
L'actu média du jour, c'est Alessandra Sublet et son nouveau talk "Action ou vérité" sur TF1. Est-ce que vous lui prédisez un bon avenir sur cette chaîne ?
Je lui souhaite un bon avenir. Connaissant le caractère d'Alessandra, je suis certain qu'elle a fait le projet dont elle avait envie, qu'elle a réussi à imposer son projet et sa vision des choses, qu'elle va mener ça d'une manière absolument formidable.
C'est compliqué un talk, c'est un format difficile.
C'est un enfer ! C'est une création, sur la première chaîne d'Europe, dans un horaire hyper concurrentiel... Donc oui, c'est l'enfer, c'est clairement hyper dur mais c'est un vrai challenge.
Vous avez participé à "C à vous" sur France 5.
J'ai inventé "C à vous" ! (Rires)
L'équipe a changé. Est-ce que l'ambiance vous manque ?
Ca me manque, oui et non. Non parce que je suis assez occupé pour faire d'autres choses et je m'amuse bien aussi dans mon job de producteur. C'est une récréation au sens global donc je n'avais pas besoin d'avoir une récréation à l'antenne. Maintenant oui, ce qui me manque, ce sont les premières heures de "C à vous", au tout début, quand il y avait 80.000 téléspectateurs, qu'on ne savait pas bien ce qu'on faisait à part faire les cons avec Emmanuel Maubert, Alessandra, Nicolas Poincaré...
C'était plus compliqué quand l'émission est devenue plus populaire ?
Compliqué non mais c'était un peu moins potache, un peu moins freestyle. Et ce qui marche dans "C à vous", c'est justement ce mélange des genres.
Cyril Hanouna a le même profil que vous : animateur-producteur de télévision. Son succès vous fait envie ?
Quand on voit ce qu'il récolte dans la tronche du fait de ce succès en partie, franchement, pas trop.
C'est quand même 250 millions d'euros sur 5 ans...
Ce ne sont pas 250 millions qui vont dans sa poche. C'est quand même une super réussite. C'est assez rare en France des réussites de cet accabit pour le féliciter d'être allé aussi haut. Mais quand je vois le traitement et ce qu'il prend dans la gueule du matin au soir...
C'est injustifié selon vous ?
Je n'en sais rien mais ce qui est justifié, c'est que, quand tu tapes sur quelqu'un, il t'en remette une à un moment donné. Et comme c'est aussi ça "Touche pas à mon poste", de mettre des cartouches à tout le monde, c'est normal qu'ils s'en prennent. Maintenant, il y a des trucs assez indignes et pas mérité : l'histoire des cadeaux dans Télé Obs, on sent qu'ils ont envie de vendre du papier et que parler de Cyril Hanouna fait vendre, et en parler en mal encore plus !
Une deuxième saison de "Lucie à la Conquête de l'Ouest", c'est possible ou pas ?
Pourquoi pas. Si elle est encore en vie ! (Rires)