Depuis quelques jours, les salariés de Libération ont décidé de démonter quotidiennement dans leur propre journal une "idée reçue" les concernant. Dans l'édition d'aujourd'hui, ils se sont ainsi attaqués à celle selon laquelle ils refuseraient de prendre le virage du numérique.
Une idée qu'a largement contribué à populariser Nicolas Demorand. Juste après son départ de la présidence du directoire du journal, ce dernier avait notamment expliqué dans un entretien au "Monde" que le fossé s'était creusé entre lui et la rédaction après qu'il eut tenté de lui faire prendre un "virage" numérique. Nicolas Demorand avait également évoqué à cette occasion une rédaction cloisonnée dans laquelle "la rédaction papier" ne fournirait en moyenne "que 0,1 papier par semaine et par journaliste" au site internet du journal.
Deux semaines plus tard, les salariés du journal ont donc décidé de répondre sur ce point. "Ainsi donc nous serions des nazes des Internets. Des coincés de la souris, des handicapés du bimédia, des ratatinés sur le papier, des estropiés du tweet, des inadaptés du numérique" ont-ils interrogé avec humour au début de leur tribune. Et les salariés de démontrer que leur journal a toujours été en pointe dans l'adaptation aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.
"Libération c'est, en 1995, le premier site internet de la presse française. Le premier cahier multimédia, celui du vendredi, excusez du peu. C'est aussi, à la fin des années 90, la première rubrique Médias qui se pique aussi de multimédias, comme c'est devenu la norme un peu partout aujourd'hui. Pardon de nous hausser du col, mais c'est aussi à Libération, au mitan des années 2000, que se met en place la première rédaction bimédia, avant que n'éclosent les premiers blogs, avant que les salariés de Libération ne débarquent sur Twitter" ont-ils notamment tenu à rappeler.
Les salariés du journal ont également fait savoir que toutes ces innovations ont été le fruit d'une volonté des journalistes eux-mêmes, évoquant "des projets souvent montés de bric et de broc, loin, bien loin, par exemple, de l'investissement sur cinq ans en grande partie sur le numérique de 18 millions d'euros par le Figaro". Si les auteurs de la tribune ont reconnu quelques "errements sur le web", comme "toute la presse en la matière", ils ont cependant estimé avoir parfaitement compris la révolution numérique en cours.
Leur adaptation est selon eux visible dans l'organisation même de leur travail : "Chaque matin à 9h30, au comité de rédaction, les chefs de service, en même temps qu'ils présentent le menu des pages du lendemain, annoncent également les articles pensés pour le Web. Tout au long de la journée, il est fréquent qu'en même temps qu'il rédige son article pour le papier, un journaliste alimente en direct le site. De même, les journalistes du Web travaillent aussi pour l'imprimé. La frontière est désormais poreuse entre papier et Internet : un journal, on vous dit" ont-ils conclu en référence à leur récente Une "Nous sommes un journal".