Une rentrée riche pour Amazon Prime Video en France. Depuis septembre, la plateforme a mis en ligne de nombreuses productions originales, à l'instar des divertissements "Celebrity Hunted - Chasse à l'homme" et la saison 2 de "True Story", du documentaire sur Orelsan ou du film avec Mélanie Laurent, "Le bal des folles". Afin de dresser un bilan de ce début de saison et évoquer les prochains projets d'Amazon Prime Video, Thomas Dubois, directeur des créations Amazon Originals France, a accordé un entretien à puremedias.com.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Quel bilan tirez-vous de cette rentrée pour les créations françaises d'Amazon Prime Video ?
Thomas Dubois : Un bilan très positif. D'un point de vue des créations françaises, nous arrivons à avoir une cadence et une qualité de propositions. C'est le résultat de plusieurs mois, voire plusieurs années de travail, pour mettre tout ça en place. Nous sommes en train de voir la partie émergée de l'iceberg, sur des propositions complémentaires et différentes : du "Bal des folles", le film de Mélanie Laurent, à plus récemment, la série documentaire sur Orelsan. Nous sommes assez contents et nous avons envie que ça continue.
Quelle est la stratégie de votre plateforme concernant ses productions ?
Nous ne sommes pas dans une logique de volume. Nous avons envie de proposer un nombre de titres, qui peuvent paraître plus limités, mais qui sont impactants. Ils nous amèneront d'abord à créer l'événement, puis à proposer des productions innovantes et de qualité. Nos créations doivent générer de la conversation. Notre but est aussi de définir l'ADN de Prime Video en France et que les gens viennent pour visionner des contenus authentiques et ambitieux.
Quel est votre objectif de productions par an ?
Dans les créations que je supervise, à date, nous aurons proposé une dizaine de productions en 2021. Nous serons sur une douzaine en 2022. L'idée est de voir ce nombre grandir, tout en s'assurant de proposer d'autres contenus, liés aux pré-achats de formats et aux achats de documentaires, déjà pré-tournés. Le volume d'Amazon Originals en France sera encore plus important.
"Une saison 2 pour 'Celebrity Hunted' ? On y réfléchit"
La semaine dernière, vous avez lancé votre nouveau format "Celebrity Hunted - Chasse à l'homme". La suite est mise en ligne demain. Quels sont les premiers retours ?
C'est la création la plus vue depuis son lancement. Elle est actuellement numéro un sur l'interface. Nous sommes super contents des retours. Ca va se construire dans le temps. Demain, nous mettrons en ligne les trois derniers épisodes. Nous espérons qu'ils seront à la hauteur des attentes des gens qui ont regardé les premiers épisodes. C'est typiquement un contenu événementiel, avec un cast dont nous sommes très fiers, et un ton et une narration innovants.
Combien a coûté la production de cette émission qui couvre la France, du Nord à la Corse ?
C'est un programme ambitieux, mais nous ne donnons pas nos chiffres de budget. C'est un programme qui nécessite des moyens. Ca se voit à l'écran.
Y aura-t-il une saison 2 ?
On y réfléchit. On a envie.
Vous avez fait le choix de mettre en ligne que trois épisodes pour le lancement. Quelle est la politique d'Amazon Prime Video sur la mise en ligne de ses contenus ?
Notre politique de mise en ligne est adaptée aux contenus. Nous avons des séries qui seront mises en ligne en "binge watching". D'autres seront proposées à un rythme d'un épisode par semaine. C'est le cas de "La roue du temps" qui sera lancé le 18 novembre. Pour "Celebrity Hunted", nous avons opté pour une diffusion en deux temps, car c'est un show qui peut vite être spoilé. L'idée est de ne pas gâcher la surprise aux abonnés et laisser un petit temps pour que tout le monde puisse regarder. C'est vraiment lié au format et à chaque typologie de contenus. Il y a des séries qui sont faites pour être "bingées". Le documentaire sur Orelsan, nous l'avons lancé en "binge", parce qu'il y avait une évidence dans le récit et le montage de la série. Ca faisait du sens.
"Nous nous devons d'être dans une logique de surprise perpétuelle"
A la télévision, le public se plaint régulièrement de la faiblesse du cast dans les grandes émissions de divertissement prétendant réunir des stars. Que ce soit dans "LOL : Qui rit, sort !" ou "Celebrity Hunted", vous parvenez à faire participer de grosses vedettes. Est-ce plus simple de les convaincre quand on s'appelle Amazon ?
Je ne pense pas. Je pense que les vedettes ont envie qu'on leur fasse des propositions originales et qu'on leur propose de les challenger. C'est ce qui les convainc de venir travailler pour une plateforme. Une plateforme peut aussi effrayer. En tout cas, dans notre démarche et nos échanges avec eux, nous leur proposons des activités qu'ils n'ont pas forcément l'opportunité de faire ailleurs. Par exemple, nous avons annoncé le cast de la saison 2 de "LOL". Audrey Fleurot et Gérard Darmon se sont dits : "Qu'est-ce que je suis allé faire là-dedans ?". Finalement, la proposition d'être dans une position à risques, avec un encadrement, aux côtés d'équipes d'auteurs, pour être dans une démarche artistique différente, c'est là où nous pouvons être séduisants pour eux.
Amazon Prime Video a également mis en ligne la saison 2 de "True Story" en septembre. A-t-elle marché ? Aura-t-on une troisième saison ?
Nous sommes super fiers de cette deuxième saison. Nous avions une équipe à la barre, avec Léna Situations, Gaëlle Garcia Diaz, Emy LTR, Natoo, Bilal Hassani et Fatou Guinea Kaba, qui était représentative des gens que nous avions envie d'accompagner. Est-ce qu'il y aura une saison 3 ? La question est de savoir si nous arrivons à recréer l'événement autour de cette saison 3. C'est encore en question. Est-ce qu'avec cette équipe que nous avons rassemblée et qui a été géniale, nous pouvons créer d'autres choses avec eux ? C'est aussi une réflexion. La démarche est toujours de se dire : si nous refaisons venir un contenu, comment recréer l'événement autour de lui ? Il ne faut pas donner un sentiment de lassitude, mais essayer de surprendre. L'offre est aujourd'hui démultipliée, entre les chaînes de télévision et les autres acteurs du streaming. Nous nous devons d'être dans une logique de surprise perpétuelle.
"L'histoire avec Orelsan ne s'arrêtera pas là"
Le documentaire sur Orelsan a nécessité trois ans de montage. Comment les producteurs, Nolita et 3e Oeil Productions, vous ont-ils convaincu de signer ce projet ?
La petite anecdote assez amusante est que ce documentaire est la première production que j'ai signée quand je suis arrivé chez Amazon il y a un peu plus de deux ans et demi. Ca faisait un mois que j'étais présent. Ils sont arrivés avec ce projet. Une chose m'a frappé. C'était l'authenticité qui s'en dégageait. Quand j'ai rencontré Justine Planchon, actuelle directrice générale de Mediawan Prod, Orelsan et son frère Clément Cotentin, j'ai eu envie de les accompagner au mieux car ils avaient envie de raconter une histoire inspirante. Il y a des valeurs qui se dégagent de ce documentaire. C'est ce qui en ressort une fois qu'on l'a regardé : on se sent hyper inspiré. C'est positif mais ce n'est pas une hagiographie. Nous ne cachons rien. Il y a des passages difficiles. Ce qui m'a convaincu, c'est l'équipe. Puis, il y avait un petit coup de folie. Ca faisait un mois que j'étais là, je ne me rendais pas compte de ce que j'allais faire.
A la fin de la série sur le rappeur, apparaît le message "Prochainement". S'agissait-il de l'annonce du prochain album d'Orelsan ou est-ce qu'Amazon Prime Video continue de tourner les aventures de l'artiste ?
Nous n'avons jamais arrêté de tourner. Ensuite, quand est-ce que l'histoire va se terminer ? Ca, on en parlera bientôt ! Tout est en train de se cadrer et je ne voudrais pas trop en dire... Les personnes qui peuvent en parler sont les personnes au coeur de l'histoire, c'est-à-dire Orelsan et son frère. Mais l'histoire ne s'arrêtera pas là.
Vous avez mis en ligne durant deux saisons les coulisses du club du Paris Saint-Germain. Est-ce qu'avec l'obtention des droits de la Ligue 1, vous allez proposer des documentaires sur d'autres clubs français ?
Pour l'instant, ce n'est pas à l'ordre du jour. Toutefois, nous continuons de travailler sur des séries documentaires. Nous tournons depuis quelques mois une série documentaire sur Paul Pogba. Il sera dans la veine de celle sur Orelsan, c'est-à-dire authentique et en immersion comme rarement nous l'avons eu dans la vie et dans la tête d'un joueur de football, à un instant clé de sa carrière. Nous ne nous interdisons rien.
Combien y a-t-il d'abonnés au "Pass Ligue 1" sur Amazon Prime Video ?
Il n'y a pas de réponse. De plus, le sport n'est pas ma partie. Même si je voulais dire quelque chose, je n'ai pas ces chiffres.
"La série 'Mixte' ne sera pas reconduite sur Amazon Prime Video"
France Télévisions a annoncé mi-septembre la production d'une série d'action "Coeurs noirs" en collaboration avec Amazon. Où en est ce projet ?
C'est une série qui est en effet en coproduction avec France Télévisions. Notre équipe des acquisitions a acquis une partie des droits. Elle est actuellement en tournage.
Amazon a-t-il vocation à multiplier les collaborations avec les chaînes de télévision ?
Amazon a vocation à s'installer comme un acteur local d'envergure. Des séries, nous en produisons. Nous avons présenté "Totem" à Canneseries. Elle sera lancée prochainement. Le tournage de "Salade grecque" de Cédric Klapisch commence en décembre. Nous avons la série "Miskina" de Melha Bedia en cours. Nous avons de nombreux autres projets à annoncer dans les semaines ou les mois à venir. Ce sont des projets exclusifs à Amazon. En parallèle, notre équipe des acquisitions travaille à des "modus operandi" innovants. C'est le cas de "Coeurs noirs" avec France Télévisions. L'idée est vraiment d'aider à développer la création française. Nous sommes ouverts à tout type de modèles.
Le producteur Laurent Ceccaldi a annoncé mi-octobre que sa série "Mixte" ne serait pas reconduite sur Amazon Prime Video. Vous confirmez ?
Non, la série ne sera pas reconduite. C'est notre décision. Ce n'est pas à l'ordre du jour de préparer une saison 2.
Auprès d'"Allociné", Laurent Ceccaldi a fait part de sa déception, estimant ne pas avoir "eu de communication des chiffres d'audience et des objectifs qu'Amazon s'était fixé" ? Comment expliquez-vous cet imbroglio ?
Je pense que les gens entendent ce qu'ils ont envie d'entendre. Nous avons beaucoup cru en "Mixte". Il y a eu une campagne marketing assez colossale. C'est une série dont nous sommes fiers. Nous l'avons accompagnée au mieux en interne, à Amazon, que ce soit tout au long des tournages et des montages. Nous avons été ambitieux et avons essayé de travailler main dans la main avec les producteurs. Maintenant, c'est toujours délicat quand quelque chose ne revient pas. Là où nous avons investi beaucoup en marketing et en énergie humaine et créative, les gens n'ont pas nécessairement été au rendez-vous. Oui, il y a eu des gens qui sont venus et qui ont aimé. C'est génial. Maintenant, c'était un projet ambitieux, avec un budget ambitieux.
"Nous sommes une plateforme en croissance. Nous le montrons. Nous ne cessons de grandir"
Amazon produit également des films, comme "Le bal des folles". La plateforme a-t-elle vocation à faire de la concurrence au cinéma ?
Je pense que nous sommes dans une offre complémentaire. Nous ne sommes pas là pour concurrencer qui que ce soit. Il y a de la place pour tout le monde. L'essentiel est que les films français vivent, et qu'ils soient financés et mis en valeur.
Quel a été le plus gros succès français sur la plateforme ?
La saison 1 de "LOL" a été un énorme succès. Le film d'Inès Reg, "Je te veux, moi non plus", a vraiment cartonné en mars dernier. La force des contenus sur une plateforme, c'est que leur vie ne s'arrête pas une semaine ou un mois après sa mise en ligne. "Le bal des folles" continue d'être regardé et est un succès critique. Nous suivons toujours la vie d'un projet en dehors de seulement dix jours, un mois. Il y a des choses qui se construisent dans le temps. Ensuite, il y a aussi une façon de regarder le succès sur une plateforme : quand les gens regardent la totalité d'un contenu. C'est bien que les gens viennent, mais il faut aussi qu'ils restent. C'est là que nous voyons qu'un contenu est un énorme succès.
Concrètement, ça veut dire quoi un succès sur Amazon en nombre de visionnages ?
Ce n'est pas qu'une question de nombre. C'est une question de gens qui vont aller au bout. C'est la résonance que nous avons réussi à donner au contenu. C'est la conversation que ça va générer. C'est l'attachement aux personnages dans le cas d'une série ou d'un concept dans le cas de "LOL" ou "Celebrity Hunted". C'est une combinaison de plusieurs facteurs. Nous sommes une plateforme en croissance. Nous le montrons. Nous ne cessons de grandir. Le documentaire sur Orelsan est un cas d'école. Tout le monde en parle. C'est ce qu'on appelle le triangle d'or : les critiques, le visionnage et la conversation. C'est ça un succès. Oui, il y a un nombre de visionnages. C'est important. Mais il y a aussi tout ce qu'il y a autour.
Mais pour comprendre exactement ce critère de visionnages, à titre d'exemple, la saison 1 de "LOL" a été vue combien de fois ?
Je ne peux pas vous le dire.
Quelle est votre méthodologie du comptage du nombre de vues ? A partir de combien de secondes un visionnage est-il comptabilisé ?
Il y a toutes les méthodologies. C'est à nous de décider ce sur quoi nous voulons regarder. L'élément-clé sur une plateforme est de savoir si les gens vont au bout. Mais aussi de savoir quelle envie ça génère. C'est aussi important que le nombre de gens qui sont venus. Bien sûr que la vocation des créations est d'être un événement et de rassembler le plus grand nombre. Une fois que ce plus grand nombre est rassemblé, il est aussi important de voir que nous leur avons proposé quelque chose qui les tient en haleine.
"Le but n'est pas de cacher les chiffres, mais de mettre la lumière sur les contenus"
Quel est le nombre d'abonnés en France à Amazon Prime Video ?
Il n'y a pas de réponse.
Pourquoi les plateformes n'assument-elles pas leurs réussites et leurs échecs en communiquant sur ses chiffres ?
Je ne pense pas que ce soit ça la question. Je ne pense pas que ce soit une question de réussites ou d'échecs. Je pense que les plateformes sont les nouveaux entrants dans un univers, qui est certes régi par les chiffres de communications, mais avec des acteurs qui sont dans la rétention. Nous venons d'arriver. Amazon Prime Video est arrivé en 2017. Il y a une croissance conséquente. Je pense que c'est ça la grosse différence. Ce n'est pas tant d'assumer les réussites ou les échecs. C'est de se dire que nous sommes dans des phases de développement et de croissance. L'idée avant tout est de mettre en avant nos productions. Pas de les quantifier. Nous avons envie de nous établir comme des éditeurs de contenus. Comme des gens qui vont proposer des choses fortes. Nous mettons la communication là-dessus, plutôt que de la mettre sur des choses très rationnelles. On reproche très souvent aux plateformes d'être très rationnelles et de travailler avec des algorithmes. Au contraire, ne pas faire de communication chiffrée, ça prouve que nous avons envie d'être vus et perçus pour les contenus que nous faisons.
Communiquer sur des chiffres peut aussi être une marque de transparence. Les chaînes de télévision, elles, communiquent sur leurs audiences. Les radios aussi.
Nous allons y arriver, je pense, à cette transparence. Les acteurs sont plus établis. Il y a des mécanismes qui sont en train de se mettre en place. Les audiences télés, c'est Médiamétrie. Ca fait des années que c'est en place. Nous, nous sommes entrés dans une nouvelle façon de promouvoir des contenus. Tout cela se met en place. C'est bien quand les choses se font petit à petit. Les mécanismes sont en train de se mettre en place. Je pense que ça va arriver.
D'ici quelques mois, nous aurons des chiffres communiqués par Amazon Prime Video ?
Je ne peux rien garantir. Mais je pense que c'est le sens de l'histoire. C'est le sens de la nécessité de transparence dans les conversations actuelles. Le but n'est pas de cacher, mais de mettre la lumière sur les contenus.