La bataille autour de l'attribution des droits 2014-2019 du Top 14 n'est pas finie. Saisie en mars dernier par beIN Sports, l'Autorité de la concurrence vient en effet de suspendre l'attribution des droits de diffusion de la compétition à Canal+ décidée le 14 janvier dernier par la Ligue nationale de rugby (LNR). Un nouvel épisode dans un feuilleton qui dure depuis maintenant près de sept mois.
En décembre 2013, à l'issue d'une négociation de gré à gré infructueuse avec Canal+ sur la revalorisation des droits télé du Top 14, la LNR avait décidé de dénoncer avant son terme et comme elle y était autorisée, le contrat qui la liait avec Canal+. Elle avait annoncé dans la foulée le lancement d'un appel d'offres pour l'attribution des droits de diffusion des quatre saisons suivantes (2014/2015 à 2017/2018).
En réaction, Canal Plus avait introduit plusieurs actions judiciaires et notamment saisi le président du Tribunal de grande instance de Paris en référé pour demander la suspension de l'appel d'offres. La Ligue nationale de rugby avait alors interrompu l'appel d'offres le 10 janvier 2014, sans attendre la décision du tribunal. Elle avait ensuite attribué à Canal+, le 14 janvier 2014, l'intégralité des droits en exclusivité pour cinq saisons (2014/2015 à 2018/2019), à l'issue d'une négociation de gré à gré et pour un peu plus de 70 millions d'euros par saison contre 31,7 millions auparavant.
S'estimant lésée, beIN Sports, également candidate à l'attribution de ces droits, avait saisi l'Autorité de la concurrence en mars 2014 pour contester les conditions dans lesquelles ils avaient été attribués.
Dans un communiqué publié aujourd'hui, l'autorité de régulation a fait savoir que les modalités selon lesquelles l'accord entre la LNR et Canal+ avait été négocié puis conclu "sont susceptibles de révéler une entente anticoncurrentielle". L'autorité de la concurrence a notamment expliqué qu'au vu de l'attractivité du championnat de France de rugby, les droits de diffusion de cette compétition "sont susceptibles d'être qualifiés de droits premium et leur commercialisation devrait se faire, pour une durée limitée, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, conformément à la jurisprudence".
Selon elle, les concurrents de Canal+ n'ont ainsi "pas été mis en mesure de participer à l'attribution des droits du Top 14 et n'auront plus la possibilité d'accéder, en tout ou partie, à ces droits attractifs pour une période de cinq ans". "Constatant une atteinte grave et immédiate au secteur de la télévision payante et aux intérêts des consommateurs", le régulateur a souligné que cette situation était "préjudiciable au développement de beIN Sports".
L'Autorité de la concurrence a ainsi décidé de prendre des "mesures conservatoires" afin de neutraliser les effets de l'accord passé entre Canal+ et la Ligue de rugby. L'organisme a enjoint la LNR et Canal+ de suspendre l'accord passé le 14 janvier à l'issue de la saison 2014-2015 afin de "protéger l'intérêt des clubs, des diffuseurs et des téléspectateurs".
Il a aussi enjoint la LNR "de procéder, dans les meilleurs délais et au plus tard pour le 31 janvier 2015, à une nouvelle attribution de ces droits" pour la saison 2015/2016 et les suivantes. "Cette attribution devra être effectuée à l'issue d'une procédure de mise en concurrence transparente et non discriminatoire et pour une durée qui ne soit pas disproportionnée" a annoncé l'autorité de la concurrence. La bataille entre Canal+ et beIN Sports pour l'attribution des droits du Top 14 vient ainsi de recommencer. Précisons que la LNR et Canal+ ont 10 jours pour faire appel de cette décision devant la Cour d'appel de Paris.
Mise à jour 14h30 : Canal+ annonce dans un communiqué son intention de faire appel de la décision de l'Autorité de la concurrence devant la Cour d'appel de Paris. La chaîne a 10 jours pour le faire à compter de la notification de ladite décision. Dans son communiqué, Canal+ "tient à souligner que ces mesures ne remettent pas en cause la diffusion du Top 14 sur les chaînes du Groupe CANAL+ pour la saison 2014/2015. En ce qui concerne les mesures relatives aux saisons ultérieures, le Groupe CANAL+ tient à exprimer son profond désaccord et annonce son intention de saisir la Cour d'appel de Paris d'un recours contre ces mesures".