Jeudi 19 octobre, à une semaine du retour de "La France a un Incroyable Talent" sur M6, la nouvelle tombe : Gilbert Rozon, accusé de plusieurs agressions sexuelles, démissionne de toutes ses fonctions au Québec. Coup de massue pour M6 et FremantleMedia France, qui produit l'émission. Quatre épisodes d'auditions ont déjà été mis en boîte, l'émission est un succès d'audience indéniable et des dizaines d'artistes ont déjà obtenu leur ticket pour les demi-finales.
Interrogé par puremedias.com, Bruno Fallot, producteur de l'émission, explique ce qui s'est passé pendant la semaine qui a précédé l'annonce du retour de "La France a un Incroyable talent", demain sur M6 à 21h. De la suspension de la diffusion au remontage et au tournage des demi-finales, il nous révèle les coulisses d'une semaine très particulière.
Propos recueillis par Charles Decant.
Tout commence le jeudi 19 octobre. Que se passe-t-il chez Fremantle ?
On était déjà en train de monter les épisodes des auditions, plusieurs étaient même prêts, et on était à une semaine de la diffusion. Du coup, on se réunit tous avec Monica Galer, la présidente de Fremantle, on s'appelle directement avec M6 et on prend tous ensemble la décision très vite de suspendre l'émission via un communiqué de presse.
Pourquoi avoir parlé de "suspension" ?
Il fallait prendre une décision rapide. Le mot était hyper important. On ne voulait pas parler d'annulation ni de déprogrammation. On a voulu se laisser le temps de prendre une décision. La première chose qui a été dite, et qui était une évidence, c'est que 150 candidats étaient venus tourner, que 70 candidats avaient reçu un "oui" du jury et que 40 avaient été finalement sélectionnés pour les demi-finales. Et même ceux qui sont repartis bredouilles avaient travaillé des semaines ou des mois pour leur numéro, avaient financé leur voyage à Paris, etc. Et en plus de ça, il y avait une vraie attente des téléspectateurs, confirmée par les audiences en hausse d'année en année. Donc il était hors de question de jeter l'émission à la poubelle.
Dans les médias, on entend qu'en urgence, Fremantle a remonté le premier épisode des auditions pour en faire disparaître Gilbert Rozon. C'est vrai ?
Oui et non. On a remonté des séquences des auditions sans Gilbert Rozon pour voir ce que ça donnait et s'il était possible de les réutiliser par la suite et de les réinjecter dans les épisodes qu'on allait tourner une semaine plus tard.
"Le maintien des tournages des demi-finales était une évidence"
Donc il n'a jamais été question de sauver les épisodes d'auditions et d'en faire disparaître Gilbert Rozon ?
Non. C'était techniquement possible, mais éthiquement et artistiquement parlant, et en termes de storytelling, c'était un peu bizarre. Quelque chose n'allait pas. Donc on a monté des séquences courtes pour voir ce que ça donnait, et pour ensuite pouvoir construire des épisodes mélangeant à la fois les phases finales, et des magnétos thématisés ainsi que des flashbacks. On s'est rendu compte que ça fonctionnait. Ca, c'était le vendredi. Et on a donc pu faire une proposition artistique à M6.
Dans le même temps, vous avez rapidement décidé de maintenir le tournage des demi-finales, calé le vendredi et le samedi 27 et 28 octobre ?
C'était une évidence, oui. Parce que les candidats s'étaient préparés, notamment.
M6 vous avait garanti, à un moment, que dans tous les cas de figure, une version de la saison 12 de "Incroyable Talent" serait mise à l'antenne ?
Il y avait une volonté commune. Tout le monde s'y est mis, on a travaillé ensemble pour savoir comment y arriver. Mais il y avait une condition : que l'histoire qu'on raconte soit cohérente et veuille dire quelque chose. Pas juste de proposer des extraits et des flashbacks. On ne voulait pas faire de best of. Il fallait raconter la saison, et on va le faire d'une façon différente.
Comment se sont déroulés les tournages de ces demi-finales ? Amir et Soprano ont hésité avant d'accepter de participer en tant que guest ?
Amir et Soprano, qui sont les 'guest judges' sur les deux demi-finales, étaient bookés depuis septembre, et il n'y a eu aucune hésitation de leur part. Et quand on a annoncé que les tournages étaient maintenus, on a appelé les candidats en premier, et c'était un vrai soulagement pour eux.
"Les trois membres du jury avaient envie de continuer"
Et pour le jury ?
Le jury, évidemment, on lui parlait régulièrement. Et quand on a acté qu'on continuait, ils ont tous poussé un gros "ouf" de soulagement. Ca a été une sorte d'évidence, les trois avaient envie de continuer. Parce que sur les auditions, on a vécu des journées exceptionnelles. Les candidats sont hallucinants, on a ri avec les farfelus, pleuré avec des candidats émouvants, on a vécu des moments hyper forts. Le jury voulait que ces gens aillent au bout !
Du coup, quelle était l'atmosphère sur le tournage des demi-finales ?
Il n'y a pas eu de goût amer, de mauvaise ambiance. L'annonce a été un choc, mais dans la minute qui a suivi, on a été dans l'action, la réaction, la réflexion. On n'a pas eu le temps vraiment de se poser et de se lamenter. On a juste voulu rebondir et avancer. Quand on a repris le tournage, avec 200 personnes de la production, 450 spectateurs dans la salle et tous les candidats, il y a une énergie qui fait qu'on n'a pas le temps de se poser de questions. Le premier jour, Soprano est arrivé tout frais, et tout s'est déroulé normalement, dans une belle énergie.
Est-ce que l'absence de Gilbert Rozon va être expliquée au début de l'émission ? Ou vous partez du principe que tout le monde sait ce qui s'est passé et pourquoi il n'est pas là ?
C'était important d'être transparent et de dire les choses. Tout le monde n'est pas forcément au courant. Donc en ouverture du premier épisode, dans le tout premier plateau, David explique. Il raconte que par respect pour les candidats et pour les téléspectateurs, nous avons décidé de continuer. Que nous avons vécu un moment difficile mais qu'on s'est relevé.
"On a pris le meilleur des deux mondes"
Concrètement, que vont voir les téléspectateurs demain soir ?
On a pris le meilleur des deux mondes. D'un côté, l'aspect compétition de ces phases finales où les 40 sélectionnés par les membres du jury vont se battre pour arriver en finale. De l'autre, on fait en sorte dans les portraits des candidats qu'ils se racontent, et qu'ils racontent leur première audition, qu'on peut montrer en flashback. Du coup, quand ils débarquent sur le plateau, l'histoire se continue extrêmement naturellement. Et à côté de ça, on a gardé les meilleurs moments des auditions, les numéros les plus loufoques, absurdes, étonnants, dangereux ou drôles en magnétos thématiques. Pour la première fois, les demi-finales auront donc l'enjeu habituel, savoir qui se qualifiera pour la finale, mais aussi la déconne des auditions.