Toute la journée, Antoine de Caunes est l'invité spécial de puremedias.com. Après avoir tiré un premier bilan de ses premiers mois aux commandes du "Grand Journal", l'animateur évoque la guerre des access, qui sera amplifiée dès janvier par l'arrivée de Laurent Ruquier sur France 2. Antoine de Caunes évoque aussi son collègue Cyril Hanouna alors que les audiences de "Touche pas à mon poste" se rapprochent de celles du "Grand Journal".
Propos recueillis par Benjamin Meffre et Benoît Daragon.
puremedias.com : (Alors qu'on lui tend une photo de Laurent Ruquier) Cet homme vous fait-il peur ?
Antoine de Caunes : Quand il sourit comme ça, oui ! Surtout qu'il a tendance à parler un peu fort ! Mais sinon, il ne me fait pas peur, non ! L'idée, c'est d'arriver à donner une identité suffisamment forte à l'émission, pour que l'on existe quelle que soit la concurrence. Après, le partage des téléspectateurs entre les différentes émissions, je ne le contrôle pas. Du temps de "Nulle Part Ailleurs" on était les seuls sur le créneau ! Il n'y a jamais eu autant de concurrence frontale sur les talk-shows en access prime time. A partir du moment où l'offre se démultiplie, chacun prend moins.
Vous allez revoir des choses pour l'affronter ? Des nouveaux venus ? De nouveaux formats courts ?
Oui, on va faire rentrer une ou deux nouvelles têtes. L'émission évolue, elle n'a déjà plus rien à voir avec ce que l'on a fait pour la première et elle n'aura pas plus à voir avec la dernière de la saison, en juin prochain. On change par petites touches le conducteur pour caler nos séquences sur la concurrence. Mais on ne va pas changer la nature de l'émission parce que Laurent Ruquier arrive. On ne va pas multiplier les vannes et se mettre à commenter de façon rigolote l'actualité, la nature du "Grand Journal" ne va pas changer.
Si on en croit les déclarations de la chaîne, "L'émission pour tous" aura une partie axée sur l'actualité avec des chroniqueurs et une autre avec un invité.
C'est marrant, ça ressemble à quelque chose non (rires) ? Mais a priori, ils seront dans le commentaire de l'actualité. Nous, on la créé sur le plateau en invitant ceux qui font l'actualité. Et, dans la deuxième partie on propose quelque chose de différent de ce que compte faire France 2.
(On lui tend une photo de Sophia Aram). Est-ce que cette femme va vous manquer ?
Je ne vais pas tirer sur l'ambulance. C'est affreux ce qui lui est arrivé. Je suis plutôt triste pour elle. Etre balancée du jour au lendemain dans le grand bain sans avoir les moyens, ni la préparation nécessaire... J'ai beaucoup aimé l'attitude de Laurent Baffie qui l'a accompagnée jusqu'au bout. Je trouve ça élégant de sa part.
Comme tous vos petits copains animateurs, vous la défendez ?
Je suis sincèrement désolé pour elle car ça aurait pu mieux se passer s'il y avait eu un peu plus de travail en amont de la part de la chaîne et de la production. Mais je n'ai pas de problème avec elle personnellement. Ni avec Ruquier, Nagui ou Cyril Hanouna d'ailleurs ! On fait tous le même métier et, à un moment, on se retrouve programmés à la même heure. Ca ne fait pas de nous des ennemis.
Une plantade comme ça, vous en avez fait des cauchemars ?
C'est un cauchemar qui dépasse la télévision mais qui touche tous les métiers de saltimbanque. Tous les acteurs de théâtre ou les réalisateurs ont déjà ressenti ça. On a toujours l'anxiété que son travail n'intéresse pas les gens et qu'ils aient autre chose de mieux à faire... La chance sur une quotidienne, c'est qu'on se dit toujours que ce qu'on a raté le lundi, on peut mieux le faire le mardi, le réussir le mercredi pour le re-rater à nouveau le jeudi ! L'essentiel est de progresser. Je sais que pour la publicité et les invités, les chiffres d'audiences sont importants. Mais, pour moi, l'essentiel est de faire la meilleure émission de télévision possible chaque soir... Je suis d'une autre génération ! De celle où on se souciait avant tout de faire des bons programmes en respectant l'intelligence du téléspectateur. Si ça marche, tant mieux. Si ça ne marche pas, je m'en désole mais j'aurais le sentiment d'avoir fait ce que je pouvais.
Est-ce ça qui a changé par rapport à l'époque de NPA ?
Oui, c'est beaucoup plus rude qu'à l'époque. Les enjeux étaient les mêmes mais on nous les faisait moins sentir. Canal+ se lançait et la seule chose qui importait était que le clair donne envie aux téléspectateurs de s'abonner au payant. Le clair était seulement une vitrine. Désormais c'est toujours le cas mais la puissance du clair, ses audiences et ses recettes publicitaires importent aussi.
(On lui tend à présent une photo de Cyril Hanouna) Cet homme va-t-il vous dépasser ?
Il me dépasse littéralement mais pas dans le sens où vous l'entendez ! (rires) Non, plus sérieusement, on propose deux offres de télévision radicalement différentes. Ce sont deux vraies alternatives. D'un côté, vous avez une émission d'humeur, avec de la vanne, des commentaires à chaud sur l'écume télévisuelle. De l'autre, vous avez un journal qui peut, par exemple, vous parler des démêlés d'un élu UMP avec son concurrent FN. On est dans deux approches radicalement différentes. Je ne vois pas en quoi c'est comparable. Je suis ravi que son émission marche, je ne m'en désole pas du tout.
Redoutez-vous le croisement des courbes de vos émissions respectives ?
Pour l'instant, ce n'est pas le cas. Je pense que "Le Grand Journal" est une marque tellement forte que c'est à nous maintenant de veiller à garder le niveau et la qualité de l'émission. La concurrence est stimulante car elle nous oblige à élever sans cesse notre niveau d'exigence pour rester les meilleurs dans notre domaine de compétence. Mais on ne va pas se mettre à faire du Hanouna en se disant que c'est ce que les gens veulent voir. Il ne faut pas se dénaturer mais au contraire, garder l'identité et l'intégrité de l'émission. Après, le goût des gens...
D8 appartient au groupe Canal+. Comment cette concurrence entre deux access très puissants est gérée en interne ? On sent des tensions.
Ils sont ravis car ils ont deux chaînes avec deux programmes qui cartonnent ! Quant aux tensions que vous évoquez, on est parfois dans une situation schizophrène à l'intérieur d'une même entreprise. Moi, je suis là pour faire mon job, essayer de faire la meilleure émission possible dans le cadre qui m'est donné. Pour le reste, ce sont des questions qu'il faudrait poser à Rodolphe Belmer (directeur général du Groupe Canal+, NDLR) et Ara Aprikian (le patron de D8, NDLR).
Cette guerre de l'access qui hystérise beaucoup de journalistes, ça vous fait marrer ou vous vous en fichez ?
Ce n'est pas que je m'en fiche mais j'ai d'autre sujets de préoccupation au quotidien. Moi, ma préoccupation constante, monomaniaque, obsessionnelle, c'est de faire en sorte que tous les éléments soient réunis pour qu'on fasse le meilleur show possible, sachant qu'on y arrivera peut-être pas tous les jours. Ma préoccupation n'est pas de me dire : "Où ils en sont à droite ? Où ils en sont à gauche ? Est-ce qu'on s'ajuste ?". Si vous vous dites ça sans arrêt, c'est le meilleur moyen d'aller dans le mur direct.
A Cannes, vous serez en direct sur la plage ?
Normalement oui. On va faire les premières réunions pour en parler en janvier. Je voudrais que ça bouge.
Vous voulez vous différencier de ce qui se faisait avant ?
Oui. Il y aura déjà une grosse différence, c'est qu'on n'abandonnera pas la partie actu pendant le festival. On aura Christian Estrosi (le maire de Nice, NDLR) sur le plateau tous les jours. Merde, on l'a dit ! (rires).
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