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Pourquoi dire que l'Arcom est responsable de la fermeture de C8, comme le prétendent Cyril Hanouna et Pascal Praud, est faux
Publié le 28 février 2025 à 16:01
Par Ludovic Galtier Lloret | Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
C8 cessera d'émettre sur la TNT ce vendredi 28 février 2025 au milieu de la nuit.
Cyril Hanouna cible Alexis Kohler dans "TPMP" le 19 février, après la validation par le Conseil d'État de la décision de l'Arcom de ne pas reconduire C8 sur la TNT. © C8
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Dans quelques heures, C8 fera ses adieux à la TNT. Depuis plusieurs semaines, les médias du groupe Canal+ (C8, CNews, Europe 1, le "JDD"), leurs cadres et leurs incarnations – Cyril Hanouna, Pascale de La Tour du Pin et Pascal Praud pour ne citer qu'eux – montent au créneau dès qu'ils en ont l'occasion pour dire tout le mal qu'ils pensent de l'Arcom et de sa décision de ne pas réattribuer, après 20 ans de présence sur le marché, le canal 8 à la chaîne du groupe de Vincent Bolloré. Ils accusent au passage l'autorité d'avoir décidé la fermeture de C8. Ce qui factuellement est inexact.

La décision de fermer C8 revient au groupe Canal+

Certes – et pour plusieurs raisons, rappelées au Conseil d'État puis par écrit par le rapporteur public Florian Roussel le 19 février – l'Arcom a pris en juillet 2024 la décision de ne pas sélectionner le dossier de C8 dans le cadre de la remise en jeu du canal 8 sur la TNT. Sa légalité a été confirmée depuis. Mais le pouvoir de fermer la chaîne, lui, appartient bel et bien au groupe Canal+.

Ce dernier aurait pu décider que C8 poursuive son existence sur le câble, le satellite ou sur Internet (c'est ainsi par exemple que "TPMP" perdurera dès le lundi 3 mars). Mais pour des raisons économiques, cette option a vite été écartée. "Contrairement à ce qu’on peut lire dernièrement, la TNT joue un rôle absolument essentiel pour C8", a répondu, dans un long thread publié sur X le 23 février 2025, Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+, en charge des programmes et des antennes.

"C8 est une chaîne gratuite financée par la publicité. Sa présence sur la TNT lui permet d’atteindre une large audience nationale, crucial pour attirer des annonceurs. Si la chaîne devait se limiter à des réseaux comme le câble ou le satellite, souvent moins accessibles, son audience diminuerait considérablement et son modèle économique deviendrait insoutenable", a-t-il anticipé, omettant néanmoins de préciser que C8 a toujours été déficitaire en tant que chaîne TNT. 

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Toutes les chaînes privées sont soumises au renouvellement de leurs fréquences

Là où il semblerait que Gérald-Brice Viret se fourvoie en revanche, c'est quand il affirme la chose suivante : "L’argument selon lequel C8 pourrait continuer à exister sur d’autres supports sous-entend qu’elle ne mérite plus sa place sur la TNT, renforçant une hiérarchie arbitraire entre les chaînes. Cela suggère que certaines chaînes sont plus dignes d’être accessibles à tous, tandis que d’autres devraient se contenter de plateformes moins visibles. Ce raisonnement n’a aucun fondement objectif et nuit à l’équité de l’accès à l’information".

Cela vaut pour tous les acteurs, y compris historiques (TF1 et M6 s'y sont pliées en 2023), l'Arcom attribue des fréquences à des groupes privés pour une durée limitée. Charge à eux, à l'expiration de celle-ci et s'ils souhaitent candidater à un renouvellement, de la convaincre de la solidité de leur dossier et du respect des engagements pris des années plus tôt. C'est là que le bât blesse pour C8, eu égard notamment au manque d'originalité de sa programmation et au montant record des sanctions infligées par l'Arcom (7,6 millions d'euros). Tout le monde a en tête l'affaire Louis Boyard.

Gérald-Brice Viret invoque ici "la double peine". "C8 ayant déjà réglé de lourdes amendes, cette ultime sanction relève d’une double peine, pourtant interdite par le droit français", a-t-il affirmé sur X le 25 février. 

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Honnêteté, indépendance, pluralisme... C8 a manqué à ses obligations

"Peut-on reprocher au régulateur (l'Arcom, ndlr), comme le fait la requérante (C8, ndlr), d’avoir donné à sa décision une 'coloration disciplinaire' ? La critique ne nous semble nullement fondée", a tranché le rapporteur public, qui rappelle que "l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information, la représentation, exempte de préjugés, de la diversité de la société française et l’absence d’atteinte à ces principes par les intérêts économiques des actionnaires" font partie des critères de sélection des candidats. 

Or, poursuit-il, "ces principes constituent le fondement légal de plusieurs décisions de mises en demeure et de sanctions prises à l’encontre de la chaîne. On se rappelle notamment d’une séquence de l’émission 'TPMP', diffusée quelques jours après le meurtre d’une enfant (affaire Lola, ndlr), au cours de laquelle l’animateur principal (Cyril Hanouna, ndlr) avait longuement exprimé, sans réelle contradiction, une position extrêmement polémique sur le traitement judiciaire à réserver aux personnes suspectées d’avoir commis des actes criminels, quel que soit l’état de leur discernement au moment des faits." Cyril Hanouna, éludant à dessein les principes qui régissent l'État de droit, avait notamment plaidé en faveur d'une justice expéditive.

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Pour remédier à ces manquements, C8 avait proposé de diffuser à l’avenir l’émission "TPMP" avec un léger différé. Cependant, l’Arcom a pu considérer que cet engagement tardif manquait de précision. Sa durée variait ainsi, selon les déclarations, de 15 à 45 minutes.

Quant aux records d'audience alignés par "TPMP", argument régulièrement avancé pour défendre le dossier de C8, ils ne valident pas de fait l'engagement en matière de qualité de programmation. "En cas de manquements répétés constatés dans une émission d’information – ou 'd’infodivertissement' -, les téléspectateurs ne sont pas éclairés, dans des conditions satisfaisantes, sur les grands débats d’actualité. Que le public n’en tienne pas rigueur à la chaîne ne suffit pas à considérer qu’il n’aurait pas été porté atteinte à son intérêt", considère le rapporteur général.

Une campagne de désinformation

Depuis l'officialisation en décembre 2024 puis la confirmation par le Conseil d'État en février 2025 de la non-reconduction de C8 sur la TNT, "Frontières" participe – avec les médias de la sphère Bolloré (CNews, le "JDD" et Europe 1) –  à une campagne de désinformation massive, en prétendant au choix que cette décision serait "politique" – Cyril Hanouna a accusé sans preuve Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée, d'être derrière le non-renouvellement de C8 sur la TNT – ou que les institutions telles que l'Arcom et le Conseil d'État seraient majoritairement composées de personnalités issues de la gauche.

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Pour rappel, en décembre 2024, le nom du président de l'Arcom a été proposé par Emmanuel Macron – personnalité politique qui n'est pas de gauche – et approuvé par le Parlement dont la composition est majoritairement à droite.

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Accusée encore il y a quelques jours de mener une cabale contre Cyril Hanouna destinée à l'empêcher de s'exprimer – alors que "TPMP" pouvait très bien basculer sur CStar, autre antenne du groupe Canal+ qui a bien été renouvelée en 2024 –  l'autorité a démenti, ce dimanche 23 février, les propos attribués à plusieurs de ses membres, par Jules Torres sur l'antenne d'Europe 1 et dans "Touche pas à mon poste !" sur C8 le vendredi 21 février puis dans un article du "JDD" paru le 22 février.

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Contributeur pour les médias de la galaxie Bolloré, ce dernier a fait le récit d'un "déjeuner de la honte" au cours duquel des membres de l'Arcom auraient indiqué : "Nous, on nous a demandé de virer Hanouna, on l'a fait, on a fait notre boulot". Quelques lignes plus bas, les mêmes auraient poursuivi : "On s'est bien payé le groupe Bolloré" ou encore "On s'en fout de mettre au chômage 400 potes d'Hanouna". La source de ce déjeuner est l'auteur de l'article lui-même. Jules Torres se serait trouvé à quelques tables de là dans ce restaurant du XVe arrondissement avec deux de ses collègues, Charlotte d'Ornellas et Geoffroy Lejeune. Le micro lui a également été ouvert sur CNews, la chaîne info du même groupe.

Toujours est-il que l'extinction du signal de C8 sur la TNT ne fera pas taire Cyril Hanouna. L'animateur a annoncé, ce jeudi 27 février 2025 aux alentours de 23h40, qu'il quittait le groupe Canal+ pour rejoindre W9 et Fun Radio dès le 1er septembre 2025. Sur la Neuf, Cyril Hanouna animera un "talk show" tandis qu'à la radio il reprendra les rênes des après-midis avec "une nouvelle émission". D'ici là ? "TPMP" reprendra dès ce lundi 3 mars 2025 sur le numérique et Cyril Hanouna animera "On marche sur la tête" sur Europe 1 jusqu'à la fin de la saison. L'argument de ceux qui voyaient une atteinte à la liberté d'expression de l'animateur dans la décision de l'Arcom d'exclure C8 de la TNT perd ainsi de son intérêt. 

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