Alors que les poursuites contre Nicolas Sarkozy ont été abandonnées dans l'affaire Bettencourt lundi dernier, celles à l'encontre de Stéphane Courbit ont été maintenues par les juges d'instruction dans ce même dossier. L'homme d'affaires et de médias sera ainsi prochainement jugé devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour "abus de faiblesse" sur la personne de Liliane Bettencourt.
Les soupçons de la justice pèsent sur un investissement de 143,7 millions d'euros réalisé par l'héritière du groupe L'Oréal dans Lov Group Industrie (LGI), la holding de Stéphane Courbit. Avec cette transaction, la milliardaire est devenue actionnaire à 20% de ce groupe présent dans l'énergie (Direct Energie), les jeux en ligne (Betclic) mais aussi l'audiovisuel avec notamment les sociétés de productions Banijay et Euro Media. La question que se posent les deux juges d'intruction est simple : Stéphane Courbit a-t-il profité de l'état de faiblesse de Liliane Bettencourt pour lui faire réaliser un tel investissement ?
Les deux magistrats ont semble-t-il des soupçons suffisament forts pour renvoyer l'homme d'affaires devant un tribunal, révèle BFM Business. Les juges notent dans leur dossier d'instruction que Liliane Bettencourt n'a rencontré qu'une seule fois Stéphane Courbit en novembre 2010, avant de réaliser l'investissement en question. La milliardaire n'a, selon-eux, à l'époque, qu'un degré de connaissance très faible des activités de l'ancien président d'Endemol France tout comme de la transaction qu'on lui propose.
Les juges soulignent aussi qu'elle prenait alors l'homme d'affaires pour... un chanteur. Stéphane Courbit a depuis expliqué aux magistrats, toujours selon BFM, que lors de cette unique rencontre d'une demi-heure, il "a préféré se présenter avec des BD, des disques et des livres, pour lui montrer ce qu'il faisait". Stéphane Courbit a aussi précisé qu'il ne s'agissait que d'une "visite de courtoisie". Cette dernière n'était pas, selon lui, destinée à rentrer dans les détails de l'investissement, détails qui sont réglés "habituellement entre banquiers et avocats" selon l'homme d'affaires.
Mais la justice pointe aussi justement du doigt les "banquiers et avocats" ayant organisé la transaction. Les juges ayant instruit l'affaire mettent ainsi en avant les relations amicales qu'entretiendrait Stéphane Courbit avec ceux qui étaient chargés à l'époque de conseiller Liliane Bettencourt. Pascal Wilhelm, l'avocat de la milliardaire, serait ainsi, selon eux, "l'ami de Stéphane Courbit et son avocat privilégié", notamment dans un procès contre Endemol, mais aussi pour une de ses sociétés, Betclic, depuis 2008. Quant au banquier chargé de conseiller Liliane Bettencourt, il s'agit de l'ancien patron de Vivendi, Jean-Marie Messier (J2M).
Or, "il existait des liens de sympathie, pour ne pas dire d'amitié anciens, entre Stéphane Courbit et Jean-Marie Messier" ont relevé les juges d'instruction. J2M a ainsi par la suite conseillé une des sociétés de production de l'homme d'affaire, Banijay, au printemps 2011. Stéphane Courbit a pour sa part fait valoir en audition que ce type de situation se produit souvent. Il a ainsi évoqué, en guise d'exemple, les multiples casquettes du cabinet d'avocat Bredin Prat, qui a pour clients à la fois Françoise Bettencourt-Meyers (la fille de Liliane Bettencourt), plusieurs sociétés de Stéphane Courbit (Betclic, Direct Energie, Euro Media...), et Jean-Marie Messier (du temps de Vivendi notamment). Au tribunal correctionnel de Bordeaux de trancher désormais. L'homme d'affaires risque jusqu'à 3 ans de prison et 375.000 euros d'amende.