Le 15 juin 2018, Delphine Ernotte, Gilles Pélisson et Nicolas de Tavernost annonçaient le scellement d'une alliance inédite pour créer une plateforme SVOD commune à France Télévisions, TF1 et M6. Objectif de ces groupes pourtant concurrents : empêcher le "diable" Netflix de devenir hégémonique en France sur un marché perçu comme l'avenir de la consommation des contenus audiovisuels.
Dix mois plus tard, Salto se fait toujours attendre. C'est qu'avant de pouvoir lancer leur plateforme, France Télévisions, TF1 et M6 doivent en effet attendre l'accord des autorités de régulation du secteur pour savoir si la création d'une telle structure est conforme ou non aux règles anti-concentration. Et le temps de ces administrations n'est visiblement pas celui des médias. Alors que Netflix a annoncé en février dernier avoir passé la barre des cinq millions d'abonnés dans l'Hexagone, la commission européenne consultée par le triumvirat vient seulement de renvoyer, le 18 mars dernier, le dossier à l'Autorité de la concurrence, considérant qu'elle était "la mieux placée pour étudier cette opération".
La lenteur de décision de l'Union européenne n'a pas manqué de provoquer l'agacement de Delphine Ernotte. "Ca me rend dingue", a ainsi publiquement commenté hier la présidente de France Télévisions au festival Séries Mania de Lilles, selon des propos rapportés par le site "Numerama". Et de regretter, fidèle à son franc-parler : "L'autorité européenne a quand même mis 6 mois à dire que c'était finalement à l'autorité française de se prononcer... En attendant, Netflix a gagné quoi ? Environ 1 million d'abonnés ?".
Egalement de passage à Lille hier, Gilles Pélisson a pour sa part révélé que Salto serait géré techniquement "par les équipes de M6". "Ils ont une équipe de 150 personnes à Lyon", a souligné le patron du groupe TF1, affirmant qu'il s'agissait d'une "marque de confiance" de la part de TF1 et France Télévisions. Cette même semaine, son groupe a par ailleurs annoncé la signature d'un partenariat avec Netflix concernant sa série évènement baptisé "Le Bazar de la charité". Concrètement, la plateforme de Reed Hastings récupèrera les droits SVOD de la fiction dans le monde entier, dont la France, pour une durée de quatre ans à J+7 après la diffusion sur TF1. En échange, Netflix apportera une participation conséquente au financement de cette série à gros budget. Un deal sans doute gagnant pour TF1, mais qui nourrit d'un contenu prometteur une plateforme que le groupe de Gilles Pelisson prétend pourtant contrer en France avec Salto. De l'art de tenir deux fers au feu.