Cyril Hanouna est-il en train d'expérimenter la fameuse "loi des 3L" chère à Jean-François Kahn ? Cette dernière veut que la presse lèche, lâche puis lynche les personnalités médiatiques qu'elle a créées. Tels Saturne dévorant son enfant, les médias auraient régulièrement besoin de brûler ceux qu'ils venaient pourtant de porter au pinacle. Sans aller jusque-là, la question d'un retournement de la presse concernant Cyril Hanouna peut désormais se poser. Depuis début février, il est en effet difficile de trouver une semaine sans un article dénonçant le comportement éruptif de l'animateur auparavant célébré comme "le roi du PAF" par une presse unanime.
Le coup d'envoi de cette séquence médiatique défavorable au trublion de D8 a été donné par la chronique de Bruno Donnet sur France Inter le 1er février dernier. Pour la première fois, un média "sérieux" s'attaque frontalement à "Touche pas à mon poste" mais aussi à Cyril Hanouna, accusé de normaliser "l'humiliation". Une semaine plus tard, le 9 février, Charlie Hebdo s'en prend directement à l'animateur-producteur avec une Une bazooka affichant : "Pire que Zika, Hanouna, le virus qui rend con".
Le 17 février, Le Canard Enchaîné révèle cette fois que "Tony Hanouna" est visé (tout comme Enora Malagré) par une plainte de l'humoriste Julien Cazarre déposée pour "menaces de violences physiques" et "appels malveillants". Le 24 février, le journal satirique en remet une couche en publiant le témoignage du journaliste Arnaud Ramsay racontant lui aussi avoir subi des menaces de la part de l'animateur-producteur. Jeudi 3 mars, un article de Télé Obs accuse les équipes de l'émission d'avoir promis des cadeaux à des téléspectateurs sans les envoyer. La machine s'emballe mais la charge la plus rude vient de Society. Le magazine publie le lendemain une enquête à charge de 8 pages sur "le caïd de la télévision". A l'intérieur, de multiples accusations de menaces et d'intimidations contre un animateur qui ferait régner une ambiance délétère dans sa société de production.
Peut-on pour autant parler d'acharnement contre Cyril Hanouna ? "Clairement non", estime le patron de "Society", Franck Annese, qui assure à puremedias.com que la date de sortie de son enquête n'avait rien à voir avec tous les articles parus auparavant. "Si on avait pu le faire plus tôt, on l'aurait fait", précise-t-il. Le patron de presse explique que ses équipes ont en fait dû attendre de pouvoir rencontrer Cyril Hanouna avant de sortir leur enquête, ce qui a pris plusieurs semaines. "Le timing, c'est lui qui l'a imposé", résume-t-il.
Interrogé sur la polémique, Franck Annese estime "plutôt soft" l'enquête de ses journalistes. "De manière générale, on n'aime pas faire des trucs à charge. On a donné la possibilité à Cyril Hanouna de s'exprimer", fait-il valoir. Hanouna et ses déboires, un bon filon pour vendre du papier ? "Si on avait voulu se faire de la notoriété avec cette enquête, on l'aurait mise en couv'", s'agace-t-il.
Le son de cloche est évidemment radicalement différent du côté de H2O où certains ont eu un peu de mal à encaisser les papiers successifs de Télé Obs et de Society la semaine dernière. Le premier a ainsi été perçu comme "injuste" alors que les cadeaux non envoyés représenteraient une infime minorité (9 cas sur 330) selon la production. Quant au second, il aurait "fait encore plus mal". "Pour la première fois, on était triste. Ce n'est pas du tout cet enfer décrit dans l'article que l'on vit", nous explique un membre de la production, dénonçant un papier "assez orienté" et n'ayant pas pris en compte plusieurs témoignages positifs.
"S'il y a retournement de la presse, c'est aussi que Cyril Hanouna a évolué", analyse pour sa part François Jost, professeur des universités en sciences de l'information et de la communication. Ce dernier évoque une émission devenue "de plus en plus trash" et s'éloignant toujours plus de son format initial d'"émission médias". "Le problème que pose Cyril Hanouna aux journalistes réside aussi dans son droit exorbitant à répondre ou régler ses comptes dans son émission. Cela donne un combat totalement déséquilibré", ajoute le sociologue.
Chez H2O, on veut en tout cas croire que la lourde séquence actuelle sera sans trop de conséquence pour la suite. "On passe à autre chose", c'est le mot d'ordre de la production. De son côté, Cyril Hanouna entend bien continuer à jouer la carte des téléspectateurs contre la presse comme il l'a fait lundi soir où, pendant 20 minutes et sans aucun contradicteur, il s'est livré à un démontage en règle de l'enquête de Society avec une équipe de chroniqueurs convoqués pour l'occasion et pressés de le défendre. Une équipe de chroniqueurs amputée d'ailleurs depuis hier soir d'un de ses membres historiques avec le départ précipité de Bertrand Chameroy. Annoncé en direct au cours d'une séquence un brin surréaliste, le départ a été lié par l'animateur à l'article de Society...
"Le métier, je n'en ai rien à foutre", résumait de toute façon l'animateur aux 3,2 millions de followers dans l'enquête du quinzomadaire. "Ce qui compte pour moi, c'est le public". Le public continue de le suivre, pour l'instant. L'audience protège l'animateur, devenu gourou de la première chaîne de la TNT avec qui il a signé un super-contrat de 250 millions d'euros.