Guillaume Dubois : "Dire que BFM TV est une chaîne low cost est absurde et insultant"

La charge lâchée par Eric Revel, patron de LCI, dans Télérama est lourde. BFM TV, "une télévision low cost à l'américaine qui donne l'impression d'être perpétuellement en direct, qu'il se passe toujours quelque chose, même s'il ne se passe rien". Piqué au vif, Guillaume Dubois, directeur général de la chaîne, répond à son concurrent dans nos colonnes.

BFM TV est-elle une chaîne low cost ?

Très clairement, non ! C'est une expression qu'on n'a pas dû utiliser depuis cinq ans ! On l'a utilisée quelques semaines au tout début, quand on avait le quart du budget de nos concurrents. On tentait d'exister avec un schéma un peu différent. BFM TV n'est absolument pas une chaîne low cost aujourd'hui. La meilleure preuve c'est qu'avec 250 collaborateurs, on est beaucoup plus nombreux que chez LCI ! Donc c'est absurde de le dire aujourd'hui. En termes d'effectifs, nous sommes les plus nombreux des chaînes d'information et en termes de budget, on a le sentiment que c'est également le cas. C'est manifestement ce que sanctionnent positivement les téléspectateurs en nous plaçant devant même si la direction de LCI a raison de rappeler que nous ne sommes pas sur un pied absolu d'égalité, on n'a pas le même réseau de distribution.

Comment expliquez-vous qu'encore aujourd'hui, cinq ans après son lancement, BFM TV soit toujours taxée de "chaîne low cost" ?

Manifestement, ce sont des gens qui ne regardent pas la chaîne ! Je ne pense pas qu'un seul téléspectateur se dise ça en regardant BFM TV. C'est absurde, ça ne veut rien dire, il n'y a aucun élément de l'antenne qui pourrait suggérer que BFM TV est une chaîne à bas coût. C'est faux.

Autre attaque d'Eric Revel de LCI, il vous reproche d'en faire trop quand l'actu est molle. Que lui répondez-vous ?

La phrase d'Eric Revel, "une chaîne qui donne perpétuellement l'impression d'être en direct", je l'ai notée. C'est insultant pour les équipes ! On ne donne pas l'impression d'être en direct, nous le sommes de 6h à 0h30, tous les jours, ce qui n'est pas le cas de nos concurrents. Et ça veut dire quoi quand il ne se passe rien, on en fait trop ? Par définition, il se passe toujours quelque chose, nous sommes une chaîne d'information en continu. Il n'y a pas tous les jours des tsunamis au Japon, heureusement ! Mais l'actu ne s'arrête jamais et c'est précisément pour ça qu'il y a des chaînes d'infos en France. Si on considère qu'il se passe un truc de temps en temps, on se contente de faire un 20 Heures. Nos téléspectateurs, ils attendent qu'on leur dise à chaque instant ce qui se passe. L'actu est plus ou moins intense mais on ne peut pas dire qu'il y a des moments où il ne se passe rien, cela ne veut rien dire ! Cela sous-entendrait que nos équipes en rajouteraient. C'est absurde et insultant pour tous les journalistes et le travail des présentateurs.

Ce n'est pas le propre d'une chaîne d'info, dans son ADN, d'en faire "des caisses" même quand l'actu est un peu faiblarde ? Vous avez une antenne à alimenter chaque jour...

Ce n'est pas en faire des caisses, c'est un mode de traitement. A partir du moment où on fait de l'info en direct, des reporters en duplex, des commentaires, la priorité aux images, il faut qu'on le fasse tous les jours ! Il ne s'agit pas d'en rajouter mais de traiter les événements de moyenne intensité comme les autres. Effectivement, on peut en faire plus avec des éditions spéciales quand les événements sont importants mais il ne s'agit pas de broder. On ne va pas un jour emmerder le monde en disant qu'il ne se passe rien alors que cela n'arrive pas. Après, il faut avoir suffisamment de recul pour ne pas traiter un accident où il y a des blessés ou une disparition d'enfant qu'on retrouve une heure après comme le tsunami au Japon. Il y a un style BFM TV ! On peut ne pas l'aimer, chacun est libre d'en penser ce qu'il veut, nos concurrents aussi.

C'est quoi justement, le style BFM TV ?

Le format, c'est le hard news, le seul élément de description de BFM TV dans la bouche d'Eric Revel. Nous sommes une chaîne d'info en continu qui accorde la priorité au direct et aux images. A l'américaine ? Oui, pourquoi pas mais ça veut dire quoi ? Les chaînes d'info ont été inventées aux Etats-Unis, il y en a six là-bas. Elles sont en avance sur nous, sur le marketing de l'antenne. Mais je note que tout ce qu'on nous a reproché de faire il y a cinq ans, toutes les grandes chaînes et même les 20 Heures le font aujourd'hui. Vous le voyez bien : sur les teasing en milieu du journal, l'utilisation du mur d'images, le décryptage debout devant un écran, tout le monde le fait ! C'est une écriture, du marketing éditorial. Ce n'est pas parce qu'on fait de l'info qu'il faut s'interdire d'être attractif et d'attirer l'attention des téléspectateurs !

Peut-on dire aujourd'hui que BFM TV a importé en France l'info grand spectacle ?

Non, je ne le pense pas. L'expression a une connotation négative, je ne la prends pas à mon compte. Quand on parle de politique, on ne fait pas de grand spectacle. Cela sous-entendrait qu'il n'y a pas de fond, ce qui est faux.

Avez-vous des regrets, dans l'histoire récente de BFM TV, sur des sujets qui n'ont pas été traités correctement ou qui ont été surtraités ? Je pense par exemple à la naissance du bébé présidentiel, BFM TV en a fait des tonnes le soir de l'accouchement...

Nous n'avons pas été non-stop sur ce sujet ! On a estimé qu'à cet instant, c'était l'événement le plus chaud, le plus nouveau de la journée. On a souhaité comme sur le reste être les meilleurs et les premiers. On traite toutes sortes d'informations avec la même rigueur. On n'en fait pas autant sur le bébé présidentiel que sur la primaire PS ! Dire que cela n'intéresse personne, c'est hypocrite. Depuis, on n'en a pas du tout reparlé.

Autre reproche fait par Eric Revel, celui de ne pas respecter votre convention avec le CSA, qui stipule pour BFM TV "une chaîne à dominante économique".

C'est archi-faux ! C'est faux de dire que notre cahier des charges explicite que nous sommes une chaîne à dominante économique. C'est faux, juste factuellement faux. J'invite Eric Revel à relire la convention de BFM TV qui stipule très clairement qu'on est une chaîne d'info générale qui notamment traite d'économie, ce qu'on fait. On respecte à la lettre notre convention.

Il vous reproche aussi de dépasser régulièrement votre quota de publicités à l'antenne, les 12 minutes par heure. Le CSA vous a épinglé à ce sujet. Pourquoi BFM TV se permet-elle de prendre ses distances avec la législation à ce sujet ?

On ne prend pas nos distances ! Contrairement à ce que dit Eric Revel, le CSA n'a pas rien fait, il nous a mis en demeure. En 2010, on a effectivement eu un certain nombre de dépassements, de l'ordre de 1% de notre temps d'antenne. La raison est simple : en fin d'heure, l'écran publicitaire déborde parfois d'une minute ou de trente secondes sur l'heure suivante. Du coup, l'heure suivante, on dépasse les douze minutes réglementaires alors que l'heure précédente était bien en-dessous du quota. Mais la règlementation demande que cela soit respecté heure par heure. De fait, globalement, nous n'avons pas dépassé notre quota de temps d'antenne pour les publicités. On a amélioré notre système de tracking pour que cela ne se reproduise pas.

12 minutes, c'est suffisant aujourd'hui pour le modèle économique de BFM TV ?

Oui, ça l'est. Je ne dis pas que notre analyse ne va pas changer dans quelques semaines mais aujourd'hui, cela suffit. Ce niveau publicitaire permet à la chaîne d'être à l'équilibre en 2011, ce qui là encore vient contredire les propos de LCI.

LCI a failli passer en gratuit et vous rejoindre sur la TNT. Cela ne devrait pas se faire, êtes vous soulagé ?

Oui ! Là encore, la direction de LCI se moque du monde ! Dans l'interview d'Eric Revel, on nous explique que c'est la chaîne d'info qui se porte le mieux, qui perd le moins d'argent, qu'elle ne va quasiment pas en perdre cette année. Un tableau idyllique alors qu'il y a un mois, la direction de LCI nous expliquait qu'elle était au bord du gouffre et qu'en cas du maintien du modèle payant, ils allaient fermer et licencier 200 personnes ! C'était il y a un mois ! Et aujourd'hui, tout va bien. Nous n'avons jamais critiqué le travail de LCI et de ses dirigeants. La ligne jaune a été franchie notamment quand il s'en prend nommément au directeur de BFM TV, Alain Weil. C'est nul, cela ne veut rien dire. Nous nous sommes opposés à son passage en gratuit car nous estimions que cela revenait à changer les règles du jeu en cours de partie et qu'on pensait par ailleurs que LCI pouvait trouver un avenir dans le payant. Ce que LCI reconnaît aujourd'hui. Nous serons soulagés si cela se confirme. On est ravis qu'ils puissent élargir leur réseau de distribution à l'ensemble des bouquets ADSL.